Depuis l’enfance, peut-être même dès le berceau, Philippe Petit rêve de vivre sur un fil. Tendre celui-ci au-dessus du temps et de l’espace dans un horizon toujours plus haut, côtoyer les nuages. Il est prêt à tout pour réaliser son but, mais marcher sur la ligne de la vie n’est pas si facile. Il quitte donc sa petite province pour monter à Paris et trouver un mentor qui le guidera dans ses premiers pas. C’est Papa Rudy, funambule d’un cirque itinérant, qui le prend sous sa coupe. Notre rêveur n’hésite pas à forcer sa porte.
Le vieil homme voit peut-être déjà dans les yeux du jeune homme l’envie d’aller plus loin, de pousser son art au bout de ses limites. Il faudra du temps, mais de jour en jour, de mois en mois, il avance à grands pas et finit par maitriser le fil. Après avoir trouvé l’amour, il lui reste maintenant à concrétiser sa folie, tendre un câble entre les deux tours jaillissant de terre, le World Trade Center. L’idée demande une préparation sans faille, des complicités, en un mot, elle n’est pas jouée d’avance. Rien n’arrête ce projet fou, Philippe Petit, après ses exploits sur les tours de Notre- Dame, décide d’affronter les géants du ciel à New York.
Robert Zemeckis aime les personnages qui se dépassent pour toucher leur rêve comme dans Forrest Gump, Seul au monde et dans une certaine mesure Retour vers le futur. Ce sont souvent des parcours initiatiques qui permettent à ses héros de grandir et de trouver leur voie dans le long chemin de l’existence. Le pari n’était pas gagné, passionner le spectateur avec l’histoire d’un type qui tend un fil entre deux tours à New York. Il réussit pleinement le deal dans un film où, comme pour Seul au monde, son sens du cinéma populaire et de conteur nous captive.
Alors que nous connaissons la fin du récit, il nous emporte dans un suspense où nous nous demandons si Philippe Petit surmontera les obstacles pour atteindre le ciel. Pour cela, il utilise la forme du conte, un homme en noir au sommet de l’empire Stade Building nous conte comment un jeune homme, après un long apprentissage, réussit à maitriser le vent et les nuages pour survoler le monde et transformer deux tours en symbole de l’Amérique. La 3D prend toute sa raison d’être et parfois, le spectateur sujet au vertige ferme les yeux. Une belle leçon de vie, la morale pourrait être « N’abandonnons jamais nos rêves. Ils sont possibles. »
Patrick Van Langhenhoven
C’est dans un grand hôtel parisien et ses salons feutrés, bien loin d’un fil tendu que nous avons rencontré Robert Zemeckis et son acteur principal, Joseph Gordon Levitt descendu à terre. Ce dernier nous répond dans la langue de Molière qu’il aime.
1- Le cinéma s'amuse souvent à reconstruire des choses qui n'existent plus, là en l'occurrence ce sont les années 70. Dans ce film-là, il y a quelque chose de très particulier, ce sont les deux tours de Manhattan. Est-ce qu'il y avait une notion d'hommage dans votre film et l'envie de dire quelque chose aux Américains ? »
Robert Zemeckis : Oui vous avez raison sur vos deux questions, c'est vrai que recréer l'espace, le temps, le lieu, c'est ce que le cinéma fait mieux que toute autre forme artistique. J'ai toujours considéré ce film comme une lettre d'amour finalement au Twin Towers parce que bien sûr, dans nos mémoires, il y a la tragédie de ce qui s'est passé, mais je voulais également montrer à travers ce film toute la poésie et toute l'humanité du geste qui est aussi associé à ces Twin Towers.
2- « Comment avez-vous fait votre choix pour le casting français ?
Robert Zemeckis : C'était un processus identique à celui de tous mes films, j'ai regardé en France ce qu'il y avait de meilleur et les acteurs que j'ai choisis sont magnifiques, ce sont de vrais acteurs avec un talent juste.
3- « Est-ce qu'il est plus compliqué d'apprendre les gestes du funambule que La valse à mille temps de Jacques Brel ?
Joseph Gordon-Levitt : J'ai passé plus de temps à apprendre le français qu'à marcher sur un fil. C'était beaucoup de répétitions, j'ai appris cette chanson quand j'avais 23-24 ans, je répétais sans cesse les paroles dans la rue.
4- Est-ce que c'était important pour vous de rencontrer Philippe Petit ou finalement, lorsque vous construisez votre personnage vous vous inspirez d'un tas d'autres choses ?
Joseph Gordon-Levitt : J'ai fait la connaissance de Philippe parce qu'il a insisté. C'est lui qui m'a enseigné comment marcher sur un fil. Il m'a organisé comme une petite école, pendant huit jours j'ai appris à marcher sur un fil. Je trouvais ça ambitieux, mais il est très optimiste, il savait que je pouvais le faire et il m'a convaincu que je pouvais le faire.
5- « Techniquement qu'avez-vous expérimenté sur ce nouveau film ?
Robert Zemeckis : Rétrospectivement, je me suis rendu compte que tous les films que j'avais faits m’avaient préparé pour ce film-là justement. Je crois que le plus grand des défis était l'aventure narrative. La technique ne suffit pas, il fallait que le public ressente émotionnellement ce que Philippe ressentait au moment où il était sur ce fil. Je voulais connecter le public à ce qu'il se passait dans la tête de Philippe.
6- Quel est le thème du film qui vous a le plus intéressé ?
