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affiche Une Nouvelle Amie

Une Nouvelle Amie

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Un film de François Ozon,
Avec Anaïs Demoustier, Romain Duris, Raphaël Personnaz,

Genre : Comédie dramatique
Durée : 1h47
France

En Bref

« On dit que les garçons naissent dans les choux et les filles dans les fleurs. Et bien moi je suis né dans un chou-fleur », ironise David (Romain Duris) quant à son travestissement. L’humour et la douceur sur un sujet d’actualité, riche et difficile.

Revoilà un Ozon très productif décidemment, un an seulement après le réussi Jeune et Jolie et deux après l’excellent Dans la maison. On retrouve dans ce long métrage des thèmes et caractéristiques des précédents. Mais avec une audace et une ambition d’adapter un livre complexe de Ruth Rendell  taillé pour lui. Il va de ce fait s’aventurer sur le terrain d’un Almodovar, livrant un thriller tarabiscoté mais avec une volonté certaine de trop bien faire.

 Tout part du décès de Laura et le traitement du deuil, un point important de cette œuvre réussie. La réaction de chacun diffère quant à ce sujet et on ne le sait véritablement que lorsque cela nous arrive. « Chacun a son propre chemin pour faire le deuil », affirme David via sa psychologue. David est le mari de Laura, l’amie d’enfance de Claire. Ces deux-là étaient inséparables « à la vie, à la mort », elles ont tout connu ensemble. Lorsqu’approchant la trentaine Laura décède d’une longue maladie, son amie lui fait la promesse de veiller sur son mari et sa fille Lucie. Les deux proches de la défunte ne semblent pourtant pas réussir à remonter la pente, évitant de se croiser et sombrant dans une dépression.


Jusqu’à ce que Claire découvre comment David expie ses maux : en se travestissant. « Tu n’es qu’un pervers ». Telle est sa réaction. Lui, affirmant sans conviction le faire pour offrir à Lucie l’illusion éphémère d’une présence féminine tout en avouant l’avoir toujours fait. Tel l’engrenage pervers de Dans la maison où le lycéen allait de plus en plus loin dans son intrusion chez les voisins, le veuf va ici faire de même dans son changement d’apparence. Ce jeu dangereux sera irréversible à un moment donné. Chacun réussissant à puiser dans cela l’énergie sûrement illusoire pour sortir de sa tristesse exacerbée. La relation forte et mystérieuse basée sur ce secret pour mieux lutter. Même si le deuil, représenté ici par Laura, apparaît par moment comme un prétexte à cette relation spéciale.

La mélancolie comme terreau du mal être chassée par deux moyens proches mais divergents. Le mari par cette transformation physique, elle par la sensation de retrouver sa meilleure amie. Le premier se dépersonnalise pour se remplir de la substance de sa femme décédée. Cela amène à un dédoublement de la personnalité qui est l’étape ultime de la mélancolie. Claire retrouve donc cette personne via cette réincarnation et se prend au jeu. Dans les deux cas, c’est un moyen également de ne pas penser à l’évidence présente devant eux, à ne pas ressentir ce manque. Claire en fait d’ailleurs l’expérience « Virginia me manque ». Virginia, c’est sa nouvelle amie. C’est le personnage qu’elle a inventé, son premier mensonge conjugal, pour expliquer ses absences. Et c’est dans la logique des choses le nom que prendra Romain Duris quand il apparaitra sous l’aspect féminin.

Et comme dans Jeune et Jolie il n’y a pas de jugement porté sur ce geste du mari. Cette absence de jugement interpelle quand même, tout comme les fondements de cela. Même si Claire trouve un équilibre à retrouver une esquisse de son amie et répète timidement qu’il doit arrêter, jamais elle ne semble s’offusquer ou réfuter l’idée. Tout comme d’ailleurs dans les fondements psychologiques de cet attrait pour le travestissement, où quelques pistes sont vaguement balayées quand David explique qu’il adorait sa mère mais que ça ne vient pas d’elle...

