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affiche White Bird

White Bird

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Un film de Gregg Araki,
Avec Shailene Woodley, Eva Green, Christopher Meloni,

Genre : Thriller
Durée : 1h31
États-Unis

En Bref

« L’absence renforce les sentiments ». C’est la phrase que Phil glisse à Kat, au moment de la disparition de sa mère, et qui résonne avec un écho particulier. Inscrit véritablement dans la veine d’un Mysterious Skin, son film référence, où la jeunesse d’un traumatisme tente également de se relier à la mémoire. Gregg Araki continue de traiter de l’adolescence sur fond de thriller familial à la fin des années 80.

Le point de départ est un sujet plutôt grave. Un jour d’hiver la mère de Kat disparaît, sans rien dire et ne laisse qu’un père désespéré et une fille aphone. Que s’est-il passé ? La jeune héroïne en pleine adolescence, tente d’apporter une réponse à cela. Le réalisateur trouve le moyen de donner au terreau de l’histoire une certaine légèreté et un côté gracieux. La légèreté passe par des touches délurées, qui lui sont propres, mais en plus rationnel que dans Kaboom. Cela réussi a touché et quand même surprendre alors que ce sont des choses « quotidiennes ».


Araki offre surtout deux très beaux portraits féminins. L’une ayant renoncé à sa vie, l’autre tentant de la construire. Eva Green est d’une beauté sans nom, particulièrement mise en valeur par le réalisateur, en épouse frustrée et alcoolique. Face à elle se dresse Shailene Woodley, aperçue dans quelques séries notamment, mais aussi The Descendants et The Spectacular Now. Elle fait ici preuve d’une maturité tant dans son jeu que ses émotions, lui donnant un côté attachant.

Les personnages sont biens travaillés avec de bons seconds rôles. Un côté burlesque accentué leur est donné notamment par un petit lot de clichés dans leur personnalité, qui sont assumés et font rire. De la mère du copain, aveugle à la copine en surpoids, Gabourey Sidibe l’actrice principale de Precious, ou au copain gay rêvant tous les deux à travers la sexualité de l’héroïne.

C’est le sujet : l’apprentissage de la vie et de ses travers comme l’amour. Le tout avec le puissant et pesant héritage d’une famille, jamais sereine. Freud ne traîne pas loin de l’intrigue et des rêves, et même la psychologue le cite. L’amour joue une place primordiale. Son apprentissage fait partie de celui de la vie. Mais il y a ici une autre dimension, l’amour comme aveuglement. En effet comment peut-on être amener à avoir un avis différent de la réalité, parce qu’on aime cette personne ? Cela fonctionne ici aussi bien avec son père qu’avec son copain. Et dans cet apprentissage on retrouve dans le film paraissant parfois irréel alors qu’il est réaliste, des moments d’une vérité intense et dramatique. C’est le fait de vouloir « tuer » le père mais également l’influence de la mère... La difficulté à se sortir de cet ancrage pour véritablement devenir soi-même.

La fin, malheureusement peut rappeler son précédent film. Et l’explication en guise de conclusion guette quand elle se retrouve dans l’avion, chose regrettable. Cela même alors qu’il s’était efforcé avec brio tout au long du film à nous raconter l’intrigue comme on vivrait dans cette famille : avec les non-dits, les apparences trompeuses... Perdu dans le récit, notre imaginaire est au travail. Comme un amnésique tentant que trier ses souvenirs. Mais la qualité de cela est encore est toujours de faire une pirouette quand la facilité est apparente, avec humour et ce côté décalé.

Dans White Bird règne deux ambiances. L’atmosphère des films indépendants, avec les couleurs relativement chaudes,  une mise en scène assez carré et une voix-off, celle de la jeune femme sont présents. Il y a aussi cette mère, femme au foyer, « Desperate Housewife ». Décor et postulat de nombreux films indépendants  pouvant résonner comme déjà-vu, mais ayant aussi un côté rassurant et une idée de douceur, dans cette banlieue tranquille. C’est le complexe de cette histoire difficile racontée pourtant calmement sans grand artifice, avec pourtant un poids.

Le côté gracieux et la seconde ambiance est apporté par les rêves. Le titre original est White Bird in the blizzard, incompréhensiblement réduit à White Bird en France. Kat ne semble pas accuser le coup du départ de sa mère. Comme si elle se faisait une raison et pensait que sa mère ne pouvait être que plus heureuse après son départ. Elle ne semble pas accuser le coup et pourtant, apparaît chez elle des signes logiques d’une mélancolie. Et il y a donc ces rêves. La jeune fille est au milieu de la neige, comme rappel de la disparition de sa mère en hiver. Apeurée mais beaux comme un oiseau blanc perdu. Il y a une difficulté à filmer les rêves, et ici on ressent cette touche de mélancolie, et ils ne doivent leur présence pas uniquement à leur esthétique. En effet c’est grâce à ces derniers, qu’elle va peu à peu cheminer son deuil et évacuer ses souvenirs. Mieux que d’innombrables séances chez le psy.

Dès le début on se doute de l’issue, mais la structure du récit fait que l’on doute, s’imagine de fausses choses, ne pense plus à la mère... L’assimilation au personnage de Kat est de ce fait véritablement là, dans une construction très intéressante. Avec ses caractéristiques qu’il n’a toujours pas perdu et en empruntant des pentes escarpées pour arriver à l’inévitable, Araki nous balade pendant une heure trente dans un film plaisant, basé sur le livre éponyme de Laura Kasischke.

Clément SIMON

Note du support : n/a
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