Quelle est la stupéfaction pour les riverains de l’Hudson ce jour-là ! Un Airbus frôle les toits des maisons où la vie s’agite, espère et continue sa route, insouciante du danger. L’immense appareil, semblable à une nuée d’oiseaux qui viennent de le percuter se pose, fragile, glissant sur le fleuve. Un départ sans histoire de l’aéroport de La Guardia, direction Charlottesville tout se déroule sans anicroche, une vieille histoire répétée pendant plus de quarante ans de carrière pour Sully. C’est un peu moins pour son copilote. Les deux hommes ont l’habitude de ce trajet de routine. Un vol d’oiseaux passe dans le ciel, percute les réacteurs, les stoppe net et le drame commence.
Il reste peu de temps pour agir, décider où poser l’appareil en perte de vitesse, à peine un souffle sur les ailes du vent pour cent cinquante passagers terrorisés. La vie défile devant vous comme un rêve fugace et la mort ouvre ses portes comme un mauvais sarcasme. Grâce au sang froid et à la connaissance parfaite de l’appareil, Sully et son copilote réussissent l’impossible, poser l’avion sur le fleuve. Il faudra peu de temps aux équipes pour venir secourir tous les passagers. Ce geste héroïque salué par la presse interroge la protection de l’aviation civile. L’enquête commence et elle pose beaucoup de questions gênantes et parfois surprenantes. Le doute est de mise. Les expertises contredisent la réalité des évènements. Sully et son copilote n’en ont pas fini. L’administration se fout de l’héroïsme elle veut des réponses à ce qu’elle ne comprend pas. Elle veut une vérité pas un miracle dû à l’impossible.
Quarante ans de bon et loyal service font pencher la balance pour qu’advienne ce miracle technique. Une longue carrière cinématographique pèse dans la balance pour raconter une histoire tenant en ligne. Un type pose un avion sur le fleuve Hudson. Clint Eastwood raconte le drame par un savant montage, tout en partant de la fin que nous connaissons tous. Nous sommes dans le cockpit, nous tremblons, le temps passe à toute vitesse, pas le temps de tergiverser pour agir. Nous sommes à la barre des témoins, plus agacés que le vrai Sully à répondre à toutes ces questions effaçant l’héroïsme. Bon Dieu ! Ce type vient de sauver cent cinquante vies et vous l’emmerdez avec vos essais techniques ? Vous l’accusez d’erreur de pilotage et de la perte d’un avion ? Pendant plus d’une heure trente, nous sommes plongés dans une histoire où miracle et administration kafkaïenne qui fait son boulot mènent le bal.
Pas un plan de trop, pas une image qui manque, pas de pathos ou d’élan biblique là ou d’autres se seraient égarés, sonnez violons jouez crécelles. Le bon vieux cow-boy s’en tire avec brio une fois de plus. Il met en avant une de ces figures qu’il affectionne et qu’aime incarner son double, Tom Hanks. C’est un humaniste qui ne se glorifie pas de ce geste qu’il trouve naturel. C’est l’Amérique comme on l’aime, celle des pionniers franchissant le col enneigé pour atteindre leur Eldorado. Comme le dit si bien le réalisateur : « Quiconque sait garder son calme et affronter l’adversité sans paniquer fait preuve d’un tempérament supérieur à la moyenne et s’avère un personnage de film intéressant ». « Mais pour moi, le véritable enjeu s’est manifesté par la suite, dès lors que la commission d’enquête a mis en cause ses décisions bien qu’il ait sauvé tant de vies humaines ». « Je ne suis pas pilote », précise Hanks, « mais je sais qu’on n’est pas censé atterrir comme ça. Sullenberger est un type très pragmatique qui connaissait parfaitement les implications et les conséquences de ses actes.
