Pour l'instant la vie de David Packouz se résume à traficoter. Il survit en surfant sur des combines à deux balles. Entre grands projets comme des draps de luxe pour petit vieux en maison de retraite dont tout le monde se fout bien, il se retrouve masseur pour cadors de la haute, trimbalant ses ambitions revues à la baisse et sa table à masser comme une mauvaise blague de la vie. Tout change quand il croise la route de son vieil ami d’enfance, Efraim Diveroli, construisant sa fortune sur les miettes des appels d’offres d'armement de l'armée américaine. Le petit malin ignore les grosses donnes pour se taper les petits contrats sur lesquels personne ne surenchérit. Pas de conscience, il ne s'agit pas d'être pour ou contre la guerre, mais pro pognon.
Les deux complices s’entendent pour faire fructifier le pactole et du coup, finis les massages sans fin pour pas grand-chose en fin de journée. C'est comme s'il venait de tirer le gros lot au Casino de l'existence. Tout roule jusqu'au jour où un gros contrat se retrouve bloqué en Jordanie. Cette fois, fini de jouer les intermédiaires, il va falloir plonger les mains dans le cambouis. Ils se retrouvent sur les routes du Moyen-Orient, une cargaison de flingues et pas mal d'ennuis en perspective. Ils se sentent pousser des ailes comme le dit le dicton, échappant de justesse au bide. Avec les yeux plus gros que le ventre, nos deux amis se sentent en veine. Ils ignorent juste que c’est à ce moment qu’il faut savoir arrêter et ne pas pousser mamie la fortune dans les orties. Un gros contrat et les voilà lancés sur le sommet, eux qui se contentaient de peu. Cette fois, les risques pourraient générer bien plus d’emmerdes que l’on ne pense. Surtout quand on quitte la petite magouille de zonard pour le grand saut dans l’arnaque. On ne joue pas dans la cour des grands impunément et à trop vouloir se goinfrer, on finit par s’étouffer disait ma mère !
Nous craignions le pire par le réalisateur de Very Bad Trip, la guerre en version comédie trash et salace. Le résultat n’est pas déplaisant et nous interpelle sur la fiabilité du système américain, et sans aucun doute du nôtre aussi. Todd Phillips choisit la comédie pour dénoncer le trafic d’armes à travers ces deux branquignols qui, dans la réalité, attendaient que le temps passe. C’est le journaliste Guy Lawson qui dénonce l’affaire en 2011 dans le magazine Rolling Stone. « L'administration Bush tâchait de favoriser les petites entreprises et il n'y avait pas d'entreprise plus petite que celle de nos deux potes qui glandaient dans un studio de Miami Beach, munis d'une pipe à eau, d'un ordinateur et d'un téléphone portable ». Pour arriver à leurs fins, le spectateur comprend qu’il leur faut dépenser pas mal d’énergie.
Ils ne sont pas si flemmards que cela en fin de compte. Le public adore les ringards qui réussissent à flouer le système et s’en sortent avec un max de blé en fin de course. Efraim Diveroli est une grande gueule, un sanguin adorant tout ce qui brille. Il est le rêve américain dans sa version malsaine, écrasant tout sur son passage pour faire monter son compte. Peu à peu, l’empathie que nous avions pour les deux personnages s’efface. Nous découvrons les travers de cette guerre d’Irak et l’autre face peu encourageante, loin de celle de sauveurs du monde. Todd Phillips ne cherche pas à se placer dans les pas de Scorsese, De Palma, Bigelow ou Eastwood… Le but n’est pas non plus de faire une comédie grinçante à la Adam McKay avec The Big Short. Nous sommes plus dans une farce, à l’image des deux héros du film, s’adressant au plus grand nombre.
Il ressemble à nos deux Pieds nickelés et non à cette image plus sombre du marchand d’armes Nicolas Cage dans Lord of War d’Andrew Nichol. C’est bien ce qui devrait nous inquiéter : comment aujourd’hui dans notre société, des petits joueurs tirent le gros lot. Faut-il que nous soyons tombés bien bas ou est-ce tout le système qui ne tourne pas rond ? War Dogs est à voir comme une comédie sympathique, elle ne prétend pas être autre chose. Après, c’est à chacun de nous de s’interroger sur la perversité de notre époque.
Patrick Van Langhenhoven
Titre original et français : War Dogs
Titre québécois : Chiens de guerre1
Titre de travail : Arms and the Dudes
Réalisation : Todd Phillips
Scénario : Jason Smilovic, Todd Phillips et Stephen Chin, d'après l'article Arms and the Dudes de Guy Lawson
Décors : Danielle Berman
Directeur artistique : Jonathan Carlos et Jay Pelissier
Costumes : Michael Kaplan
Photographie : Lawrence Sher
Montage : Jeff Groth
Musique : Cliff Martinez
Production : Scott Budnick, Bradley Cooper, Mark Gordon, Todd Phillips et Bryan Zuriff
Sociétés de production : Green Hat Films, The Mark Gordon Company et RatPac-Dune Entertainment
Société de distribution : Warner Bros.
Budget : 40 millions de dollars2,3
Pays d'origine : Drapeau des États-Unis États-Unis
Langues originales : anglais, arabe, albanais et roumain
Format : couleur — 2,35:1 — son Dolby Digital — 35 mm
Genre : comédie dramatique, thriller, biopic
Durée : 114 minutes
Dates de sortie4 : 11 septembre 2016 (festival du cinéma américain de Deauville) 14 septembre 2016 (sortie nationale)
Distribution
Jonah Hill (VF : Christophe Lemoine) : Efraim Diveroli (en)
Miles Teller (VF : Gauthier Battoue) : David Packouz (en)
Shaun Toub (VF : Serge Faliu) : Marlboro
Bradley Cooper (VF : Alexis Victor) : Henry Girard
Ana de Armas (VF : Claire Baradat) : Iz
Brenda Koo : Vanessa
Kevin Pollak : Ralph Slutzky
Patrick St. Esprit (VF : Luc Bernard) : le capitaine Santos
J. B. Blanc : Bashkim
Barry Livingston (VF : Michel Voletti) : un bureaucrate de l'armée
David Packouz (en) : un chanteur au Hilldale Home