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affiche John Green, Cara Delevingne et Nat Wolff pour La face cachée de Margo

John Green, Cara Delevingne et Nat Wolff pour La face cachée de Margo

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Genre : Interview

L'Actu

Ciné Région : En principe, l’adaptation cinématographique d’un livre est une trahison. Ici, au contraire, on a une adaptation très littérale du livre. Vous cherchiez à satisfaire vos lecteurs ou bien vous écrivez naturellement en pensant au cinéma ?

John Green : Le travail des scénaristes est parfait. Ils connaissent infiniment bien la structure donc ils peuvent passer assez facilement du livre au scénario. J’ai eu beaucoup de conversations avec eux pendant le travail d’écriture et je sais qu’ils ont fait un travail intéressant. Après, je considère que dès qu’il sort, le livre ne m’appartient plus, je ne suis pas dans un processus de contrôle. En revanche, lorsque j’écris, je ne pense pas vraiment en terme d’image bien que nous soyons dans une société où l’image est partout. Je pense vraiment au verbe, au texte, au langage même si inévitablement, les images s’imposent à mon esprit.

C.R : Est-ce que le fait d’être producteur du film vous a permis d’avoir plus de poids sur l’adaptation ?

J.G : Je ne crois pas que le terme de producteur veuille dire grand chose aujourd’hui. D’ailleurs la plupart des producteurs ne font pas grand chose à mes yeux. Certains si, mais pas tous, et pas moi. Ce qui comptait pour moi, c’était le plaisir d’être sur le tournage avec des acteurs comme Nat ou comme Cara et puis d’admirer le travail de Jake Schreier qui a fait un superbe travail. Je me sentais surtout très chanceux de participer au processus tout entier et mon job, c’était d’être l’enthousiaste de service.

Nat Wolff : Je ne suis pas tout à fait d’accord, il fait le modeste là. Son enthousiasme certes mais également sa vision ont été fondamentaux dans la réalisation de ce film.

C.R : Nat Wolff, concernant le look de votre personnage, avez-vous fait entièrement confiance au département costume du film ou avez-vous fait appel à vos souvenirs d’adolescent ?

N.W : Pour me plonger dans ce film, je l’ai un peu vu comme une machine à explorer le temps qui me ramenait à mes 12 ou 13 ans. J’ai même écouté la musique que j’écoutais à l’époque. Après, oui bien sûr j’ai fait confiance à la costumière mais j’avais aussi mes propres idées quant à mon style qui devait être un écho de la façon dont je m’habillais adolescent. Et maintenant, je m’habille de façon plus cool que mon personnage Quentin.

C.R : Cara, votre personnage a du mal à trouver son identité et dit qu’elle se sent comme une fille de papier. Comment vous faites pour ne pas devenir une fille de papier ?

Cara Delevingne : Etant un mannequin, je suis littéralement une fille de papier glacé. Mais je crois que dans un sens plus large, chacun peut s’identifier à cela car il y a « les premières impressions qu’on donne », il y a tous les fantasmes, les idées reçues que l’on peut projeter sur l’autre et tout ça est extrêmement humain.

C.R : John Green, votre univers littéraire fait toujours référence au passage ou à la mutation. Est-ce que Margo est à voir ici comme un guide. Et Cara, est-ce comme ça que vous la voyez également ?

J.G : Je crois que Margo va effectivement aider Quentin puisque lorsqu’il s’aperçoit qu’il n’a vu en elle que les projections ou les fantasmes qu’il avait et non pas la véritable Margo, il grandit. Je crois que le film est aussi le parcours de Margo.  

C.D : Quand j’ai lu le livre, je me suis posé cette question. En tout cas, mon personnage n’a pas conscience d’être là pour aider Quentin. Elle ne s’est même pas rendue compte que Quentin était amoureux d’elle.

C.R : Avez-vous des souvenirs de votre dernière année de lycée et a-t-elle été pour vous la fin ou le début de quelque chose ?

J.G : Dans mon cas, c’était la fin de quelque chose, enfin c’était surtout fini pour moi de me servir de ma jeunesse pour ne pas être un étudiant génial et ne pas être non plus un ami formidable.

N.W : Pour moi, c’était un peu les deux. J’étais à la fois triste de quitter mes amis même si certains sont restés assez proches mais ce n’a jamais été la même chose. En même temps, c’était une période assez magique puisque c’est là où j’ai rencontré John (ndlr : Green).

C.D : Moi aussi, c’était un peu les deux, mais à des époques différentes. J’avais très envie de quitter l’école puisque quand on est ado, on pense tous que l’école c’est dur, qu’on est des incompris donc j’avais hâte de découvrir le vrai monde et de briser la bulle de l’école. Seulement, quelques années après, je me suis rendue compte que c’était aussi la fin d’une certaine forme de liberté et que je ne pouvais plus, comme John, utiliser l’excuse de ma jeunesse pour me justifier. Mais au fond, c’est une excuse que j’utilise toujours, je suis encore jeune après tout.

C.R : John Green, est-ce que Cara correspond à l’image que vous vous faisiez de Margo quand vous avez écrit le roman ? Et Cara, est-ce que ce premier grand rôle au cinéma a confirmé votre désir de comédienne ?

J.G : A vrai dire, Cara avait 9 ans quand j’ai écrit le roman, donc effectivement, je n’avais pas pensé à elle. Mais je crois absolument que Cara a compris ce personnage de façon extrêmement profonde. Même à la limite, elle l’a mieux compris que moi qui l’ai écrit. Je suis reconnaissant qu’elle ait donné autant d’elle-même pour servir l’histoire et le personnage.

C.D : Il n’y a aucun doute, j’ai toujours voulu être actrice, même enfant, c’était pour moi une évidence. Evidemment, j’ai changé au cours de ma vie puisqu’à un moment j’ai eu des doutes mais ce film a réellement changé ma vie. D’abord parce que je ne me suis jamais sentie aussi bien, humainement parlant et j’étais infiniment heureuse de transposer le travail de John à l’écran sans le trahir. La direction que je prends va davantage vers le cinéma.

Entretient réalisé par Patrick Van Langhenhoven et retranscrit par Eve Brousse.