Notre histoire commence à l’école primaire, quand la jeunesse flamboyante, brûlante comme un feu trop vif ne peut contenir ce qui est à l’intérieur. Il déborde cherche à faire sa place au sein du monde qu’il découvre : Ishida cherche dans le bruit et la fureur sa place au sein de la communauté. Il n’hésite pas pour cela à utiliser la raillerie, ignorant la blessure petite braise qu’il glisse dans le cœur de Nishimiya. Petite fille du vide, du silence, du rien, c’est l’enfant qui pardonne à cet imbécile qui ne comprend rien. Passage au lycée - elle s’évanouit ailleurs dans l’espace vide et silencieux du monde. Lui se retrouve harcelé, bourreau devenu victime. Il rate sa sortie de la scène, car le destin, petit diablotin farceur, décide d’une autre voie. Commence la route de l’initiation, de l’apprentissage des gestes pour briser le silence et écouter le cœur. Ishida part en quête de Nishimiya. "Elle est longue la route qui menait jusqu’à vous" dit la chanson. Il faut plus que briser le silence se fondre dans le rien pour toucher au tout. Commence une valse des cœurs qui s’apprivoisent, se repoussent, se cherchent et finissent peut-être par se trouver dans la voie, la voix, du silence.
A Silent Voice brasse dans son silence de nombreuses thématiques, le harcèlement, le langage des signes, la surdité, le handicap, l’intégration dans la société, et l’éveil de l’être. Pour nous le silence est bien souvent un espace à combler par nos bavardages stériles. Au Japon il est le rien qui contient le tout, "Mu.Mu" est difficilement traductible par le langage, la notion de rien, de silence, d’espace plein, s’appréhende avec le corps et l’âme. Avec la physique quantique, nous comprenons que le vide intersidéral est plein. C’est presque la rencontre de l’Occident et de l’Orient, le verbe porteur de la vérité et du mensonge. Le silence, le vide, le geste porteur de l’essentiel, le mensonge s’y glisse difficilement…. Ishida parle, gesticule, s’agite, il comble sa propre illusion du monde, son manque de… Nishimiya, plus spirituelle, laisse le petit être s’agiter.
Silencieuse, elle pardonne souvent. Une façon de bousculer les esprits pour qu’ils ouvrent la porte de l’éveil. A Silent Voice emprunte beaucoup au bouddhisme et particulièrement au Zen Soto. Nishimiya fait office de maître indiquant la route, supportant le pire pour que le disciple trouve sa voie et s’éveille. Ishida passe par la petite mort pour comprendre son comportement et en changer. Tout le chemin qu’il entreprend le conduit à trouver sa place au sein du monde, l’importance de l’amour et de l’amitié. Chaque personnage secondaire devient un élément du parcours conduisant au Satori. À la fin il comprend le sens du monde et sa place au sein de celui-ci, le fameux "Connais- toi toi-même" et tu connaitras l’univers, des philosophes grecs au Bouddha. C’est cette universalité du récit qui nous touche et nous emporte. C’est par la grâce et la douceur, la non-violence que le film nous offre son message. Parfois il se montre dur et cruel pour nous faire toucher à la portée de nos actes. Il nous apprend combien toute action comporte une réaction dont nous devons tenir compte. A Silent Voice est un film profond dans son message et dans sa manière de marquer notre âme dans son vide plein.
Patrick Van Langhenhoven
Avis de Françoise Poul
Silent Voice est un long métrage d’animation dont le sujet majeur est la différence. Il s’appuie sur l’arrivée dans une école primaire d’une petite fille sourde. Elle est bien vite l’élément perturbateur d’un écosystème. Dans la classe, chacun a défini son rôle dans la communauté. On sait combien au Japon, la société prend volontiers le pas sur l’individu. Et soudain cette fillette par sa seule présence bouleverse l’équilibre instable qui régnait dans l’école. Le voile se lève petit à petit sur les protagonistes. On voit ceux qui la rejettent en bloc en lui faisant subir tous les outrages, ceux qui prétendent être son ami juste pour se faire bien voir du prof. Sur cette toile de fond un peu en trompe l’œil, on suit le parcours du jeune garçon qui avait l’habitude de jouer les durs pour se faire remarquer, ce qui ne lui permettait pas de tromper sa solitude et ses tendances suicidaires.
