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affiche Still the Water

Still the Water

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Un film de Naomi Kawase,
Avec Nijirô Murakami, Jun Yoshinaga, Tetta Sugimoto,

Genre : Comédie dramatique
Durée : 1h59
Japon

En Bref

Une île à la beauté semblable à celle de la jeunesse des deux protagonistes. Le Japon, sa terre d’origine comme cadre de cette histoire aux envolées poétiques. Naomi Kawase continue son introspection avec des matériaux présents dans son œuvre et cette culture locale très ancrée dans les mœurs, pour ce film présenté en compétition à Cannes cette année.

Ces deux protagonistes ont des visages de poupon, leur éclat et leur caractère sont pourtant là. C’est une initiation à l’amour dans des contextes difficiles, amenant une longue réflexion sur notre place sur Terre et ce passage vers d’autres cieux : la mort. Brassant un panel impressionnant de thèmes, le film s’avère pourtant assez frivole et en n’exagérant qu’un peu, seul le souvenir de cette scène centrale à l’ampleur surprenante hante notre esprit. Le point de départ de tout cela est ce Kaito, jeune adolescent, découvrant un homme inanimé, tatoué sur tout le corps par un dragon.


Avec deux personnages centraux s’éprenant d’amour, la réalisatrice nippone nous offre deux visions de familles, deux jeunes confrontés à l’absence. Kaito le jeune adolescent doit faire face à un père parti dans la capitale pour son métier de tatoueur, rappelant ce corps inanimé, et d’une mère privilégiant le plaisir charnel à l’éducation de son fils. Situation illustrée quand il se retrouve chez lui face à ces deux chaises vides.

Alors que Kyoko doit, elle, faire face à la mort annoncée de sa mère. Cette scène de la mort de la mère est la grande scène du film. D’une durée impressionnante, le spectateur navigue dans les eaux des sentiments humains, rencontrant la joie, le désespoir ou encore la tristesse. Sa mère allongée sur son lit sent la mort venir. Kaito se rend sur les lieux où toute la famille est là, entourant ce lit. Puis la mère dans une dernière volonté demande qu’on lui chante une sublime chanson japonaise sur le départ et l’abandon, écho au moment attendu. Cela entrainant une danse de l’assemblée, un rite semble-t-il. « Je suis heureuse », glisse la mère à sa fille. Chamane de profession, même elle, à mi-chemin entre les Dieux et les humains s’en va. Mais c’est un nouveau départ. La musique est ici vectrice de vie et de mort, battant la pulsation et semblant la réanimer. Sa mort n’est qu’une continuité, « papi tortue » un vieux pêcheur l’exprime si bien « Elle est rentrée chez elle pour l’éternité. »

La fillette est surement pour la première fois confrontée à cela. « Pourquoi faut-il que les gens naissent et qu’ils meurent? » s’interroge-t-elle. Cela renvoie à l’égorgement de la chèvre, où Kyoko en arrière-plan par rapport à la chèvre, attend dans une très belle scène que son âme quitte son corps. C’est l’apprentissage de la vie.

Le film se tient et prend par moment le large avec sa poésie et ses réflexions métaphysiques. Mais ça n’est qu’une oscillation et la fin le prouve. La dernière demi-heure remet beaucoup de chose en question et est d’une lourdeur regrettable. Avec cette tornade, ô si grande et explicite, en comparaison avec la colère pourtant annoncée expulsée du corps de ce garçon. Calme et inexpressif pendant le film, ce changement de caractère est trop soudain.

Cet amour entre les deux jeunes semble contrarié par tous ces parasites environnants. La parallèle entre la mer, dont le surf, et l’amour est explicite. De ces corps sur le vélo ondulant sur leur vélo comme pendant l’acte sexuel à ces « je t’aime » trop timides et autres craintes, cette initiation va pour ces deux jeunes durer tout le long du film. Constamment dans le même plan, cela aboutira à la scène où ces corps nus se dévoileront l’un à l’autre.

Et la problématique est là quand à l’aube de l’acte amenant la vie, ils se retrouvent au milieu d’une forêt, avec l’arbre comme symbole de vie. Pas n’importe quelle forêt, une forêt d’arbres aux racines apparentes, déracinés, bordée par la mer. La vie côtoie la mort. La vie, Kawase en fait un véritable appel, une déclaration d’amour. Même si le destin comme souvent au Japon est présent. La symbolique est omniprésente et va même jusqu’à rappeler The Tree of Life, dont la puissance était une autre affaire. Evoquée encore par un arbre, celui du jardin, vieux de 500 ans et témoin de notre passage sur Terre, comme l’exprime la défunte chamane. De ces plans sur ce dernier, lumineux et divins reviennent ces images du film de Malick. La vie est au final évoquée via la nature, comme un retour aux fondamentaux.

Jouant habilement avec la nature et ses objets, l’ode ne fonctionne pas toujours et n’a surement pas la profondeur espérée. Son mérite au-delà de la beauté et la douceur de l’image est d’interroger sur ces grands thèmes via cette culture nippone. Mais de la contemplation ressort un film trop théorique dont la grâce invoquée n’est que trop peu présente et la simplicité de la nature sonne en paradoxe par rapport au film.

Clément SIMON

Note du support : n/a
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