Il ne s’est jamais pris pour un héros, mais il était suffisamment aguerri pour savoir qu’il pouvait réussir un tel amerrissage. C’était un acte héroïque. Et il en a payé le prix fort ». C’est bien la question du système et de son règlement qui est remis en cause. C’est aussi la réaction d’un homme qui sait garder la tête froide et préserver les siens dans cette tempête qui se déchaine. Nous retrouvons la figure héroïque désacralisée comme dans Impitoyable, la famille et les valeurs profondes d’un monde juste. C’est bien la figure du héros, le rapport entre individu et société (bien souligné dans une thèse de Gauer en 2003) que l’on retrouve en filigrane dans tout le cinéma du réalisateur qui sert de thématique au film. Une fois de plus, comme certains de nos collègues, nous éviterons de regarder le doigt qui montre la lune ! Il est facile de jouer du raccourci et de l’évidence chez Clint Eastwood, mais c’est toujours plus complexe. L’autre point intéressant, c’est remettre dans ce système l’humain. A toutes les analyses, Sully répond par une seule question : « et l’humain dans tout cela ? »
Patrick Van Langehnhoven
Bonus
Titre original : Sully
Réalisation : Clint Eastwood
Scénario : Todd Komarnicki, d'après Highest Duty: My Search for What Really Matters (en) de Chesley Sullenberger et Jeffrey Zaslow1
Direction artistique : Ryan Heck
Décors : James J. Murakami
Costumes : Deborah Hopper
Photographie : Tom Stern
Montage : Blu Murray
Musique : Christian Jacob
Production : Clint Eastwood, Frank Marshall, Tim Moore et Allyn Stewart ; Gary Goetzman, Tom Hanks et Robert Lorenz2 (coproductions)
Sociétés de production : Flashlight Films et Malpaso Productions ; BBC Films, FilmNation Entertainment, The Kennedy/Marshall Company, RatPac-Dune Entertainment, Village Roadshow Pictures (coproductions)
Sociétés de distribution : Warner Bros. (États-Unis), Warner Bros. France (France)
Pays d’origine : États-Unis
Langue originale : anglais
Budget : 60 millions de dollars3
Format : couleur - 2,39:1 - son Dolby numérique
Genre : drame biographique
Durée : 96 minutes
Dates de sortie : 30 novembre 20165
Distribution
Tom Hanks (VF : Jean-Philippe Puymartin ; VQ : Tristan Harvey) : Chesley « Sully » Sullenberger
Laura Linney (VF : Danièle Douet ; VQ : Valérie Gagné) : Lorrie Sullenberger
Aaron Eckhart (VF : Constantin Pappas ; VQ : Daniel Picard) : Jeff Skiles
Anna Gunn (VF : Nathalie Régnier ; VQ : Anne Bédard) : Dr. Elizabeth Davis
Holt McCallany (VQ : Stéphane Rivard) : Mike Cleary
Molly Hagan (VQ : Aline Pinsonneault) : Doreen Welsh
Autumn Reeser (VQ : Pascale Montreuil) : Tess Soza
Ann Cusack (VQ : Claudine Chatel) : Diane Higgins
Jane Gabbert (VQ : Julie Burroughs) : Sheila Dail
Mike O'Malley (VF : Gérard Darier ; VQ : Thiéry Dubé) : Charles Porter
Jamey Sheridan (VQ : Marc Bellier) : Ben Edwards
Sam Huntington (VF : François Santucci ; VQ : Nicholas Savard L'Herbier) : Jeff Kolodjay
Christopher Curry (VQ : François Trudel) : Rob Kolodjay
Chris Bauer (VQ : Pierre Auger) : Larry Rooney
Patch Darragh (VQ : Antoine Durand) : Patrick Harten
Michael Rapaport (VQ : Patrice Dubois) : Pete le barman
Billy Smith (VQ : Jean-Jacques Lamothe) : Dan Britt
Capitaine Vincent Lombardi (VQ : Maël Davan-Soulas) : Lui-même
Katie Couric (VQ : Natalie Hamel-Roy) : Elle-même
Delphi Harrington (VQ : Anne Caron) : Lucille Palmer
Valerie Mahaffey (VQ : Johanne Garneau) : Diane Higgins
Jerry Ferrara : Michael Delaney
Jeff Kober : L.T. Cook
Molly Bernard : Alison
Max Adler : Jimmy Stefanik
Tracee Chimo : Evelyn May