La force de Silence Voice réside dans l’étude longitudinale comme diraient les sociologues. Nous accompagnons les personnages des années plus tard, dans l’adolescence. Et ce qui ressort, c’est le poids du passé qui les leste pour ainsi dire à vie. Leur comportement dans leurs toutes jeunes années reste comme gravé, ineffaçable et impose son poids de culpabilité chez chacun d’eux.
La question principale est celle des relations humaines. Qu’est-ce qu’un ami ? Comment noue-t-on des contacts personnels avec quelqu’un ? Le film développe cette thématique à travers de belles images et des scènes qui illustrent la tragédie que traversent des adultes en devenir, prisonniers des codes sociaux, sans aucun recul ni modèle alternatif. Ce qui ressort c’est la difficulté d’échanger, de mettre des mots sur les sentiments et c’est pourquoi le personnage d’une fillette sourde agit comme un révélateur. Communiquer avec les lèvres ou avec les mains revient au même. L’essentiel est de trouver les mots pour le dire.
Silent Voice est émouvant et brosse le portrait d’une certaine société nipponne qui nous parait souvent déroutante en ce qui concerne les rapports humains.
F Poul
Titre français : Silent Voice
Titre original : 映画 聲の形 (Eiga koe no katachi?)
Titre international : A Silent Voice
Réalisation : Naoko Yamada
Scénario : Yoshitoki Ōima, Reiko Yoshida, Kiyoshi Shigematsu, Stephanie Sheh, Clark Cheng et Amanda Winn Lee
Photographie : Kazuya Takao
Montage : Kengo Shigemura
Musique : Kensuke Ushio
Animation : Kazumi Ikeda, Miku Kadowaki, Nobuaki Maruki, Yuko Nagahama, Futoshi Nishiya, Kohei Okamura, Yuki Tsunoda et Chiyoko Ueno
Producteurs: Toshiko Iizuka, Shinichi Nakamura, Nagaharu Ohashi, Kensuke Tateishi et Mikio Uetsuki
Producteurs délégués : Hideaki Hatta, Susumu Okinaka et Osamu Yoshiba
Assistant producteur : Youhei Itou, Riri Senami, Ryuhei Takashima et Yoshifumi Yarimizu
Production : Kyoto Animation
Distribution : Shochiku
Pays d’origine : Japon
Genre : Animation
Durée : 132 minutes
Dates de sortie : 22 août 2018
Distribution
Personnages Voix japonaises Voix françaises
Shōya Ishida (石田将也, Ishida Shōya?) Miyu Irino Bastien Bourlé
Mayu Matsuoka (enfant)
Shōko Nishimiya (西宮硝子, Nishimiya Shōko?) Saori Hayami Mélanie Lemaistre
Yuzuru Nishimiya (西宮結絃, Nishimiya Yuzuru?) Aoi Yūki
Tomohiro Nagatsuka (永束友宏, Nagatsuka Tomohiro?) Kenshō Ono3 Bruno Meyere
Naoka Ueno (植野直花, Ueno Naoka?) Yūki Kaneko3 Caroline Combes
Miyoko Sahara (佐原みよこ, Sahara Miyoko?) Yui Ishikawa3
Miki Kawai (川井みき, Kawai Miki?) Megumi Han3 Justine Berger
Satoshi Mashiba (真柴智, Mashiba Satoshi?) Toshiyuki Toyonaga3 Arnaud Laurent
Kazuki Shimada (島田 一旗, Shimada Kazuki?) Ryo Nishitani Arnaud Laurent
Sachiko Kojima (enfant)
Keisuke Hirose (広瀬 啓祐, Hirose Keisuke?) Takuya Masumoto
Hana Takeda (enfant)
Takeuchi (竹内?) Fuminori Komatsu
Miyako Ishida (石田 美也子, Ishida Miyako?) Satsuki Yukino Nayeli Forest
Yaeko Nishimiya (西宮 八重子, Nishimiya Yaeko?) Akiko Hiramatsu
La grande-sœur de Shōya (将也の姉, Shōya no Ane?) Ayano Hamaguchi
Maria Ishida (石田 マリア, Ishida Maria?) Erena Kamata
Ito Nishimiya (西宮 いと, Nishimiya Ito?) Ikuko Tani
Pedro (ペドロ, Pedoro?) Ryunosuke Watanuki