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affiche Un petit boulot

Un petit boulot

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Un film de Pascal Chaumeil ,
Avec Romain Duris, Michel Blanc,

Genre : Comédie policière
Durée : 1h37
France

En Bref

Notre histoire commence dans une petite ville de province tranquille, son bistrot, sa station-service et son usine. Cette dernière va mal, et sa fermeture met sur le pavé pas mal d’existences qui ne demandaient rien à personne. Jacques se retrouve donc à pointer et bonus, sa femme le quitte sans prévenir. On ne peut pas dire que le bonheur s’installe, c’est son pote le spleen qui prend la relève. Il est bien décidé, malgré toute cette scoumoune, à rebondir. Il demande juste un petit boulot pépère pour continuer son bonhomme de chemin. À la loterie de l’existence, le voilà servi par une proposition de son bookmaker. Il lui demande un petit service pour effacer sa dette et gagner un bonus, tuer sa femme.

Notre homme rechigne sur le coup, c’est un mec ordinaire qui n’a jamais flingué qui que ce soit. Il est flatté parce qu’il compte pour quelqu’un. Jusque là, ses rêves se limitaient à devenir un mari, un père, mais un tueur jamais. Premier contrat, premier cafouillage ; on ne peut pas dire que la méthode soit brillante. Le résultat est efficace. Gardot saute sur l’occasion pour monter une petite entreprise du meurtre et diversifier son fonds de commerce mafieux. Après des petits arrangements entre amis, l’affaire roule comme sur des rails et enchaine les contrats. Jacques se camoufle derrière un travail à la station-service de son pote et entame une carrière prometteuse. Il existe bien un moment où tout ceci, comme un boomerang, risque de revenir en pleine face. À force d’éliminer son prochain, on risque d’attirer l’attention et finir en prison. Quel avenir attend notre petit duo d’éliminateurs amateurs ?


Pascal Chaumeil, en quelques films, construit un univers décalé original, bousculant le genre. Il confirme avec Un petit boulot combien nous avons perdu un réalisateur prometteur. Il décède le lendemain de la première projection du montage final. Comédie sociale et policière à l’anglaise sur un scénario de Michel Blanc, nous retrouvons à la fois le souci de scruter la société de notre époque et surtout le fond d’humanité des personnages. C’est d’abord une galerie de personnages, du salopard sympathique, Gardot, joué par Michel Blanc, en passant par un anti-héros, Romain Duris, gaffeur dans l’exécution, soutenu par une chance pas possible. Entre les deux, toute une série de seconds rôles renforce le décalage des situations comme le pompiste un peu neuneu, le copain magouilleur, la jolie flic, etc.

Le cinéma de Pascal Chaumeil s’attache d’abord à saisir l’âme de ses personnages, comment ils réagissent face à la vie pour s’en sortir. Jacques n’échappe pas à la règle. Abandonné par sa femme et par la société, sans travail, il doit trouver un nouveau sens à son existence. Ce boulot de tueur à gages effectué d’abord sans conviction, par nécessité et pour travailler, finit par devenir un art. C’est un homme porté par les événements qui, en bout de course, reprend en main son destin. Le premier meurtre est un petit bijou d’humour à l’anglaise qu’affectionne le scénariste Michel Blanc. Un enchainement d’actes dus plus au hasard qu’à la réflexion et la construction d’une stratégie aboutie. Il peut se voir comme un effet miroir, écho à la vie de Jacques. Il ne maitrise rien, balloté comme une feuille tombant de l’arbre au gré du vent sa vie qui l’emporte nul ne sait où. Plus il commet des meurtres, plus il découvre les sombres rouages de l’amitié, plus il prend de la graine.

De meurtre en meurtre, le côté branquignol, amateur s’estompe. Il prend de l’assurance et règle au passage quelques problèmes personnels. De la même manière, le personnage de Gardot, tout en finesse, se transforme aussi. Il devient moins profiteur, finissant par construire un vrai duo reposant moins sur l’intérêt que sur l’amitié. Comme pour L’Arnacoeur premier grand succès, Un plan parfait, Up & Down autres réalisations de Pascal Chaumeil, le ton du film repose sur une machinerie extrêmement bien huilée, tout en délicatesse. Nous sommes plus proches de Petits meurtres entre amis de Danny Boyle que de Gérard Oury ou Francis Veber. Les personnages échappent à l’ordinaire. En affrontant les événements, ils se découvrent et finissent par atteindre un certain humanisme. Que ce soit le briseur de cœur revenant sur son idée du couple, le petit gars pris pour mari de substitution, les suicidaires redécouvrant la vie ou Jacques s’accomplissant dans le crime, c’est un cinéma qui, dans un autre genre, n’est pas loin de celui de Michel Blanc qui ne voulait pas tourner le film.

