Pour payer son loyer et l’emprunt pour sauver la maison de sa mère, Cam multiplie les courses. Coursier à vélo il file à travers la ville pour livrer paquets et autres missives à leurs propriétaires. Au cours de l’une de ses livraisons, il se fait renverser par Nikki, une jolie brune qu’il poursuit à travers la cité de béton. Au bout d’une longue balade à sauter comme un cabri d’un obstacle à un autre, il la perd dans un parking suite à un saut impossible. Il ne reverra plus la belle et son vélo, bon pour la casse, le réduit à rester chez lui et donc pas de boulot, pas d’argent.
La damoiselle, n’étant pas rancunière, lui laisse un beau vélo tout fringant pour de nouvelles courses. Cette histoire devrait s’arrêter là si le destin n’en décidait autrement et ne replaçait cet amour impossible sur sa route. Cam se retrouve embrigadé dans une drôle de bande qui lui permet de combler ses finances désastreuses et de découvrir un nouveau hobby le « parkour ». Au-delà du sport urbain athlétique, la bande effectue des livraisons pas très catholiques pour de drôles de types. Jouer avec le diable finit toujours par vous revenir en pleine face comme un boomerang et laisser de profondes blessures à l’âme et au corps. Cam devra se montrer inventif et perspicace pour se sortir d’affaire et tenter de retrouver la voie du Bien où Cupidon chante l’amour.
Hollywood invente depuis un certain temps un nouveau genre de cinéma pour "adulescents", le teen-action-movie, né du jeu vidéo. Il se compose d’une caméra TPS* et d’un scénario creux où la forme prime sur le contenu. Pour Tracers un jeune garçon devient un homme en comprenant ou se trouve le bien et le mal après une initiation passant par une romance à deux sous. Le parkour sert de toile de fond à Taylor Lautner pour tenter de retrouver une seconde vie après Twilight. Déjà dans Identité secrète tout reposait sur le côté poupin et les talents d’athlète. Rien de bien neuf au pays, c’est le style de sport urbain lancé par les Yamakasis, venu des Etats- Unis et qui finit par devenir redondant. Les exploits impressionnants de nos jeunes sportifs finissent hélas par devenir répétitifs et lassent le spectateur exigeant. Peu importe, il n’est pas la cible, le produit s’adresse aux jeunes d’aujourd’hui, fans de console de jeu et d’un cinéma décérébré. Il ne souhaite pas réfléchir, remettre le monde en cause, s’interroger sur sa destinée. C’est juste du spectacle, des types qui se tapent dessus comme le novice du cinéma Kung Fu sur le sac de frappe.
Dans ce dernier, le Maître venait toujours pour l’envoyer aider les vieilles personnes à traverser la rue, porter les sacs des grand-mères et lustrer les dalles du temple ou de la voiture. Il fleurait bon la maxime toute faite sur le sens de l’univers, le regard des filles et le cosmos tout entier. Ici on cogne, on grogne, le chef de bande se tape la petite brune que le nouveau vient sauver de ses sales griffes. C’est manichéen à souhait, le monde est noir et blanc, sans relief, et à la fin, ils finissent toujours par fuir et fonder une famille ailleurs. Nous les retrouverons dans le cinéma d’auteur vingt ans plus tard avec des enfants, le chien, le pavillon de banlieue et des tas de questions existentielles.
En attendant, comme dans un jeu vidéo, on déglingue des sous-fifres, on saute partout pour fuir les ennemis ou rentrer dans des pièces sombres. À la fin on affronte le Big Boss pour remporter la partie et ne pas être game over. Le principe prend le spectateur dans du Speedy Gonzalès dès l’ouverture, et ne le lâche plus. Le rythme reste le maître mot, sauf pour de rares respirations, et finir en feu d’artifice. Dans ce sens, Tracers s’inscrit parfaitement dans ce schéma, ni meilleur, ni plus mauvais. Il suffit simplement d’être conscient de ce que l’on va voir, du vide. Non pas ce Mu du cinéma d’Ozu, mais le néant, la terre où rien ne pousse !
Patrick Van Langhenhoven
Bonus
L'art du déplacement
Le film démo du réalisateur