Cora profitait du bonheur doux et tranquille, comme un matin d’été, sur une campagne sublime. Le temps coule, symphonie des jours heureux brisée par ce jour ordinaire. Une balade à la plage, le regard perdu dans l’horizon. Le petit joue, insouciant. Là-bas, des jeunes chahutent, c’est la valse des séductions, le petit jeu de l’amour. Cora se lève et frappe de plusieurs coups de couteau un des jeunes adultes. Le rouge éclabousse, le temps du bonheur s’achève sur cette plage pour toujours. Arrêtée, emprisonnée, elle devient une meurtrière, une coupable sans raison apparente. Pour la police, le doute n’est pas permis, le crime est sans appel. Harry Ambrose est bien le seul inspecteur de la brigade qui s’interroge et refuse l’évidence. Une petite musique se déclenche dans son for intérieur et le pousse à ouvrir d’autres voies. Il ignore que les réponses à ses doutes ouvriront d’autres portes sur la noirceur de l’âme humaine. Les gens ordinaires cachent parfois de vilains secrets.
Une fois de plus, la grande thématique du cinéma américain se retrouve au cœur de The Sinner, la famille. Quoi de plus idyllique qu’un petit couple ordinaire, une jeune mère, bien sous tous rapports, qui explose ? Le spectateur est d’abord déstabilisé par ce meurtre violent et horrible. Une tempête de questions se bouscule dans notre esprit. Pourquoi, comment, folie, passé tourmenté, tout passe à la moulinette. Plus l’enquête avance, dévoilant des vérités sombres, plus nous perdons pied. C’est le jeu du pendule du bien et du mal qui nous entraine dans les ténèbres. Nous regardons nos proches d’un drôle de regard, les interrogeant sur ce qu’ils nous cachent. Elle nous conduit sur les sentiers de la perdition où un petit démon murmure à notre oreille.
Chaque épisode révèle son coup de théâtre dans le grand principe du roman populaire du XIXe siècle. The Sinner plonge de l’autre côté de la montagne, loin du soleil, sur la face sombre du monde. C’est d’abord une famille obsédée par la religion, autre thématique forte du cinéma américain depuis La naissance d’une nation. Il nous raconte que les voies du seigneur sont souvent impénétrables, même pour lui. Les uns et les autres possèdent la fâcheuse tendance à arranger la parole divine pour mieux asservir les âmes. Le passé de Cora ressemble à celui de Carrie sur bien des points. Nous explorons des pans de son passé qui s’illumine au fur et à mesure de l’enquête. La fuite du foyer ne la conduit pas vers le paradis, mais de Charybde en Scylla. Elle rejoint des mauvais garçons aux gueules d’ange. Harry Ambrose assemble un puzzle qui n’est pas celui du petit bonheur. Le geste fatal est toujours sans aucune raison d’être, le comment ne possède pas de pourquoi ? Il vous faudra attendre le finale pour découvrir le puzzle dans son ensemble et vous dire que le monde n’est pas joli, joli. The Sinner est une série surprenante, une enquête en profondeur sur nos tourments, dans ce qu’ils révèlent de plus ténébreux.
Ils nous emmènent aux portes de l’enfer, comme cette silhouette que suit Cora pour l’entrainer dans les profondeurs du pays de Lucifer. Nous aimerions lui crier « N’y va pas petite ! » La série trouve sa force dans la galerie de personnages qu’elle propose, fouillée et surprenante. Elle révèle des facettes bien plus complexes qu’un simple noir et blanc. Dans cette galerie se détache Cora, jeune mère tourmentée, blessée, criminelle, admirablement jouée par Jessica Biel révélée par la série Sept à la maison. Bill Pullman campe un détective perturbé, hanté par ses démons, qui dévoile sa nature profonde au fur et à mesure de l’enquête. The Sinner confirme que les séries sont bien le nouveau territoire de création depuis un bon moment et que ce n’est pas fini. Une saison est annoncée pour cet été sur Netflix, sans Jessica Biel, hélas. Il vous reste à profiter de la saison un sans restriction.
Patrick Van Langhenhoven
Bonus: assez maigre 4mn
Episodes :
Pécheresse (Part I)
Priez pour nous (Part II)
Réminiscences (Part III)
Poussières (Part IV)
Ceci est mon corps (Part V)
Mea culpa (Part VI)
Reviviscences (Part VII)
Que la lumière soit (Part VIII)
Réalisation :
Antonio Campos
Brad Anderson
Cherien Dabis
Jody Lee Lipes
Tucker Gates
Musique : Ronit Kirchman
Scénario :
Derek Simonds créateur de la série, d'après le roman de Petra Hammesfahr "The Sinner" ("Die Sünderin")
Liz W. Garcia
Jesse McKeown
Tom Pabst
Distribution :
Jessica Biel (VF : Chloé Berthier) : Cora Tannetti
Christopher Abbott (VF : Sylvain Agaësse) : Mason Tannetti
Dohn Norwood (en) (VF : Christophe Peyroux) : lieutenant Dan Leroy
Abby Miller (en) (VF : Agnès Cirasse) : Caitlin Sullivan
Bill Pullman (VF : Renaud Marx) : lieutenant Harry Ambrose
Carrie Coon : Vera (saison 2)
Natalie Paul (en) : Heather (saison 2)
Hannah Gross (en) : Marin (saison 2)
Acteurs récurrents
Danielle Burgess (VF : Valérie Decobert) : Maddie
Enid Graham (VF : Gaëlle Savary) : Elizabeth Lacey, la mère de Cora
C. J. Wilson (VF : Charles Uguen) : William
Jacob Pitts (en) (VF : Vincent Bonnasseau) : J. D.
Susan Pourfar : l'avocate de Cora
Kathryn Erbe : Fay Ambrose
Patti D'Arbanville : Lorna Tannetti
Peggy Gormley (VF : Cathy Diraison) : la juge Barrett
Meredith Holzman (VF : Cléo Anton) : Sharon
Nadia Alexander (en) : Phoebe, sœur de Cora
Robert Funaro (en) : Ron Tanetti
Eric Todd : Frankie Belmont
Joseph Melendez : avocat du district Lopez
Grayson Eddey : Laine Tannetti
Jacob Berger : Bailiff
Elisha Henig : Julian (saison 2)
Version française
Société de doublage : BTI Studios
Direction artistique : Philippe Blanc
Adaptation des dialogues : Sandra Devonssay, Hélène Jaffres