La mise en scène ne cherche pas l’effet, jouant sur l’ombre et la lumière entre sous bois mafieux et la ville. Elle est portée par des dialogues qui font mouche. Derrière l’humain se cache la société, une petite ville qui se meurt à l’image du monde d’aujourd’hui. Il faudra plusieurs boulots dans une vie pour s’en sortir. Un petit boulot est donc un bonheur de comédie qui vous permet de recommencer la rentrée avec le rire pour compagnon.

Patrick Van Langhenhoven

Note du support :
3
Support vidéo : Format 16/9 compatible 4/3, Format cinéma respecté 2.39, Format DVD-9
Langues Audio : Audiodescription (pour malvoyants) Dolby Digital 2.0, 5.1
Sous-titres : aucun
Edition : Gaumont

Bonus

Bande-annonce

Ciné région : Pourquoi ce choix d’interpréter simplement et de ne pas, en plus, être derrière la caméra ?

Michel Blanc : J'ai reçu le bouquin, mais il y a une dimension sociale trop forte et je trouvais que ce n'était pas pour moi. Ma première réaction a été de lire le livre que j'ai adoré mais je ne me pensais pas crédible pour faire ce film. J'ai finalement appelé mon agent car je voulais vraiment le faire et j'ai pris le risque.

C.R : Quel était le déclic entre la première et la deuxième lecture ? 

Michel Blanc : J'ai commencé à entrevoir cette espèce de ligne très mince entre la réalité sociale et la comédie qui allait être difficile à maintenir mais si je me débrouillais bien, cela pouvait être formidable. J'avais très envie d'essayer. 

J'ai pris dans le roman ce qui existe vraiment et ce qui fait sourire, mais la grande différence entre le roman et le cinéma, c'est qu'on peut beaucoup plus être hybride. Le personnage de Jacques ne pouvait pas être aussi violent que dans le livre. C'était très difficile de rendre la distanciation entre le second degré du livre et l'action vue au cinéma. J'ai commencé par écrire 40 pages et après j'ai eu un blocage, justement avec cet esprit du roman si particulier... j'ai rendu mes 40 pages à Gaumont, un peu dépité. Mais Gaumont m'a rappelé pour me dire qu'ils avaient aimé en me disant que je ne serais pas obligé de le mettre en scène, ça m'a enlevé pas mal d'inquiétudes et j'ai alors repris l'écriture.

Au fur et à mesure, on est plus de plus en plus dans la psychologie et c'est ça qui était compliqué et j'avais peur que l'on perde la sympathie que l'on peut éprouver pour Jacques. Je n'étais pas sûr d'arriver à faire aimer ce personnage et alors ça n'aurait plus eu d'intérêt. 

 Ce qui m'arrêter au début, c'est que les idées que j'avais ne marchaient pas, et c'est à partir du moment où on m'a dit que ça pourrait être Romain Duris et que j'ai revu L'arnacoeur que j'ai réussi. Le film tient grâce à Romain Duris, à son côté introverti. 

C.R : Est-ce que ça n'a pas bloqué à partir du moment où il devient un tueur dans sa tête ? 

Michel Blanc : Oui c'est-à-dire que c'est là où je me disais qu'il fallait que je trouve le déclic dans la mienne pour ne pas faire basculer le film dans une banale histoire de tueur à gages. 

C.R : Ce n’est ni Les bronzés, ni Ken Loach mais on pense tout de suite à Danny Boyle, à Petits meurtres entre amis etc. 

Michel Blanc : Ce sont les plus belles références que l'on puisse faire parce que c'est à ça que je pensais. Je me disais plus je me rapprocherais de ça, plus ça fonctionnerait. 

C.R : Vos dialogues sont toujours incisifs, comment est-ce que vous faites pour rendre ça à l'écriture ? 

Michel Blanc : J’ai toujours mon carnet de notes avec moi et j'écris toujours les dialogues, je  pré-dialogue déjà sur le papier. Ces notes et ces indications sur les dialogues m'aident à comprendre les personnages, à ce que la scène ait un certain rythme. Ça me donne le genre aussi du film : comédie, comédie-dramatique, drame... Bon, il se trouve qu'on ne m'a jamais demandé de faire de drame et comme je n'ai pas confiance en moi, je ne me lance pas. Il faudrait vraiment que je tombe sur un bouquin qui me transcende pour que je me lance seul. Il y avait Ravel qui m'avait énormément plu mais on ne m'a jamais répondu... je pense que ça coûterait trop cher. Il faudrait que ce film soit rentabilisé à 400 mille entrées or, la somme qui est nécessaire pour faire le film serait de 1,5 million. 

C.R : Est-ce que le film réalisé correspond à votre projet d'écriture ? Pourtant il n'y a pas de cynisme ? 

Michel Blanc : A 100%, je ne suis pas quelqu'un de cynique. Je suis le contraire d'un cynique, mon personnage est plus fou que salaud. C'est un personnage très ambigu. Ces personnages qui sont capables de tuer ont une délicatesse d'Anglais, ce sont deux copains qui s'aiment, même si ce sont des tueurs. C'est le cas notamment lors de la scène du suicide. Lorsque je l'ai vue à la projection, j'ai compris que Pascal était totalement en accord avec ma vision lors de l'écriture. 

