Genre : Ciné région
Rabia
Genre : Drame
Pays : France
Durée : 1h34
Réalisateur : Mareike Engelhardt
Acteurs : Megan Northam, Lubna Azabal, Natacha Krief
Ici on ne les entend pas. Ici elles sont prisonnières d’un système qui les condamne à un avenir peu reluisant. Laïla et Jessica cherchent ailleurs un monde qui les reconnaitrait à leur juste valeur. Un monde qui leur apporterait tout ce qu’elles désirent, un Eldorado qui vous écouterait, briserait vos chaines. Elles ignorent qu’elles vont connaître l’enfer, que le discours est loin de la réalité.
Leur rêve se brise sur la triste vérité d’un monde encore pire que celui qu’elles viennent de quitter. Séparées à leur arrivée, Laïla paye le prix d’un homme qui ne l’écoute pas, la considère comme une chose. Jessica, devenue Rabia, ce qui signifie la colère, reste au centre car son homme est mort en martyr. Dans cet antre, la madafa de Madame, ressemblant aux maisons closes d’un autre siècle, elle devra trouver sa place. Entre proie ou bourreau, le choix est vite fait.
Rabia devient tout ce qu’elle a fui avant que la colère ne brise toutes les barrières, quand le vide devient néant et la mort le seul choix. Alors, elle devra s’affranchir d’une part de la noirceur qui l’aveugle pour espérer marcher vers l’horizon et la rédemption.
Mareike Engelhardt s’intéresse à ce huis clos et son endoctrinement, dirigé d’une main de fer par Madame, déshumanisant ses femmes et les transformant en marchandises. Elle commence par ce moment d’espérance envers un monde meilleur pour ces jeunes filles, entre innocence et engagement au discours de Daesh. Elle explore toute la complexité du bien et du mal, la perte d’identité pour épouser une cause qui les sort de l’anonymat où les enfermait la société.
Elle ne s’intéresse pas à la machination, au discours envoutant qui les conduit à ce choix. Pour cela, il faut se reporter au film de Philippe Faucon, la Désintégration. La caméra devient le témoin et le voyeur de la progression de Jessica, devenue Rabia (la colère), de sa longue dégradation, de ses souffrances dans un chemin de croix en enfer.
Dans un second temps, elle suit sa remontée des sous-sols, métaphore de l’enfer vers la lumière, les appartements de Madame. Cette dernière est inspirée par la figure de Fatiha Mejjati, alias Oum Adam, recherchée pour crimes contre l’humanité. Peu à peu, Jessica accepte de devenir à son tour bourreau, dans un jeu pervers qui la conduit à perdre son âme. Il faudra un évènement choc pour que la jeune femme s’éveille d’un rêve qui n’avait rien de paradisiaque.
Le lieu devient un univers obscur qu’elle décompose, des dortoirs anonymes aux appartements plus luxueux de Madame, remarquable Lubna Azabal. Cette dernière entretient un commerce bassement lucratif, loin de l’idéologie et l’imaginaire idyllique de toutes ces jeunes filles. Derrière le visage angélique se cache la face inhumaine des bourreaux d’hier à aujourd’hui. En arrivant, les jeunes filles doivent se déshabiller, laisser leur maquillage, leur téléphone, pour devenir une parmi tant d'autres, jusqu'à prendre un autre nom.
C’est toute la machine de déshumanisation qui est décortiquée à travers les différents personnages enfermés dans ces ténèbres, porte de l’Hadès. Le jeu de la lumière et de l’ombre apporte une symbolique supplémentaire à cette maison à la fois hors du monde et pourtant si proche. La jeune Megan Northam déploie un talent de comédienne capable d’endosser des personnages complexes, souvent en errance, en quête d’un ailleurs ou d’un retour comme dans Pendant ce temps sur terre.
Mareike Engelhardt réussit une entrée remarquée avec Rabia, portant toutes les qualités d’une grande réalisatrice. Il n’est pas étonnant qu’au dernier Festival du Film de Sarlat, elle ait remporté le Prix du public, du Jury jeunes et de la Meilleure Interprétation féminine pour Megan Northam.
Patrick Van Langhenhoven
Découvrez notre interview de la réalisatrice au dernier festival War on Screen à Châlons en Champagne et au Festival du Film de Sarlat.
Fiche technique
Titre original : Rabia
Réalisation : Mareike Engelhardt
Scénario : Mareike Engelhardt et Samuel Doux
Musique : David Chalmin
Décors : Dan Bevan
Costumes : Catherine Cosme
Photographie : Agnès Godard
Son : Guilhem Clarinval, Alexis Jung, Claire Cahu et Xavier Thieulin
Montage : Mathilde Van de Moortel
Production : Lionel Massol et Pauline Seigland
Sociétés de production : Arte France Cinéma, Films Grand Huit, Starhaus Filmproduktion et Kwassa Films
Sociétés de distribution : Kinology et Memento Distribution
Pays de production : France, Belgique et Allemagne
Langue originale : français
Format : couleur
Genre : Thriller dramatique
Durée : 94 minutes
Dates de sortie : 27 novembre 2024
Distribution
Megan Northam : Rabia
Lubna Azabal : Madame
Natacha Krief : Laïla
Lena Lauzemis : Oum Maryam
Klara Wöedermann : Oum Mikaïl
Maria Wöedermann : Oum Mansour
Andranic Manet : le combattant
Christine Gautier