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affiche Yao

Yao

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Un film de Philippe Godeau ,
Avec Omar Sy, Lionel Louis Basse, Fatoumata Diawara,

Genre : Comédie dramatique
Durée : 1h44
France

En Bref

Yao est un jeune garçon de 13 ans, né au fin fond du Sénégal. Il adore l’acteur français Seydou Tall, relisant à ses camarades le livre de son ascension. Presque griot, il narre les exploits de son idole sous l’arbre à palabre du village. Un jour, il apprend qu’il sera de passage à Dakar et n’hésite pas à organiser sa fugue. Il parcourt les 387 km de son petit bout de brousse à la grande métropole. C’est ainsi que l’acteur voit débarquer ce jeune garçon enthousiaste et décide de le prendre sous son aile. Ensemble ils commencent le voyage de retour, d’abord en taxi puis dans une vieille Peugeot. C’est l’occasion pour Seydou de renouer avec la terre de ses ancêtres, pays de son père ouvrier chez Peugeot. Un signe, comme le lui dira une vieille un peu sorcière. Yao apprend à mieux connaître cet homme qui est un peu décalé malgré ses origines. Une fois de plus, la route leur apprend plus sur eux-mêmes et sur le pays que le but final. Yao découvre la mer pour la première fois et Seydou, un pays qu’il apprend à connaître et aimer. 


C’est la troisième réalisation de Philippe Godeau, producteur aux choix bien marqués. A l’origine, il y a son amour de l’Afrique et son envie de nous la faire découvrir. C’est celle qu’il parcourait en rendant visite à son père en poste au Mali. Cette histoire simple nous entraine dans les profondeurs du Sénégal et de l’âme. C’est d’abord un homme qui oublie le sens profond des choses, emporté par le succès. L’argent ne fait pas tout et son fils préférerait un père plus présent qu’un clown à son anniversaire. Cet homme adulé des foules découvre l’humilité et l’anonymat en Afrique. L’important est ce qu’il cache dans son cœur. C’est donc seul, sans son fils, qu’il part à Dakar. La rencontre avec Yao le transforme profondément. Ce Bounty, surnom péjoratif que lui octroie le jeune garçon, noir à l’extérieur et blanc à l’intérieur, soulève la difficulté d’identité des jeunes Français d’origine africaine retournant dans leur pays. Ils sont souvent considérés comme des étrangers. Il s’installe une relation particulière, mélange de paternité et de grand frère. Pour le spectateur, c’est un voyage au cœur de l’Afrique enchantée entre traditions et spiritualité. Cet homme pressé qui n’a plus le temps de rien se confronte à la notion particulière du temps chez les Africains. Le chauffeur de taxi s’arrête pour honorer sa femme et refuse de partir sans avoir mangé le repas en son honneur.

Peu importe le nombre de haltes sur la route et les heures qui défilent. La patience et la présence de l’autre sont bien plus importantes. C’est ainsi que passent les petites villes et les villages aux couleurs vives. Entre portable et apports du monde moderne s’inscrivent les marchés aux couleurs locales, les charrettes tirées par des petits chevaux fragiles. C’est toute une Afrique différente mais vraie qui défile sous nos regards et nous emporte comme le voyageur au cœur de l’essentiel. Loin de l’image touristique habituelle, Philippe Godeau raconte ce pays qu’il garde encore en son cœur. C’est le sens de la famille, du partage, de l’accueil, des griots, le tout empreint d’une certaine spiritualité entre religion islamique et sorcellerie.

Philippe Godeau trace toujours une histoire entre fiction et réalité, abandonnant François Cluzet, son acteur fétiche, pour Omar Sy. Avec l’arrivée du personnage de Gloria (Fatoumata Diawara), c’est un regard sur cette Afrique contemporaine en route vers la modernité. Omar Sy découvre les joies de la coproduction avec ce film qu’il suit du début à la fin. Le film repose beaucoup sur le duo qu’il forme avec le jeune Lionel Louis Basse qui ne s’en laisse pas conter. Parfois il prend la route des bons sentiments pour une fable moderne sur le partage de nos différences et de la transmission.

Patrick Van Langhenhoven

Note du support : n/a
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Vous êtes tous deux coproducteurs. Autrement dit, votre implication est double puisqu’elle va au-delà de l’investissement artistique. Pourquoi spécifiquement sur ce film ?
Philippe Godeau
 : Omar, c’est l’acteur numéro 1. En faisant un film en Afrique, au Sénégal, j’avais l’envie de partager l’expérience, le voyage… Je savais qu’il avait une envie de produire et je trouvais que c’était bien de faire ce voyage à deux. Je suis un vieux producteur et un jeune metteur en scène, Omar est un acteur d’aujourd’hui et novice en production. Je lui ai proposé  

Omar Sy :Il m’a donné cette chance, j’ai accepté parce que l’envie de partager quand on est producteur est rare. Ce film parle d’un voyage, il en est aussi un pour moi ainsi que l’aventure avec Philippe. J’ai pour la première fois participer à des discussions sur la manière dont on fait, on réfléchit un film, comment on le prépare, on le tourne, on le monte. Mon implication et ma réflexion n’étaient pas les mêmes. J’y ai mis autre chose.

PG : Il fallait que les choses aient un sens et c’était le cas. Après, on s’était dit que s’il y avait un problème ou une question, on en parlerait et qu’Omar resterait acteur sur le plateau, tout en conservant notre rapport de confiance. Il y avait deux façons de faire ce film : ou bien l’on arrivait façon Club Med, avec nos camions en traversant le pays, d’une façon autonome, indépendante ; ou bien on avait l’envie de partager, de faire une équipe majoritairement sénégalaise, et de tourner dans la continuité pour vivre ce périple, et se fondre dans ce voyage.