C.R : Plus que le social c'est le personnage qui vous intéresse ? 

Michel Blanc : Oui, c'est surtout l'humanité des personnages qui me touche. C'est vrai que l'aspect social est le terreau du film mais ce sont surtout les personnages qui m'ont intrigué. J'ai eu envie qu'on les aime, qu'on les déteste, qu'ils soient humains. 

C.R : Vous laissez toujours planer le doute sur qui est infiltré, qui ne l'est pas etc. 

Michel Blanc : Oui, ça c'est dans la roman, au moment où il la rencontre, j'ai appuyé sur ce doute dans plusieurs scènes : avec elle, avec le chauffeur... Je trouvais ça intéressant de jouer sur la paranoïa. Concernant le chauffeur, à mon avis, il est indic, mais je me suis arrangé pour que toutes les interprétations soient possibles. En plus, il est tué par inadvertance et pas spécialement parce qu'il est indic, c'est ça aussi que je trouve drôle. Dans le film de toute manière, tout le monde a un flingue sur la tempe, sauf mon personnage peut-être qui est hors des considérations humaines. 

C.R : J'ai une question concernant votre épouse dans le film, Françoise, c'est son ex à Romain Duris ou c'est une amie ? 

Michel Blanc : Non, non, ils se connaissant tout simplement. Tout le monde connaît Gardot d'ailleurs, elle le connaît et l’a déjà vu. »

C.R : Vous gardez les noms du roman ? 

Michel Blanc : J'ai francisé certains noms. L'auteur est américain mais il vit en Chine et il continue à écrire des romans contre le système américain. 

C.R : On parlait des intentions du réalisateur, il y a la lumière aussi qui est très importante dans le film. 

Michel Blanc : Oui et Pascal Chaumeil  l'a très bien compris. Il a très bien retranscrit la lumière du Nord, celle de la Belgique. Moi je ne m'imaginais pas ce film là dans une autre région. Il y a ce côté décalé, réaliste, qui est propre à la Belgique. Les acteurs belges ont en eux quelque chose de surréaliste. J'aime beaucoup les films belges, nous avons commencé la carrière du Splendid presque en Belgique d'ailleurs, dans un café-théâtre à Bruxelles. 

C.R : Le réalisateur, vous pouvez nous en parler un petit peu ? 

Michel Blanc : Oui hélas, je suis obligé de vous en parler, moi. La chose indéniable est qu’il a réalisé exactement ce que j'avais dans la tête, donc si il y a quelque chose de mauvais dans le film, c'est de ma faute ou de la faute de nous deux. Je ne savais pas à quel point il était malade, je ne savais pas qu'il était en phase terminale. Je le voyais fatigué durant le tournage, mais pour moi c'était quelqu'un qui était en rémission. Il était très disponible sur le plateau, ensuite il a monté et mixé le film, fait une projection Gaumont et il m'a appelé pour me dire qu'il aimait beaucoup ce film et ensuite il est décédé, c'était très bouleversant. 

C.R : Et votre film a été montré en avant-première au Festival d'Angoulême. 

Michel Blanc : Oui c'est super, c'est à Angoulême que déjà je m'étais rendu compte qu'un film recevait un très bon accueil et pas que de la part des professionnels. Je trouve que le Festival d'Angoulême est un très bon festival. Je vais évidemment venir au festival pour présenter ce film puisque je suis un peu le porte-parole de Pascal, malheureusement. 

C.R : Vous dites que le social est la toile de fond du film mais je trouve que vous arrivez tout de même à parler social grâce justement aux jeux de mots etc.

Michel Blanc : J'espère, car je trouve qu'on peut en apprendre beaucoup sur la vie grâce aux personnages. Quand je parle aux gens, ça m'apprend beaucoup plus sur la vie. Je suis un bavard qui est amoureux de la langue française, donc c'est pour cela que j'adore écrire des dialogues, la langue permet des petites subtilités. 

Propos recueillis par Patrick Van Langhenhoven, retranscrits par Sarah Lehu et corrigés par Françoise Poul

Réalisation : Pascal Chaumeil

    •       Scénario : Michel Blanc, d'après le roman homonyme de Iain Levinson

    •       Photographie : Manuel Dacosse

    •       Montage : Sylvie Landra

    •       Décors : Amanda Petrella

    •       Costumes : Bethsabée Dreyfus

    •       Son : Antoine Deflandre, Alexandre Fleurant, Thomas Gauder

    •       Musique : Mathieu Lamboley

    •       Production : Sidonie Dumas, Yann Arnaud

    •       Société de production et distribution : Gaumont

    •       Pays d'origine :  France

    •       Dates de sortie : 31 août 2016

Distribution

    •       Romain Duris : Jacques

    •       Michel Blanc : Gardot

    •       Alice Belaïdi : Anita

    •       Iván Marcos : Jaime

    •       Alex Lutz : Brecht

    •       Gustave Kervern : Tom