François Ozon a de l’expérience et réussit pleinement à bousculer les lignes du romanesque et des personnages classiques. Ces derniers s’incarnent et se désincarnent, changent d’apparence, parfois un peu rapidement, comme par enchantement. L’ambiguïté de leur attirance, leur personnalité est constamment présente. Le réalisateur joue avec eux comme il joue avec nous. Cela évoque très logiquement le maitre espagnol du sujet, Pedro Almodovar. Et c’est au final avec ces transformations et ce suspense, un thriller qui nous est donné à voir.

C’est en plus du deuil, évidemment aussi un problème de sexe. Il y a une certaine tension sexuelle tout au long du film entre les personnages, un désir constant, parallèle à ce désir de découverte personnelle et de changement. C’est une manipulation entre les deux protagonistes.

Romain Duris est ici métamorphosé, tant physiquement que dans sa gestuelle, exit ses rôles attachants et gentillets. Et si le résultat peut impressionner dans son changement, il ne convainc pas tant que ça et finalement peut tomber dans un jeu surfait. Anaïs Demoustier quelques mois après son très beau rôle dans Bird People prend de plus en plus de carrure. Sa rousseur et la délicatesse qu’elle dégage sont  un véritable plus, et participent à la légèreté de la caméra sur les acteurs.

Mais au-delà d’un sujet intéressant qu’il semble maîtriser jusque dans la complexité de son intrigue, Ozon tombe à plusieurs reprises dans une sorte de cliché du changement de sexe. Et c’est regrettable car l’énergie et le récit en pâtissent notamment dans une première partie plutôt lourde. Cet homme devenu fille et voulant aller faire absolument du shopping, et sur une musique de Katy Perry, se changer sur l’autoroute, se remaquiller... Des petits détails de trop. Ce sont aussi des évidences attendues comme l’accident ou le réveil à l’hôpital. Ce goût pour l’artifice, connu chez Ozon, est ressenti dès le début avec ce flashback qui illustre tout ce que dit Claire à propos de sa relation avec Laura. Les prémices d’une relation particulière se dégagent avec subtilité mais on tombe aussi dans l’illustration des mots. Comme ce « 7 ans » plus tard, mettant des images sur notre imaginaire...

Il y a en toile de fond cette actualité, même si le réalisateur n’est pas un réalisateur politique. Il a déclaré à l’AFP qu’il voulait « montrer, dans cette période crispée et angoissée, qu’il n’y a rien de grave à ce qu’il y ait des familles et des modèles de vie différents ». Et c’est un peu cela, il veut trop montrer que tout devient possible et que le « tout enfant a besoin d’une mère », lâché au début par le personnage de Romain Duris en femme, pouvant presque être rattaché à un slogan de la Manif pour tous, est balayé par son film.

Ce thriller, réalisé par un pilier du cinéma contemporain français, pose de bonnes questions, intéresse et casse les acquis d’un classicisme national mais n’a ni le suspense haletant du genre ni l’émotion allant de pair, hormis dans quelques belles scènes comme à la campagne ou dans le cabaret. La sensation d’être troublé à la fin est bien là et est la preuve d’un effet incontestable sur le spectateur, même si tout n’est pas achevé comme cela aurait pu l’être.

Clément SIMON

Note du support : n/a
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Fiche technique

    Titre : Une nouvelle amie

    Titre international : The New Girlfriend

    Réalisation : François Ozon

    Scénario : François Ozon d'après Une amie qui vous veut du bien de Ruth Rendell

    Direction artistique : Pascal Leguellec

    Décors : Nathalie Roubaud

    Costumes : Fanny Rappange

    Photographie : Pascal Marti

    Son : Guillaume Sciama

    Montage : Laure Gardette

    Musique : Philippe Rombi

    Production : Éric Altmayer et Nicolas Altmayer

    Sociétés de production : Mandarin Cinéma

    Société de distribution : Film Distribution

    Pays d’origine : France

    Langue originale : Français

    Format :

    Genre : policier

    Durée : 105 minutes

   Distribution

    Romain Duris

    Anaïs Demoustier

    Raphaël Personnaz

    Isild Le Besco

    Jean-Claude Bolle-Reddat