Votre personnage se fait traiter de “Bounty“, c’est-à-dire noir dehors, blanc dedans…
OS
 : Je ne me sens pas un bounty. J’aime cette scène parce qu’elle montre à quel point ce n’est pas évident, ni agréable d’entendre ces trucs de préjugés et d’étiquettes. Ça raconte quelque chose d’assez nouveau que l’on ne sait pas forcément quand on ne le vit pas : quand on est d’origine étrangère et qu’on retourne dans le pays d’origine, on peut aussi subir du racisme.

Aviez-vous éprouvé le besoin de ce voyage vers vos racines avant qu’on vous propose le film ?
OS
 : J’ai eu la chance de le vivre avant. J’ai fait un voyage important avec mon père à l’âge de 19 ans, où l’on a traversé le pays en voiture. Ce voyage m’a complètement modifié : il a dessiné dans les grandes lignes la personne que je suis aujourd’hui. Ce moment passé avec mon père qui a été plus précis sur qui il était, sur l’histoire de notre famille, sur les endroits de ce pays qui lui étaient chers, ses rencontres, c’était important, en fait. Je m’en suis rendu compte après l’avoir vécu. Ce film y fait un petit peu référence, et j’en avais parlé avec Philippe. Après le tournage, j’ai refait le voyage avec mon père et mon frère, qui n’était pas dans la voiture  il y a vingt ans. Nous avons fait le voyage en sens inverse : à 19 ans, on était partis du village de ma mère en Mauritanie pour Dakar, là on est partis de Dakar. C’était très chouette.

Yao est teinté d’une forme de spiritualité… «
PG
 : Elle est partout. La scène de la prière du début n’était pas écrite dans le scénario. Quand j’étais en préparation, je me suis retrouvé réellement coincé et j’ai été bouleversé. J’ai voulu essayer de le refaire. On a tourné pendant la prière du vendredi. J’aimais bien voir que ce personnage ressente les choses. C’est fou la façon dont Omar a baissé la tête dans cette scène, sans qu’on se soit parlé.

OS : C’est plus le personnage que moi. Ce personnage est dans une forme de quête, il ne sait même pas ce qu’il cherche, on sent bien qu’il lui manque des choses, il est dans un rythme de vie intense. A peine a-t-il mis le pied hors de son avion qu’il est tiré par les obligations. Et la première chose qui lui arrive, c’est qu’on lui dit « stop, arrête-toi, tu n’as pas le choix, réfléchis, interroge-toi ; écoute ce qui se passe, vois ces gens qui s’arrêtent pour prier ».

Vous êtes encombré par la célébrité, comme votre personnage ?

 « C’est de l’amour et c’est très agréable. J’en suis reconnaissant et je le prends avec plaisir.»

Est-ce que le voyage du film vous a changé ? Etes-vous revenu différent de ce tournage ?
OS
 : Bien sûr, il y a toujours des choses qui sortent de ces choses-là. Que ce film existe me donne une vraie satisfaction, une vraie fierté. Et l’envie de faire d’autres choses dans ce sens-là. Sur le plan personnel, je me suis rappelé à quel point ça me faisait du bien de retourner au Sénégal.

Est-ce que ce film va jouer un rôle de transmission avec vos enfants ?

 OS : J’espère qu’ils vont se rappeler de deux ou trois choses à ce film. Nous dédions ce film à nos pères : il représente ce que l’Afrique nous a apporté à chacun en tant qu’homme.

Quel rapport entretenez-vous avec le cinéma africain et sénégalais ?
OS
 : Je ne vois pas beaucoup de films africains. Il s’était écoulé huit ans depuis mon dernier voyage au Sénégal, quand a commencé le tournage de Yao. J’aime la manière dont le pays se modernise tout en conservant ses valeurs. Je n’avais jamais eu de discussion avec un cinéaste africain ; Yao a ouvert cela. Là, ça commence à changer. Peut-être qu’ils pensaient que c’était loin de moi et que je n’en avais aucune envie. Je commence un petit peu à en rencontrer. Sinon, il y a eu Tombouctou, et La Pirogue qui m’ont aidé pour préparer Samba.

Merci à Nathalie pour la transcription.

Titre original : Yao

    Réalisation : Philippe Godeau

    Scénario : Kossi Effoui, Philippe Godeau et Agnès de Sacy

    Photographie : Jean-Marc Fabre

    Montage : Hervé de Luze

    Musique : Matthieu Chedid

    Production : Philippe Godeau et Omar Sy

    Coproducteur : Jean-Yves Asselin

    Sociétés de production : Pan Européenne Production et Korokoro ; France 2 Cinéma (coproduction)

    Société de distribution : Pathé (France) et Les Films 26 (Sénégal) ; Cinéart (Belgique), Filmcoopi (Suisse romande)

    Pays d'origine : France /  Sénégal

    Langue originale : français

    Format : couleur

    Genre : comédie dramatique

    Durée : 103 minutes

    Dates de sortie : 23 janvier 2019

Distribution

    Omar Sy : Seydou Tall

    Lionel Basse : Yao

    Fatoumata Diawara : Gloria

    Germaine Acogny : Tanam

    Alibeta : Taximan

    Gwendolyn Gourvenec : Laurence Tall

    Aristote Laios

    Maxime d'Aboville