Le grand avocat Shigemori défend Misumi que son père, juge, sauva de la peine de mort. Il y a trente ans de cela, contre la peine de mort, il le condamne à la prison. Peu de temps après sa sortie, loin de la rédemption attendue, il tue son patron et brûle son corps. C’est ce meurtrier infâme que doit défendre le jeune Tomoaki, aidé de deux assistants et d’une secrétaire. La tâche s’avère compliquée, le coupable passe d’une version à l’autre grâce aux rebondissements de l’enquête menée par les défenseurs. Plus ils avancent et dévoilent des failles et de nouvelles pistes dans l’accusation, plus Misumi change de ligne de défense. Du meurtre crapuleux, on passe à celui, pas très clair, commandité par la femme de la victime. C’est une dernière version, plus noble, qui l’emporte. Il semble avoir rencontré à plusieurs reprises la jeune Sakie, fille de son patron. Elle propose aux avocats de dévoiler un passé sordide et les vraies raisons du meurtre. Misumi change encore une fois de ligne, quitte à être condamné à mort par le juge pressé d’en finir. Dans une dernière confrontation en prison Shigemori Tomoaki comprend le fin mot de l’histoire.
Hirokazu Kore-eda est souvent comparé à Ozu pour son cinéma minimaliste, proche de la réalité, comme Stéphane Brizé chez nous. Comme le réalisateur de Voyage à Tokyo, il en dit long sur la famille à partir d’une histoire simple. Il est le chantre de la famille et de la filiation qui revient souvent dans son œuvre, 2011 Nos vœux secrets, 2013 Tel père, tel fils, 2015 Notre petite sœur, 2016 Après la tempête. Il reviendra en 2018 à ses premières amours avec Une affaire de famille Palme d’or à Cannes. Nous remarquerons que derrière la thématique principale, autour de la justice et de la peine de mort, se cache celle de la famille. C’est à travers les liens entre Shigemori et sa fille, en écho à celle de Sakie et Misumi, Sakie et son père que l’avocat comprend qu’elle est bien plus précieuse et demande plus d’attention de sa part.
Elle n’aura plus besoin à la fin du film de faire des actes répréhensibles pour voir son père. Ce sont les liens entre l’avocat et son père, le juge, dans une belle séquence qui explique une partie des mystères entourant Misumi. C’est aussi l’occasion d’aborder la peine de mort et la possible rédemption d’un homme mauvais. Il nous ramène à nos actes et leurs conséquences, déterminés, guidés par d’autres choix, divin ou personnels. Dans ce jeu le spectateur découvre un personnage sordide au départ à cause du meurtre, cachant une âme moins sombre. Il nous interroge sur la culpabilité en posant la question essentielle, le meurtre est-il justifiable ? La partie sur les canaris en cage, parabole, symbolique sur la liberté et l’emprisonnement, nous en dit long. C’est souvent à travers des séquences secondaires, parfois anodines, que la vérité se dénude. Dans ce jeu de parloir s’ouvrant sur la quête du meurtre, tout n’est qu’apparences trompeuses.
Hirokazu Kore-eda, à travers une mise en scène épurée, proche du documentaire, comme Ozu, nous en dit plus long sur nous-mêmes. Le bien et le mal se définissent, comme toujours dans son cinéma, de façon plus complexe qu’un simple noir et blanc. Il est servi par la composition admirable de Masaharu Fukuyama, Shigemori. Dans le rôle du coupable, Koji Yakusho apporte le doute et l’ambiguïté. La jeune Suzu Hirose dans celui de Sakie donne la dernière touche à ce trio central. Il utilise souvent les gros plans dans le parloir de la prison et des plans plus larges en extérieur, espace de liberté. The Third Murder nous rappelle que les questions de la culpabilité, de la rédemption et de la peine de mort ne sont pas si simples et que la famille, comme toujours, est notre dernier port.
Patrick Van Langhenhoven
Bonus :
Entretien avec Kore-eda Hirokazu. Il revient sur les choix de sa mise en scène et du sujet.
Galerie photos de tournage
Bande-annonce
Titre original : 三度目の殺人 (Sandome no satsujin?)
Titre international et français : The Third Murder
Réalisation et scénario : Hirokazu Kore-eda
Direction artistique : Yohei Taneda
Photographie : Mikiya Takimoto
Montage : Hirokazu Kore-eda
Son : Tomita Kazuhiko
Musique : Ludovico Einaudi
Production : Matsuzaki Kaoru et Taguchi Hijiri
Sociétés de production : Fuji Television Network, Amuse et GAGA Corporation
Société de distribution : Tōhō
Pays d'origine : Japon
Langue originale : japonais
Format : couleur - 35 mm - 2,35:1
Genre : drame
Durée : 124 minutes
Dates de sortie : 11 avril 2018
Dates de sortie vidéo:
Distribution
Masaharu Fukuyama : Tomoaki Shigemori
Kôji Yakusho : Misumi
Suzu Hirose : Sakie Yamanaka
Yuki Saitō : la mère de Sakie
Kōtarō Yoshida : Daisuke Settsu
Shinnosuke Mitsushima : Kawashima
Izumi Matsuoka : Akiko Hattori
Mikako Ichikawa : Shinohara
Isao Hashizume : Akihisa Shigemori
Aju Makita : la fille de Tomoaki
Hajime Inoue : Ono