Cine-Region.fr
affiche Un homme très recherché

Un homme très recherché

___

Un film de Anton Corbijn,
Avec Philip Seymour Hoffman, Rachel McAdams, Grigoriy Dobrygin,

Genre : Espionnage
Durée : 2h02
États-Unis

En Bref

Plus de dix ans après les attentats du 11 Septembre 2001, la ville de Hambourg a du mal à se remettre d’avoir abrité une importante cellule terroriste à l’origine des attaques contre le World Trade Center. Lorsqu’un immigré d’origine russo-tchétchène, ayant subi de terribles sévices, débarque dans la communauté musulmane de Hambourg pour récupérer la fortune mal acquise de son père, les services secrets allemands et américains sont en alerte. Une course contre la montre s’engage alors pour identifier cet homme très recherché : s’agit-il d’une victime ou d’un extrémiste aux intentions destructrices ?

Après le so british La Taupe, qui bousculait sans rougir les plus grands chef-d‘œuvres du genre, les écrits de John Le Carré sont à nouveau sous le feu des projecteurs avec Un homme très recherché (A Most Wanted Man) adapté par le photographe et clippeur Anton Corbijn (The American). Si le faiseur n’a jusqu’alors pas réussi à convaincre depuis 2007 avec son coup d’essai bluffant (Control, le biopic sur Ian Curtis et Joy Division), il parvient à se faire oublier et à éviter tout effet de signature ici, pour laisser parler son intrigue alambiquée et son acteur principal, saisissant Philip Seymour Hoffman, dont c’est le dernier film dans un premier rôle.


Sans doute les distributeurs du film n’avaient pas prévu que ce thriller d’espionnage signé Le Carré aurait sur les épaules le poids d’un deuil. Voilà pourtant l’ultime révérence de Philip Seymour Hoffman, qui dans le plan final, quitte simplement le cadre alors que la caméra reste sur la place passager de la voiture, comme figée, incapable de le poursuivre face au désarroi de l’intéressé. Derrière lui, sur ce siège passager, il laisse le cinéma orphelin d’un acteur parmi les meilleurs de sa génération.

Du livre de John Le Carré, Anton Corbijn a su extraire l’essence, la moelle, tout en imposant une traduction intelligente qui favorise la compréhension à la reproduction littérale. Un bon point pour le réalisateur qui va même jusqu’à renverser complètement le point de vue de l’auteur. Alors que dans le livre, Issa était sur le devant de la scène avant de laisser les services secrets prendre sournoisement les commandes, le métrage prend le sens contraire, remisant le mystère au placard mais offrant la même pertinence du message. Les évènements décrits dans le film ont beau être peu ou prou les mêmes que ceux du bouquin, on échappe à la vision paranoïaque du film d’espion traditionnel et au spectaculaire moderne inhérent au genre. Ici, l’intrigue est simplifiée et les différentes parties (gentil, méchant, victime) sont assumées presque d’emblée. L’enjeu est ailleurs. Déjà dans The American, Corbijn s’était refusé à livrer un thriller classique et avait déjà particulièrement soigné la plastique de son œuvre. Ainsi, dans Un homme très recherché, il parvient à tourner l’histoire à son avantage en servant un scénario soigneusement écrit, habile et calculateur comme le roman, tout en s’évertuant à explorer le spectre de son acteur, monomaniaque évanescent.

 

D’un Hambourg parfaitement mis en lumière dans les jaunes pales aux nuances ternes, le réalisateur explore les moindres recoins, du sous-sol aux toits, du petit asiatique aux artères du port, afin de rendre toute son ampleur à Philip Seymour Hoffman, fantomatique et désabusé. Personnage à part entière, la ville d’Hambourg donne aussi une dimension particulière au film et participe à son parti-pris anti spectaculaire et à la contrition de l’ensemble. Derrière un puzzle narratif simplifié et simpliste, on remarque une certaine modestie de mise en scène contrairement au poseur La Taupe : pas de tics stylistiques appuyés et autres effets de caméra plombants ; mais surtout, on note une bonne fois pour toute que l’intrigue n’est pas le cheval de bataille du clippeur. Son casting XXL va évidemment contribuer à voiler les lenteurs du scénario à mi-parcours et par la même, constituer la principale valeur ajoutée de la besogne. En bouffant littéralement le film à lui tout seul (aidé par les appuis peu subtils de la mise en scène), Philip Seymour Hoffman compose un Bachman solitaire, à l’égo brisé, qui va être à nouveau forcé de courser le fugitif. L’acteur cabotine énormément dans son personnage, essayant de lui donner des airs encore plus fantomatiques, démarche empesée, souffle court (il clope sans arrêt), mal à l’aise dans ses vêtements, trop gros, trop triste… Mais qu’importe, derrière cette composition toute en tics, on ne voit que l’interprète, dont l’état fait inévitablement écho à sa vie passée. Face à lui, n’oublions pas non plus la ribambelle de grands noms qui “animent“ le film : Rachel Mc Adams absorbée par son rôle, est incapable de faire paraître la moindre tendresse. Willen Dafoe, en banquier impénétrable et rigide, est lui aussi glacial de raideur tandis que Robin Wright, engoncée derrière sa fonction, reste aussi froide et distante que possible. Un groupe de fantômes, dématérialisés pour mieux progresser dans leur quête, chargés pour certains d’entre eux de mener à l’aveugle une lutte anti-terroriste, et pour d’autres, de sauvegarder un semblant d’humanité dans cette chasse à l’homme à la finalité presque inéluctable. Et pourtant, le final, glaçant, tombe comme un couperet, alors qu’on voyait se profiler l’espoir…

 

D’Un homme très recherché s’échappe une impression de classicisme et de déjà-vu qui n’est pas désagréable. La désuétude assumée de la mise en scène et du scénario est bienvenue malgré ses longueurs et sa transparence. Mais si il y a de nombreuses choses à saluer dans l’exercice et d’autres à regretter, on ne peut s’empêcher de regarder ce film différemment, avec une émotion et un regard particuliers. Une sensation qui perdure jusqu’au générique de fin quand quelques seconde plus tôt, le film s’évanouit dans un dernier plan d’une tristesse et une désillusion troublante, renvoyant inéluctablement à la récente disparition de l’acteur principal.

Eve BROUSSE

Note du support : n/a
Support vidéo :
Langues Audio :
Sous-titres :
Edition :

Titre français : Un homme très recherché

Titre original : A Most Wanted Man

Réalisation : Anton Corbijn

Scénario : Andrew Bovell, d'après le roman Un homme très recherché (A Most Wanted Man) de John le Carré

Direction artistique : Sebastian T. Krawinkel

Costumes : Nicole Fischnaller

Montage : Claire Simpson

Photographie : Benoît Delhomme

Production : Andrea Calderwood, Simon Cornwell, Stephen Cornwell, Gail Egan, Malte Grunert et Helge Sasse

Sociétés de production : Amusement Park Films, Demarest Films, Film Four, The Ink Factory et Potboiler Productions

Sociétés de distribution : Entertainment One

Pays d’origine : Royaume-Uni, Allemagne, États-Unis

Langue : Anglais

Durée : 121 minutes

Format : Couleurs - 35 mm - 2.35:1 - Son Dolby numérique

Genre : Film d'espionnage

Dates de sortie :

États-Unis : 19 janvier 2014 (festival du film de Sundance 2014), 25 juillet 2014 (sortie limitée)

Royaume-Uni : 5 septembre 2014

Allemagne : 11 septembre 2014

France : 17 septembre 2014

Belgique : 17 septembre 2014