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affiche The Voices

The Voices

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Un film de Marjane Satrapi ,
Avec Ryan Reynolds, Gemma Arterton, Anna Kendrick,

Genre : Thriller
Durée : 1h49
États-Unis

En Bref

Jerry est un brave garçon travaillant dans une usine de baignoires où il les emballe avec amour et délicatesse. Il adore la petite Anglaise de la comptabilité et ne sait pas comment lui avouer sa passion pour son joli regard et plus. Monsieur Moustache, son chat, lui conseille de la sauter sans préambule pendant que Bosco le gros toutou câlin préfère la version romance. Vous l’avez compris, il taille la bavette à ses animaux comme d’autres à leur femme, leur nounours en peluche ou la voisine.

La psy qui le suit ne semble y voir qu’un effet secondaire des médicaments qu’il ne prend pas. Tout change quand dans la Lady disparaît et est retrouvée en petits morceaux dans la campagne. Milton, petite ville paisible, connaît son premier serial killer et Jerry, il faut le reconnaître, est en pole position de la liste des suspects. À sa charge beaucoup d’indices laissent à penser que le brave type serait beaucoup plus inquiétant.

La rumeur, une visite au docteur des malades du cerveau vous transforme  facilement en un tueur sanguinaire. C’est une autre fille de la compta, Lisa, qui jette son dévolu sur lui et pour l’instant, mis à part quelques restaus et des conversations animées entre Jerry et ses deux animaux, rien de bien sanguinolent au programme. Nous sommes peut-être dans une autre réalité, la vérité est peut-être tout autre ?


Le film commence par nous emporter dans une comédie un rien loufoque où un brave type parle à ses deux animaux. Le chien représente la bonne conscience. Il pousse son maître à agir dans la bonne voie, construire une petite vie paisible en passant par les cases idéales d’une bonne vie sociale. Le chat devient la mauvaise conscience, celle qui pousse un brave type à basculer en enfer, à devenir le diable. Le psy dans la première partie reste le point d’équilibre d’un homme que la folie a frôlé dans sa jeunesse. Peu à peu, le passé de Jerry le rattrape. Sa bonne volonté à ne pas laisser souffrir les gens se transforme en acte barbare. Nous  pouvons voir le film à la lumière de l’esprit de Zoroastre, la Perse ancienne, l’Iran d’aujourd’hui. Zoroastre prêche un dualisme reposant sur le combat entre le Bien et le Mal, la Lumière et les Ténèbres.

Il existe un Esprit saint et un Esprit mauvais, deux jumeaux opposés représentant le jour et la nuit, la vie et la mort. Ils coexistent dans chacun des êtres vivants. C’est dans cette pensée qu’il faut chercher l’âme du film. Ainsi Monsieur Moustache est le mal et Bosco, le bien. Les situations, de la même façon, basculeront du bien vers le mal ou vice versa. Par exemple, Jerry dans un esprit de bonté ramène la belle Anglaise chez elle. Un évènement  inopportun arrive sur la route et transforme le bien en mal. Le spectateur, plein d’empathie pour Jerry, aura du mal à le prendre pour un tueur sanguinaire. Il cherche ailleurs la réponse, schizophrénie, double démoniaque ou un autre type battant la campagne. Marjane Satrapi joue pendant une bonne partie sur cette notion jusqu’au moment où elle dévoile l’envers de la médaille.

À partir de cet instant, elle passe habilement sur le passé qu’elle dévoile de plus en plus. Pour nous, la voie de la rédemption devient une seconde possibilité, donc le mal n’existe pas dans sa nature profonde et sans retour au bien. A l’inverse du tueur habité par Satan qui ne peut pas revenir en arrière et ne le souhaite pas, celui de The Voices comme les fidèles de Zoroastre, ne conçoit pas l’un sans l’autre. Nous retrouvons cette idée dans la façon de traiter la mort, proche des univers mexicain et iranien. Marjane nous dit comme au Mexique, on leur parle, on déjeune sur leur tombe. Ils sont ailleurs. Le film prend des couleurs rose bonbon, vives, pour nous dévoiler le côté bien et plus sales plus noires pour la face sombre.

La mise en scène s’appuie sur le surréalisme, univers décalé, improbable, animaux et têtes coupées parlant, l’inconscient devient un autre personnage. Elle n’hésite pas à surligner par un rouge vif les lèvres de la belle, la délicatesse d’une autre, fragilité et force se répondent comme deux silhouettes dans un miroir. Elle utilise les gros plans des visages, l’importance de la lumière et des décors renforcent son univers pour donner une vision du monde sublimée.

Après le très abouti Persépolis en version animée, le surprenant Poulet aux prunes où déjà pointait le style de Marjane Satrapi, nous oublierons La Bande de Jotas, The Voice confirme son univers et son talent. Cinéma surréaliste où la réalité emprunte des voies particulières, mélange de film de serial killer, comédie, romance, et une fin sous forme de cinéma Bollywoodien, elle réussit l’assemblage des genres. The Voice commence comme un bonbon sucré qui pique un peu et qui finit par devenir un rien acide. Le résultat accouche d’une petite farce macabre savoureuse, à ne pas manquer.

 Patrick Van Langhenhoven

Note du support : n/a
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Rendez-vous avec Marjane Satrapi au train bleu, le restaurant Belle Epoque de la gare de Lyon pour parler de  « The Voices », son quatrième long métrage après « Persépolis », « Poulet aux prunes « et  « La Bande des Jotas ».  Un film américain, tourné en Allemagne, dont le personnage principal est un tueur schizophrène. « Une comédie horrifique », selon elle.

