Alex et Sylvie vivaient heureux chez les parents de la belle sans que rien ne vienne troubler leur histoire d’amour. Mais avec le temps, les beaux jours s’estompent et vient le temps des petites chamailleries qui grandiront. C’est bien beau « la vie d’artiste et de bohème », mais il faudrait un jour penser à bosser sérieusement. Ça tombe bien, le grand-père Pierre, depuis la mort de sa femme, vit comme un zombie sans sortir de chez lui. Il se passe en boucle des vieux souvenirs en super-huit où l’amour trace ses lignes de cœur. Alex devient son professeur d’informatique, lui dispensant régulièrement des cours pour maitriser la machine et le net.
Au début, le vieux monsieur et le jeune homme jouent le jeu, un clic par-ci, un autre par-là. Pierre ne tarde pas à balbutier quelque errance sur l’ordinateur, crée un profil de séducteur et cherche l’âme câline. Il existe juste un tout petit hic dans la machine, c’est la photo d‘Alex en première ligne. Le jour où Flora63 propose une première rencontre, c’est Alex qui, bien malgré lui, s’y colle. Quand le jeu commence à s’emballer, entre le visage d’Alex et les mots de Pierre, la belle aura bien du mal à faire la part des choses. En un mot, quand la vérité éclatera, nos deux compères auront bien du mal à s’en sortir. En attendant, c’est une affaire qui roule.
Stéphane Robelin compose une comédie romantique tout en finesse, qui colle à la peau de ses acteurs, parfaits dans les personnages. Pierre Richard donne un côté Pierrot lunaire à Pierre et nous rappelle que l’amour, c’est aussi une valse de séduction où les mots portent dans le cœur les frissons du bonheur. Un profil sur deux assoit son histoire sur ce sentiment qui, aujourd’hui, entre internet et les SMS, semble bien galvaudé. C’est un retour à la magie des rencontres et des échanges auquel nous invite le réalisateur. Il observe avec justesse la façon d’aimer aujourd’hui, entre ces histoires courtes et leurs lendemains qui vous laissent le cœur fragile et désespéré. Le film démarre sur une rupture et une rencontre où, comme le dit Claude Lelouch, dans un film se trame les secrets du hasard ou des coïncidences.
C’est la rencontre de deux âmes perdues qui s’accrochent à l’impossible pour finir par rompre. Ce sont ces chemins que l’on emprunte en croyant qu’ils sont la raison de nos vies et nous qui conduisent ailleurs. Tout change avec Pierre, vieux romantique accroché à cette femme qu’il a aimée et qui n’est plus qu’un visage sur des films. Pierre, comme Alex, s’enferme dans un cercle où le bonheur n’est plus qu’une vieille histoire. C’est la rencontre avec Fiora, en quête d’une vraie histoire d’amour, entre hier et aujourd’hui. Ainsi, les mots du Pierrot lunaire touchent la petite Colombine, comme ceux de Cyrano. Alex devra composer avec cette image qui n’est pas la sienne, mais qui lui rappelle que l’amour est avant tout une affaire d’âmes qui s’écoutent.
Stéphane Robelin ébauche la quête d’un Graal amoureux d’aujourd’hui, loin de quelques messages où le sexe conduit à l’impasse. C’est le retour à la danse divine, quand se murmurent les paroles câlines pour caresser l’âme avant le corps. Cela donne lieu à une très belle scène finale où la belle s’adresse à Alex en étant face à Pierre. Le retour de la supercherie où les mots de l’un disaient ce que le cœur de l’autre n’arrivait pas à faire surgir. Dans cette histoire, chaque personnage trouve sa place avec justesse sur une partition commune sans fausse note. Elle rappelle que la vie et l’amour sont deux oiseaux qui nous emportent dans les champs d’azur de l’éternité. Construire une histoire se fait sur mille petites choses qui vont de la parole à la rencontre. Celles qui durent s’appuient sur ces riens qui bâtissent une maison où chacun retrouve le parfum des fragrances d’hier, ces éphémères moments gravés pour l’éternité. Nous retrouvons dans l’esprit ces comédies de la grande époque quand elles savaient encore nous faire sourire et aimer.
Patrick Van Langhenhoven