Gemma et Tom forment un petit couple heureux en quête de la maison du bonheur. Dans leur recherche, ils poussent la porte d’une agence immobilière leur promettant le paradis. Ils sont accueillis par un agent immobilier bizarre. Ils n’hésitent pas à le suivre à la découverte d’une zone pavillonnaire idéale pour construire son nid. Pas de dispute entre voisins sur la déco extérieure, toutes les maisons vert bouteille se ressemblent. L’agencement intérieur est parfait, de la salle de bain au salon avec vue sur le jardin exigu. Le vendeur conciliant disparaît d’un coup de baguette magique, abandonnant nos deux tourtereaux dans ce monde aseptisé. Une fois l’effet de surprise passé, ils tentent de sortir, sans succès, de ce labyrinthe. Ils sont pris au piège comme des rats de laboratoire. Ils sont condamnés à vivre comme Sisyphe, dans ce vivarium pour humains. L’arrivée d’un enfant dans un carton, paquet cadeau, finalise l’idée de la famille idéale. Ils auront fort à faire pour sortir de la nasse et ce qu’ils découvriront ne sera pas sans risque.
C’est le deuxième long métrage adapté d’un de ses courts pour Lorcan Finnegan. Nous pouvons le voir comme une parabole, un conte fantastique, un film de science-fiction dans la lignée des Profanateurs de sépultures. Nous n’aurons aucune réponse aux nombreuses questions que ce voyage soulève. C’est volontairement que le réalisateur nous laisse extrapoler sur son univers. Chacun trouvera la conclusion lui convenant. Vivarium s’ouvre sur un nid et ses oisillons chassés par un coucou. C’est une réflexion sur la société de consommation et ses excès, ses banlieues à la Tim Burton version Magritte. L’idée de départ vient de ces lotissements fantômes construits en Irlande. Comme le dit Lorcan Finnegan : « En Irlande, les propriétés fantômes sont le résultat du boom économique. D’immenses lotissements furent construits au milieu de nulle part à l’époque où les banques proposaient des emprunts couvrant la totalité du prix d’achat. Ces maisons ont été vendues bien trop cher et construites en nombre ». Notre petit couple cherche son Eldorado, le paysage idéal pour construire toute une vie de bonheur.
Ils ignorent qu’ils pénètrent plus en enfer qu’au paradis. Ils se retrouvent prisonniers de ce lotissement parfait sans pouvoir sortir du labyrinthe. L’attitude étrange du vendeur ne les surprend pas. Comme dans les contes, ils sont attirés par l’idée du bonheur, condamnés à vivre dans ce vivarium comme des lézards dans un paysage reconstitué. Le temps n’a pas de prise. Il n’existe que dans une version de l’éternel recommencement, immuable, parfait. Ils se nourrissent de produits sous vide sans goût, comme dans nos sociétés avec ces surgelés et autre. C’est bien la surconsommation qui mène du paradis à l’enfer, le thème principal. La morale est sans doute que le bonheur est ailleurs. Il ne faut pas croire aux mirages de notre monde. L’agent immobilier apparaît comme le diable qui vous prend au piège en vous promettant de satisfaire vos désirs. Nous sommes bien dans un conte moderne. L’arrivée d’un enfant marque l’image parfaite que nous nous faisons de la vie. Il manque juste le chien ! Cet enfant rejoint notre métaphore du coucou du début.
Il apprend à devenir comme ses parents, un clone parfait. Pendant que Tom creuse pour trouver la sortie, Gemma joue de l’instinct maternel. Ils trouveront chacun une réponse à leurs tourments. Ce monde conduit à la mort, la folie. Nous perdons, dans ce labyrinthe idéal, notre humanité. Notre conte est finalement une métaphore de la surconsommation et de la quête du bonheur idéal. La première conduit à faire de nous des robots comme l’agent immobilier, tous identiques, comme les maisons. La seconde nous apprend que la perfection n’existe pas. Ce sont nos imperfections qui font de nous des vivants. Le décor devient un personnage. Pourquoi Magritte : Je voulais que l’environnement du lotissement, Yonder, ait un côté surréaliste. Comme si vous viviez dans le rêve qu’on vous a vendu pour finalement découvrir que c’est en fait un cauchemar. L’environnement devait être réel mais, d’une certaine manière, artificiel. Chacun se fera sa propre idée, prouvant qu’un film peut donner de multiples interprétations. Il doit beaucoup à la performance de ses acteurs, du couple Jesse Eisenberg, Imogen Poots, et des seconds rôles, excellents. Certains se diront que la version courte était suffisante. Il reste un réalisateur ambitieux, à suivre et soutenir.
Patrick Van Langhenhoven
Titre original et français : Vivarium
Réalisation : Lorcan Finnegan
Scénario : Lorcan Finnegan et Garret Shanley
Musique : Kristian Eidnes Andersen
Direction artistique : Robert Barrett
Décors : Julia Davin-Power
Costumes : Catherine Marchand
Photographie : MacGregor
Montage : Tony Cranstoun
Production : John McDonnell et Brendan McCarthy
Sociétés de production : XYZ Films, Fantastic Films, Frakas Productions, PingPong Film, Voo et BeTV
Sociétés de distribution : The Jokers / Les Bookmakers (France)
Pays d'origine : Irlande / Belgique /Danemark1
Langue : anglais
Format : couleur - 35 mm
Genre : science-fiction
Durée : 97 minutes
Dates de sortie : 18 mai 2019 (Festival de Cannes) 11 mars 2020 (sortie nationale)
Distribution
Imogen Poots : Gemma
Jesse Eisenberg : Tom
Jonathan Aris : Martin
Danielle Ryan : la mère
Olga Wehrly : jeune femme
Molly McCann : Molly, la fille « effacée »
Senan Jennings : le garçon, le plus jeune
Eanna Hardwicke : le garçon, le plus vieux
Côme Thiry : le garçon, bébé
Distinctions
Récompenses
L'Étrange Festival 2019 : Grand prix nouveau genre8
Festival international du film de Catalogne 2019 : Prix de la meilleure actrice pour Imogen Poots
Sélections
Festival de Cannes 2019 : Sélection dans la section Semaine de la critique
Festival international du film fantastique de Neuchâtel 2019 : Film de clôture
Festival international du film fantastique de Gérardmer 2020 : Section en compétition