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affiche Lettre à un jeune journaliste

Lettre à un jeune journaliste

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Genre : Festival Cinéma

L'Actu

« Si votre vie quotidienne vous paraît pauvre, ne l'accusez pas; accusez-vous plutôt, dites-vous que vous n'êtes pas assez poète pour en convoquer les richesses. Pour celui qui crée, il n'y a pas, en effet, de pauvreté ni de lieu indigent, indifférent. » Lettres à un jeune poète de Rainer Maria Rilke

Lorsque le jeune novice rejoint la confrérie, il entend les anciens parler d’un lieu mythique, d’un « Kumbh Mela » annuel. Seuls les élus désignés par un long parcours initiatique accèdent au Saint Graal. Il te faut d’abord faire tes preuves, jeunes Jedi, mot puissant alignés sur la feuille blanche ou internet, justificatifs, contrôle de tes connaissances souvent en option, recommandation de ton Senseï. Ce lieu est magique et se mérite. Chaque année, du monde entier, les vénérables arrivent en grande pompe suivis par les grands prêtres, les officiants de temple perdus et la valetaille de seconde zone. Tout cela, jeune novices t’es promis si cœur ardent tu as ! Dès tes premiers pas de nourrisson dans la confrérie, les ancêtres aux yeux brillants comme phare à l’horizon, vieilles anecdotes et souvenirs larmoyants, te narrent leurs belles aventures.

Tu comprendras que si, une fois dans ta vie d’adorateur du dieu cinéma, tu n’as pas vécu Cannes, il te manque le saint Graal, la coupe sacrée, le voyage à La Mecque te marquant du sceau du croyant fervent. N’écoute pas la voix des méprisants, ils te diront que nenni, point besoin de grandes farandoles, de folles nuits au son des bandonéons ou des feux d’artifice grandioses. Ils te parleront de paillettes et falbalas, d’arrogance, d’orgueilleux bouffis de suffisance, des snobinards, etc. Bouche tes oreilles, passe loin du chant de ces sirènes malfaisantes et jalouses. Certes, il existe une faune de m’as-tu vu, d’exhibitionnistes, leur but pendant que tu quêtes la toile ultime comme la note de Coltrane ?

Eux traquent la prochaine fête, la montée des marches, trois petits tours et puis s’en vont. Les mythes, les dieux, possèdent toujours leurs adorateurs onanistes. Ne te laisse pas troubler, de tout cela quand tu y seras passant de salle obscure en salle obscure, comme la chanson. Chaque année, un cercle d’élus élit le film des films, l’Excalibur jaillie du rocher de la foule des petites images mouvantes sélectionnées. Les grands prêtres sélectionnent d’abord une liste tombant vers avril. Ce moment tu le comprends, petit Jedi, est attendu avec impatience, piaffements avant le départ de la course des purs sangs sélectionnés. Au royaume de Dieu, contrairement à l’adage, il existe peu d’élus.

Les autres dans le meilleur des cas se contenteront de sélections secondaires, Après l’avoir vécu, jeune novice, il s’offrira à ton avenir deux solutions : accro tu feras tout pour y retourner. L’air désabusé, vieux routard du genre, tu empliras les yeux des nouveaux novices de tes fariboles de vieillard, maitre de la redondance ou comme moi, tu préféreras la solitude de la salle obscure, loin de la foule, dans ton ermitage. Je te laisse trouver où se cache le sage et le sot, ou peut-être que les deux se confondent.

"Aimer, c'est devenir un monde, un monde en soi pour quelqu'un d'autre. "  Lettres à un jeune poète de Rainer Maria Rilke

 Patrick Van Langhenhoven

Crédit photo internet (N'hésitez pas à nous signaler tout crédit à rajouter)