Serge parcourt les routes de France et de Navarre pour vous vendre l’impossible, combler vos désirs les plus fous. Comme il le dit : « moi je n’entube personne ! Je vends quelque chose à quelqu’un qui en a besoin ». Il est le meilleur le champion toutes catégories qui vous refourgue des besoins que vous ignorez. Dans le groupe où il vend des cuisines pour votre petit bonheur, tout le monde se l’arrache. Côté vie sentimentale et familiale, c’est plutôt la déroute, père absent, mari sur la route, on ne peut pas tout avoir. Quand Gérald vient le voir pour qu’il l’aide à devenir vendeur, vous comprenez son étonnement.
Son fils est un peu juste question finances et espère, le temps d’une saison, amasser suffisamment pour rembourser ses dettes et concrétiser son rêve de restaurant. Réticent, il cède et l’accompagne même dans sa formation à devenir le meilleur. Il faut dire que le petit est doué pour faire la cuisine, mais pas pour les vendre. Gérald comprend le système, grimpe les échelons jusqu’au bouquet final. Comme son père, il vend bien, mais sa vie personnelle s’évapore de plus en plus dans l’espace. Comment Serge réagira-t-il face à ce fils qui perd l’essentiel pour l’argent, une vie d’errance, l’image du père qui n’était jamais présente ?
Vendeur n’est pas un film sur l’univers de la vente comme d’autres avant lui. Il examine les rapports de filiation entre père et fils, et les choix d’une vie. Nous ne saurons jamais ce qui conduit Serge sur la route et à devenir le meilleur des vendeurs. Par contre, nous découvrons comment ce père absent finit par comprendre que sa vie n’est pas une sinécure. Il ne souhaite pas que son fils abandonne ses rêves pour une existence éphémère. Une fois la vente finie, il ne reste que la solitude. Vendeur regarde un homme prenant conscience que la vérité est ailleurs, que le clinquant l’éloigne de tout. Le lien père-fils est aussi celui qu’il entretient avec son propre père, lui aussi absent. Comme si une malédiction frappait la famille. Il revient en arrière pour éviter à ses fils et petit-fils peut-être de connaître le même sort.
Au début, Gérald voit dans ce boulot un bon moyen de gagner de l’argent rapidement pour combler des dettes et rêver l’avenir. C’est peut-être l’affrontement avec le père, resté auprès de lui, qui le pousse à passer du statut de mauvais vendeur à l’image de Serge. Le réalisateur compose une mise en scène où la route étend son ruban d’incertitude, d’errance. C’est la vie d’une âme sans port, qui l’ignore et finit par en prendre conscience. Il joue avec les lumières naturelles souvent froides et celles de la ville, néons des magasins ou halo des réverbères. Cette route devient celle de l’initiation pour le père et le fils, la fin de la malédiction, le temps du repentir et de bâtir un autre avenir.
Serge sacrifie sa carrière pour que Gérald comprenne où est sa place et évite de devenir une comète qui passe et s’éteint dans le ciel. Sylvain Desclous offre à Gilbert Melki un rôle complexe, tout en nuances, entre la parole volubile du camelot et le désespoir du père. Le comédien emprunte souvent des attitudes, un style à la Al Pacino. C’est un premier film prometteur qui annonce un réalisateur à suivre, sachant aller au cœur de son sujet.
Patrick Van Langhenhoven
Bonus:
Réalisation : Sylvain Desclous
Scénario : Sylvain Desclous, avec la collaboration d'Olivier Lorelle, Salvatore Lista et Agnès Feuvre
Photographie : Emmanuel Soyer
Montage : Isabelle Poudevigne
Musique : Amaury Chabauty
Production : Florence Borelly
Société de production : Sésame Films, en coproduction avec France 2 Cinéma
Pays d'origine : France
Langue originale : français
Format : couleurs
Date de sortie : 4 mai 2016
Distribution
Gilbert Melki : Serge
Pio Marmaï : Gérald
Pascal Elso : Daniel
Clémentine Poidatz : Karole, la copine de Gérald
Sara Giraudeau : Chloé, la prostituée
Christian Hecq : Georges
Serge Livrozet : le père de Serge
Damien Bonnard : Lilian