Joseph Gordon-Levitt : Pour moi, honnêtement, la première chose qui m'a intéressé c'est Monsieur Zemeckis et je crois que si ça avait été un autre cinéaste, je ne sais pas si je l'aurais fait... Les personnages et les histoires si fortes qu'il raconte m'intéressent vraiment.
Après ça, il y a un Philippe, un homme qui est complexe. Il n'est pas un personnage simpliste même si le film est fort en effets visuels. Mais avec lui on a un personnage fort, c'est un artiste brillant. C'est aussi un fou, ça m'inspire comme acteur. Robert m'a recommandé de voir le film Patton, Amadeus également... Ces films ont des personnages forts, on les adore, mais on les regarde perdre la tête.
7- Vous chantez, vous dansez, vous marchez sur un fil, vous êtes acteur... à quel moment vous mettez-vous en danger ? Quel art vous apporte le plus de plaisir ?
Joseph Gordon-Levitt : Je suis content de ne pas choisir, la diversité c'est ce que j'aime et j'ai beaucoup de chance d'avoir l'opportunité de faire beaucoup de choses différentes. Je me mets en danger lorsque je joue en français (rires).
Robert Zemeckis : Pour moi la métaphore de marcher sur le fil correspond à la première fois où je montre mon film à un public.
8- Vous avez réalisé un court métrage sur le rêve secret, vous quel est votre rêve le plus incroyable ?
Joseph Gordon-Levitt : Je crois que tout le monde à un rêve comme ça, un rêve impossible... on a tous des voix dans nos têtes qui nous disent que c'est impossible, qu'on ne devrait pas essayer. Philippe est l'exemple que c'est possible. Il a réalisé son rêve impossible, j'admire ça. C'est une histoire que l'on devrait célébrer, ce n'est pas un super-héros, c'est un homme réel avec un rêve irréel. C'est un exemple pour tous. Pour moi, mon rêve c'était de faire un film où je pourrais jouer en français. »
9- Dans le film, Annie dit « où le funambule traverse, il donne une âme à ces tours » et je voulais savoir si finalement le film ne permet pas d'éterniser ces tours ? Est-ce que vous auriez fait le film si Philippe Petit avait traversé les chutes du Niagara à la place des Twin Towers ?
Robert Zemeckis : C'est vrai que le cinéma permet de recréer le réel et de le perpétuer. Je pense que ces tours symbolisent la main de l'Homme, elles ont été faites par l'Homme. C'est leur perfection qui a séduit Philippe Petit, leur parfaite symétrie lui donne envie de les réunir. Je doute qu'avec les chutes du Niagara par exemple il y ait eu des points d'ancrage aussi intéressants.
10 Quels ont été les meilleurs et les pires moments dans ce film ?
Joseph Gordon-Levitt : C’était probablement le plus grand challenge pour moi dans ma filmographie parce qu’il y avait des défis physiques et des défis au niveau du langage. Le pire et le meilleur sont rassemblés dans un même moment, quand on filma la scène où il commence à marcher sur le fil, le premier pas, c'était un magnifique moment et un moment horrible aussi. On est restés comme ça, un pied sur le fil et un pied sur la tour, le film se concentre sur ce moment. On filme longtemps et ça, c'était dur pour les pieds (rires), émotionnellement c'était beau aussi, car c'était le centre de l'histoire selon moi.
Robert Zemeckis : Pour moi c'est vrai que le moment le plus fort, c'est quand j'ai vu Joseph poser son pied sur le fil sans aucune aide technique, c'était vraiment un moment que j'appellerais transcendantal. Le jeu, la performance de l'acteur et la réalité étaient réunis dans un moment extraordinaire.
Interview réalisée par Patrick Van Langhenhoven retranscrite par Sarah Lehu et corrigée par Françoise Poul.
Titre original : The Walk
Titre français : The Walk : Rêver plus haut
Titre provisoire : To Reach the Clouds
Réalisation : Robert Zemeckis
Scénario : Christopher Browne et Robert Zemeckis, d'après l'autobiographie To Reach the Clouds de Philippe Petit
Décors : Ann Smart
Montage : Jeremiah O'Driscoll
Musique : Alan Silvestri
Photographie : Don Burgess
Production : Jack Rapke, Tom Rothman, Steve Starkey et Robert Zemeckis
Sociétés de production : ImageMovers, Sony Pictures Entertainment et TriStar Productions
Sociétés de distribution : États-Unis TriStar, France Sony Pictures Releasing France
Pays d’origine : États-Unis
Langue originale : anglais
Format : couleur - 2,35:1 - son Dolby numérique
Genre : film biographique
Date de sortie1 : 28 octobre 2015
Distribution
Joseph Gordon-Levitt (VF : Donald Reignoux) : Philippe Petit
Ben Kingsley (VF : Féodor Atkine) : Rudolf Omankowsky dit "Papa Rudy"
Ben Schwartz (en) : Albert
Charlotte Le Bon : Annie Allix
James Badge Dale
Steve Valentine : Barry Greenhouse
Sergio Di Zio : l'officier Genco
Mark Camacho : Guy Tozolli
Jason Deline : Tessio
Benedict Samuel : Jean-Louis Blondeau
Clément Sibony
Jason Blicker : l'officier Daley
Daniel Harroch (VF : Loïc Guingand) : officier Clemenza
César Domboy : Jean-François Heckel
Vittorio Rossi (VF : Jean-Luc Atlan) : le sergent O'Donnell
Serge Martineau (VF : Emmanuel Gradi) : Foreman
Oxmo Puccino