While We're Young

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Un film de Noah Baumbach ,
Avec Ben Stiller, Naomi Watts, Adam Driver,

Genre : Comédie dramatique
Durée : 1h37
États-Unis

En Bref

Cornelia et Josh vivent leur quarantaine avec difficulté, alors que leur meilleur ami quadra s’apprête à pouponner. Ils continuent leur petite vie qui tourne en rond, baignée par le même tempo sans trop bousculer l’habitude qui finira par leur jouer des tours. Depuis dix ans Josh tente de boucler le même documentaire qui l’éloigna de son beau père, un réalisateur de renom dans le genre. Entre quelque cours et des bourses qui ne viennent pas et pas mal de tergiversations sur la nature du produit et son sens, il s’égare un peu. Cornelia produit les films de son père et semble la plus posée, la moins à se bruler les méninges sur le monde et les étoiles. L’arrivée d’un jeune couple dans leur vie, comme un boulet dans un jeu de quilles du hasard, remet tout en cause.

Darby et Jamie, admiratifs du travail de Josh et de son premier film souhaitent emprunter la même route. C’est sur la sincérité d’un travail où la réalité ne se retrouve pas tronquée, masquée, transformée que s’établit leur entente. Un documentaire doit saisir le réel, ne jamais le contourner ou s’arranger avec pour retranscrire le message. Les deux jeunes gens, par leur joie de vivre en décalé, de saisir la vie à pleines dents, influence le quotidien ronronnant de nos deux amoureux. Ils brisent le cercle des habitudes pépères pour s’éclater, dans une séance de retour aux sources avec une cérémonie chamanique amazonienne. Qu’importe le vin pourvu que l’on ait l’ivresse, dirait le proverbe. Lorsque Josh et Cornélia ouvriront les yeux sur la réalité, elle aura bien changé et possédera un goût bien amer. Ils auront gagné d’avoir brisé le cercle de la banale routine pour gagner une vie plus accomplie et en adéquation avec leurs désirs. Josh achèvera enfin son film pour se lancer dans un nouveau projet.

Dans la lignée de Woody Allen, Noah Baumbach construit un cinéma un peu bavard sur la réflexion autour du sens de la vie et de l’art. Remarqué avec Les Berkman se séparent, puis dernièrement avec France Ha en passant par Greenberg, il ausculte sans cesse le milieu artistique confronté au quotidien de la vie - dans ce dernier film, comment vieillir tout en gardant une certaine fraîcheur de création. Leurs amis cherchent dans la naissance d’un enfant un renouveau à la vie. Josh et Cornélia, eux, restent prisonniers de leur petit cercle existentiel qui semble leur convenir et sans fin. Le film démarre de façon un peu bavarde, une étape à franchir, mais qui nous montre l’état du couple. Nous retrouverons cette même réflexion stérile dans le projet de film de Josh. Cela ressemble au plaisir de la discussion pour la discussion. L’arrivée dans leur vie de Darby et Jamie transforme cette dernière qui vole en éclat, l’imprévu se glisse dans les rouages pour emporter la machine.

Ils en viennent à délaisser leurs amis, trop effrayés par leur soudaine paternité qui les transforme, mais d’une autre façon : ils ressemblent à un couple bobo intello branché sublimé dans un concert pour Bébé délirant. C’est une manière pour Noah Baumbach d’aborder l’art en général et son impact sur notre quotidien. De la même façon, cette image extrême trouve son écho dans la séance chamanique. Elle oppose une vie contrôlée ordonnée à celle plus débridée des deux jeunistes plongés dans un relookage qui se voudrait branché. Chacun court après une chimère pourtant si proche, loin des extrêmes, et plus dans le ressenti que dans l’intellectualisation du début. Il faut briser les amarres du navire, le laisser filer sur les flots pour qu’il trouve sa route et trace son sillon. Josh se transforme en Jamie, arborant le même chapeau, la même peau jusqu'à l’aider dans son projet de documentaire. La morale qu’ils trouveront au bout de la route c’est qu’à vouloir ressembler à un autre on finit par se perdre. C’est quand ils jetteront les apparences trompeuses qu’ils finiront par se retrouver et repartir, poussés par un vent nouveau.

Sur cette interrogation de l’existence, de l’âge qui nous emporte et nous transforme, devenons-nous forcément des vieux cons têtus. Est-ce que la thématique principale ne serait pas toute cette réflexion autour du documentaire qui toucherait à l’âme du film. Josh croit en un genre qui saisit la réalité sans la transformer, brut. Le réalisateur n’est là que pour restituer la vérité qu’il attrape et retranscrit sur l’écran sans tricher. Il s’inscrit dans les pas de son beau- père, dans un documentaire à l’ancienne. Il découvre que Jamie travaille autrement, dans la nouvelle vague du documentaire où le but peut être manipulé, transformé. On peut tricher, pousser un peu le destin, c’est le documentaire d’aujourd’hui avec reconstitution, petits arrangements avec le récit sans en ternir le sens profond.

Un des exemples pourrait être le renouveau du documentaire animalier qui se rapproche de la fiction, en nous racontant une histoire. C’est celle de la vie des ours par exemple ou des singes - voire les films de Disney nature. Dans le fond, les deux se rejoignent, ils nous donnent à voir la même âme, mais sous un angle différent. C’est la fiction cherchant à toucher à une certaine réalité de la vie dont le meilleur exemple est la Loi du marché. À travers Josh, partisan d’un documentaire à l’ancienne, et Jamie, plus ouverte à des petits arrangements, le réalisateur s’offre une réflexion sur le cinéma en général. Même si le film peut paraître en dessous de France Ha ou des Berkman se séparent, il pose une pierre de plus à sa réflexion générale, construisant une véritable œuvre à regarder dans sa globalité.

Patrick Van Langhenhoven