Michel Mortez et Bernard Rivetot forment un tandem d’inséparables que la route solidifie. Rivetot veille sur l’animateur en bout de course qui, depuis 25 ans, anime un jeu radiophonique dans les petites villes et villages de France. Cette saison est la dernière mais l’animateur ne le sait pas encore. Rivetot, fidèle à son ami, ne lui dit rien et ira même jusqu'à faire semblant. Cette dernière route révèle les failles des deux hommes et pousse Mortez au bord du gouffre avant qu’il ne tombe ou se relève. Tout leur devient pesant, les haltes dans les hôtels de seconde zone à cause des dettes de jeu de Mortez, les braves gens de la France profonde qui deviennent exécrables aux yeux de l’animateur. C’est la fin d’une longue histoire d’amour qui s’achève dans la douleur et ne laissera pas notre tandem indemne. Est-ce que cette chute remettra en cause l’amitié des deux hommes ?
Auréolé du succès des Bronzés, Patrice Leconte est étiqueté comme réalisateur de comédies qui font rire. Le scénario de Tandem est une bonne aubaine pour changer de genre. Entre rire et drame, il s’offre une nouvelle corde à son arc, avec cette production plus légère et douce- amère. Il commence une longue liste de films plus intimistes, Le mari de la coiffeuse, Monsieur Hire, La Fille sur le pont, Félix et Lola, L’Homme du train, Confidences trop intimes. Le duo parcourt l’œuvre de Patrice Leconte comme un leitmotiv. Pour Rivetot, Mortez représente sans doute la figure paternelle et pour l’animateur, Rivetot celle du fils. Ce sont peut-être celles du maitre et du valet chères au théâtre. Etre deux, c’est briser la solitude, ne plus être seul.
Affronter le monde à deux est bien plus facile. Mortez est un enfant qui se perd dans le jeu, les plaisirs et sa notoriété. Il oublie que la roue tourne. Rivetot semble plus posé et imagine le temps qui passe. Comme lorsqu’il s’adresse à deux adolescentes « Si on revient un jour ici, vous serez mariées avec des enfants, une famille, tout ça. » L’un s’oublie dans les méandres des plaisirs de la vie, l’autre voit le temps qui peu à peu les emprisonne. Cette vie d’automates évoque le rocher de Sisyphe dans un éternel recommencement. C’est autant sur la route que se déroule leur existence que sur les places et les salles des fêtes des villages. L’usure du temps apporte ses fractures de plus en plus profondes. Le film, derrière le rire, cache une réflexion plus profonde sur le sens de la vie que l’on retrouve dans les comédies de Leconte.
Ils savent qu’ils sont liés, que si l’un tombe, l’autre suit. C’est la fin d’une histoire, d’un amour s’effilochant et se transformant en routine. Comment, peu à peu, les villes et villages n’ont plus de prise sur le bonheur et finissent par se transformer en un parterre de douleur. Leconte s’inspire de Lucien Jeunesse et du « Jeu des mille francs ». Il n’en est pas le portrait exact, juste une piste pour tracer la route. La mise en scène apparaît comme un tableau impressionniste, un peu flou de près. Tandem s’offre des détours sans jamais se perdre autour de la gloire éphémère qui, peu à peu, se perd avec le personnage. La fin est émouvante, à l’image du film, Mortez n’a, au bout du compte, peut-être jamais été qu’un bateleur de foire.
Patrick Van Langhenhoven
Bonus:
Entretien avec Patrice Leconte (45 min) -
Document d’archive : interview de tournage de Jean Rochefort (13 min)
Titre : Tandem
Réalisation : Patrice Leconte
Scénario : Patrick Dewolf et Patrice Leconte
Assistant réalisateur : Étienne Dhaene
Photographie : Denis Lenoir
Montage : Joëlle Hache
Son : Alain Curvelier et Dominique Hennequin
Musique : François Bernheim et Richard Cocciante (interprète de la chanson Il mio rifugio)
Producteurs : Philippe Carcassonne et René Cleitman
Genre : Comédie dramatique
Durée : 91 minutes
Pays : France
Langue : Français
Date de sortie en salle : 17 juin 1987
Date de sortie Vidéo : 21 octobre 2020
Distribution
Gérard Jugnot : Rivetot
Jean Rochefort : Michel Mortez, de son vrai nom Michel Morteau
Sylvie Granotier : la libraire
Julie Jézéquel : la serveuse hôtel de la Gare
Jean-Claude Dreyfus : le conseiller municipal
Ged Marlon : le pique-niqueur
Marie Pillet : la patronne hôtel du Commerce
Albert Delpy : le conducteur chien rouge
Gabriel Gobin : le vieux barman
Philippe Dormoy : un reporter
Jacques Rousselot : M. Vaillant
Jean-François Dumeniaud : le patron de l'Hôtel du Commerce
Françoise Baut : Mme Meurisse
Eric Bérenger : le journaliste
Marilyn Even : la serveuse de l'Hôtel des Grands Hommes
Catherine Ferrière : la réceptionniste de l'Hôtel des Trois Frères
Richard Fiardo : le réparateur de l'ascenseur
Nathalie Frémont : une jeune fille du podium
Mélanie Merkl : une jeune fille du podium
Sylvie Herbert : la patronne de l'Hôtel de La Gare
Patrice Leconte : un candidat malchanceux