André a de la misère avec la vie, Violette aussi. André ne devrait pas trop se soucier du lendemain, tous les jours devraient lui sourire, si le dicton l’argent contribue au bonheur dit vrai ? Violette ne croule pas sous les deniers, encerclée par une bande d’huissiers et de vautours prêts à lui enlever la prunelle de ses yeux, ses enfants. Ça tombe bien, notre riche homme d’affaire, entre deux pilules roses ou vertes, a une idée géniale. Il a tout testé pour retrouver le goût de rire, de vivre. Il se contenterait même d’un sourire, tout plutôt que le spleen comme Baudelaire. Ah, l’idée lumineuse ! Patience. C’est un conte après tout. Il décide avec son seul complice, son valet et homme de confiance, de proposer un deal à Violette.
À notre époque où l’échange de services revient à la mode, Il propose une somme rondelette qui épongera les dettes de la belle et de louer sa famille le temps que le thermomètre de sa vie remonte au rose du bonheur. La réalisation du projet demande l’accord des deux parties et la jeune femme prend plutôt notre Bruce Wayne des temps modernes sans sa cape, mais avec la même fortune, pour un illuminé ! Elle refuse puis finit par accepter sous le poids de la vie qui sait vous mettre knock out. En débarquant dans cette famille, André pensait retrouver la joie de vivre en moins de temps qu’il ne le faut pour l’écrire. Pensez-vous, entre Violette débordante de vitalité, sa fille Lucie et sa crise d’adolescence, son fils Auguste curieux de tout, André n’aura pas le temps de s’ennuyer. La route du bonheur peut être un chemin facile quand on se laisse porter.
Après un film plus sombre, Marie Heurtin, Jean Pierre Améris s’offre une comédie en forme de conte. Plus que le fond social, il s’intéresse, comme dans l’ensemble de son œuvre, aux relations qui nous lient. Ces sentiments de l’âme nous portent parfois à déplacer des montagnes ou d’autres à nous enterrer sous terre pour fuir le monde. Le film s’amuse de ses oppositions comme dans les contes de notre enfance : un homme très riche et malheureux et une femme très pauvre, mais pétante de bonheur. André est un type comblé par la fortune, mais sa vie se résume à regarder du haut de son balcon la vie en prenant une pilule de couleur pour survivre. Sa maison est un bunker aux couleurs ternes, faisant gris mine, rien n’invite à l’éclate.
Violette possède une petite maison des contes, au fond de la forêt faite de bric et de broc, aux tons s’élançant vers le ciel. Le film s’appuie donc au début sur ses oppositions qui très vite prennent des nuances et apparaissent moins manichéennes. André imagine qu’avec l’argent il obtiendra la famille idéale, et la paix. Violette ne se voit pas instant tomber sous le charme de ce pierrot triste. Sous ses airs de comédie simple, Jean Pierre Améris ne se livre jamais aux images faciles, au pathos. Au contraire il les balaye pour composer sa propre symphonie plus nuancée. La musique est belle, Benoît Poelvoorde, dans son personnage d’homme au cœur meurtri n’ayant plus le goût de la vie, excellent. Virginie Efira confirme sa capacité à jouer de la comédie avec aisance, vive comme un poisson filant dans l’eau du torrent baignée de soleil. Jean Pierre Améris possède le don de construire une galerie de personnages excellent comme les enfants, la famille de Violette avec son frère un type aussi écorché que le patron, François Morel en valet ou la mère d’André, femme acariâtre et autoritaire.
Ils prennent tous des allures de personnages de conte, car Une famille à louer ressemble à un conte moderne sur le bonheur. Le bonheur ? ce sont les sentiments que nous partageons et comment ils finissent par nous former pour affronter la vie. Nous les retrouvons toujours au centre de son œuvre, il arpente la question sur tous les monts, empruntant à chaque fois un chemin, un angle différents. Marie Heurtin ne parle que de cela comme son admirable Homme qui rit, les émotifs anonymes, etc. Souvent comparé à Étienne Chatiliez, celui-ci s’intéresse plus à la société. Jean Pierre Améris lui creuse le fond de notre âme, quand nous touchons la voie du cœur le bonheur accourt. C’est bien quand ils se seront trouvés que le monde deviendra un arc en ciel. Une fois de plus avec Une famille à louer le réalisateur parle à notre cœur qui fait boum !
Patrick Van Langhenhoven
Titre : Famille à louer
Réalisation : Jean-Pierre Améris
Scénario : Jean-Pierre Améris et Michelle Magellan
Photographie : Virginie Saint-Martin
Montage : Anne Souriau
Décors : Franck Schwartz
Costumes : Nathalie du Roscoat et Paule Mangenot
Musique : Valérie Lindon
Producteur : Philippe Godeau et Nathalie Gastaldo Godeau
Coproducteur : Jacques-Henri et Olivier Bronckart
Société de production : Pan Européenne Production
Distributeur : Studiocanal
Pays d'origine : France
Genre : Comédie
Durée : 96 minutes
Date de sortie : France 19 août 2015
Distribution
Benoît Poelvoorde : Paul-André
Virginie Efira : Violette
François Morel : Léon
Philippe Rebbot : Rémi
Pauline Serieys : Lucie
Calixte Broisin-Doutaz : Auguste
Édith Scob : Mme Delalande
Nancy Tate : Sandra
Rémy Roubakha : Lucien
Xavier Mathieu : Fabian
Gwendoline Hamon : la femme de Fabian