Un film de commande ?

C’est  le cinéma américain. Le scenario est écrit avant le choix du réalisateur. Si  on me l’a proposé, c’est sans doute parce qu’on me trouve dingue ! En tout cas  je peux créer des mondes qui n’existent pas : Un homme qui échange des propos avec son chat et son chien l’un étant sa mauvaise, l’autre sa bonne conscience, je ne l’avais jamais vu ailleurs.

Produit par les Etats-Unis, tourné en Allemagne ? 

En France on vous met dans des cases. On me propose toujours des trucs en rapport avec mes origines Iraniennes. Or ce n’est pas ce qui m’intéresse. Il n’y a pas ces a priori aux Etats-Unis.  Vous pouvez mêler les genres.

Pourquoi pas,  un film d’animation ?

Non, ce n’est pas mon truc. Je suis passée par la BD pour Persepolis (ndl : Alph art du festival d’Angoulême en 2001 et 2002 ) mais ce n’était qu’une étape. En revanche, je suis peintre et donc je construis chaque plan comme un tableau. Je veux donner une forte identité plastique à mon film avec des couleurs  très codées : le rose par exemple. Une couleur girly que j’adore.  En même temps j’aime bien donner aussi une image de la réalité. Le fait que les américains mangent tout le temps. Que Jerry vive dans un bowling abandonné comme il y en a tant aux Etats-Unis qu’il ait un lit à une place parce qu’il n’a pas de sexualité…

Un film d’horreur ?

 Pas uniquement. Je voudrais qu’il fasse peur et qu’il fasse rire. Que l’on soit dans le sérieux, le gore, la fantaisie romantique et même la comédie musicale. En tout cas je ne voulais pas faire de Jerry un pervers sexuel . Cela foutait en l’air toute possibilité d’empathie.

Cet homme c’est un serial Killer ?

C’est un malade. Un enfant de 11 ans dans un corps d’adulte. Pas un prédateur. J’ai beaucoup d’empathie pour lui et tout est perçu à travers lui. Car cette question de la schizophrénie m’a beaucoup travaillée. J’ai interrogé des médecins. Je me suis demandée pourquoi les malades qui vivaient seuls comme lui ne prenaient pas leurs médicaments – trop d’effets secondaires, je suppose - et pourquoi ils étaient aussi méticuleux. D’ailleurs je suis une réalisatrice du détail et en plus j’ai fait des maths dans mes études. J’ai donc calculé le nombre de boites de Tuperware qu’il lui fallait pour mettre les filles qu’il découpe…

L’Iran ?

Je peux y retourner. Mais je ne l’ai pas fait depuis 16 ans. Mes parents y vivent toujours.  Je n’ai pas écrit « Persepolis » avec du fiel, car j’ai attendu cinq ans pour me calmer . Le bouquin a marché parce que je n’étais plus en colère. D’ailleurs, Je ne peux pas faire de dessins de presse. C’est trop dans l’émotion. Je n’aime pas me moquer des gens. Je ne suis pas dans la provocation mais j’estime que tout le monde a le droit de le faire. Un dessin n’est pas une condamnation à mort …

Marie-Aimée BONNEFOY

•    Titre original et français : The Voices
    •    Titre québécois : Les Voix
    •    Réalisation : Marjane Satrapi
    •    Scénario : Michael R. Perry
    •    Direction artistique : Udo Kramer
    •    Décors :
    •    Costumes : Bettina Helmi
    •    Photographie : Maxime Alexandre
    •    Montage : Stéphane Roche
    •    Musique : Olivier Bernet
    •    Production : Roy Lee, Matthew Rhodes, Adi Shankar et Spencer Silna ; Alex Foster, Marco Mehlitz et Mathias Schwerbrock (coproducteur)
Production exécutive : Christoph Fisser, John Powers Middleton, Henning Molfenter, Elika Portnoy, Cathy Schulman, Adam C. Stone et Charlie Woebcken
    •    Sociétés de production : 1984 Private Defense Contractors, Mandalay Entertainment, Studios de Babelsberg et Vertigo Entertainment
    •    Société(s) de distribution : Ascot Elite Home Entertainment (Allemagne)
    •    Budget :
    •    Pays d’origine :  États-Unis,  Allemagne
    •    Langue originale : anglais
    •    Format : couleur - 35 mm - 2,35:1 - son Dolby
    •    Genre : Comédie d'horreur
    •    Durée : 103 minutes

    •    Distribution
    •    Ryan Reynolds : Jerry Hickfang / M. Whiskers, Bosco, Deer et Bunny Monkey (voix uniquement)
    •    Gemma Arterton : Fiona
    •    Anna Kendrick : Lisa
    •    Jacki Weaver : Dr Warren
    •    Ella Smith (en) : Alison
    •    Paul Chahidi : Dennis Kowalski
    •    Stanley Townsend (en) : le shérif Weinbacher
    •    Adi Shankar (en) : Trendy John
    •    Sam Spruell (en) : Dave
    •    Valerie Koch : la mère de Jerry
    •    Paul Brightwell : Mack, le beau-père de Jerry
    •    Alessa Kordeck : Sheryl
    •    Michael Pink : Jesus
    •    Ricardia Bramley : Sheila Hammer
    •    Alex Tondowski : Tom
    •    Stephanie Vogt : Tina
    •    Gulliver McGrath (en) : Jerry à 12 ans
    •    Aaron Kissiov : Jerry à 6 ans