Sicario (- 12 ans)

___

Un film de Denis Villeneuve ,
Avec Emily Blunt, Benicio Del Toro, Josh Brolin,

Genre : Drame psychologique
Durée : 2h02
États-Unis

En Bref

La zone frontalière entre les Etats-Unis et le Mexique est devenue un territoire de non-droit. Kate, une jeune recrue idéaliste du FBI, y est enrôlée pour aider un groupe d’intervention d’élite dirigé par un agent du gouvernement dans la lutte contre le trafic de drogues. Menée par un consultant énigmatique, l'équipe se lance dans un périple clandestin, obligeant Kate à remettre en question ses convictions pour pouvoir survivre.

Révélé à l’international avec Incendie, le réalisateur québécois Denis Villeneuve a marqué les cinéphiles trois ans plus tard avec Prisoners et les a retournés dans la foulée avec Enemy pour mieux les assommer avec son nouveau long métrage, Sicario. Tout ça avant de relever le défi de Blade Runner 2 et d’explorer le thriller de science fiction avec Story Of Your Life. Plutôt productif le bonhomme. Quoi qu’il en soit, on parle bien ici de vrai cinéma, épais, travaillé, percutant et profondément touchant. Un cinéma qui sait vous accrocher dès la première séquence. Un cinéma qui vous fait vibrer et vous tient jusqu’au bout. Avec Sicario, le spectateur découvre en même temps que Kate les dessous d’une mission sanglante pour démanteler un cartel de drogues. Un sujet maintes fois traité au cinéma qui trouve ici un nouveau visage, toujours sanglant, toujours violent, mais autrement plus saisissant dans l’urgence et dans le cauchemar inextricable.

Au cœur du labyrinthe gît le mal absolu, l’âme des ténèbres, et au-dessus dans le ciel bleu, la lumière.

Kate, jeune agent idéaliste du FBI traque le mal comme les chevaliers de la Table ronde le Graal. Une de ses enquêtes en Arizona exhume des corps torturés, planqués dans les murs d’un repaire du cartel de la drogue. Cette découverte de l’horreur extrême, de la mort sans humanité, la propulse au côté d’un groupe d’agents du gouvernement. Ils sont chargés de lutter contre le diable et sa poudre à rêve. Elle suit l’équipe pour extrader un des parrains de Juárez. Alejandro, un Mexicain au passé trouble, silhouette sombre et muette les accompagne dans cette quête.

Peu à peu, elle découvre que pour vaincre la part d’ombre et de ténèbres, l’âme sans fond du mal, le groupe n’hésite pas à franchir la ligne. Qu’est-ce qui les différencie de la bête immonde qu’ils traquent ? C’est au cœur d’un labyrinthe de tunnels pour franchir la frontière que la chasse au Minotaure s’achève. Cette fois, l’âme du héros est marquée par la douleur et elle crache le chant de la vengeance. Kate se retrouve face à la balance de la justice à mesurer le poids de ce qui est bien ou mal.

Derrière le thriller se cache la notion du bien et du mal et des moyens d’abattre la bête. C’est une question qui revient souvent chez Denis Villeneuve (Prisoners), où se situe la limite pour combattre nos démons ? Devons-nous basculer dans les ténèbres, opposer le loup au loup pour que l’agneau puisse boire à la source du bonheur ? Les méthodes des agents de la CIA ne sont pas très différentes de celle des cartels. L’horreur du début justifie-t-elle celle-ci ? Kate se retrouve devant cette question essentielle, existentielle. Faut-il utiliser les mêmes moyens que le barbare pour le vaincre?

Il développe cette symbolique. Nous retrouvons le thème du labyrinthe, la ville, les tunnels, celui de l’esprit. Il construit des images frappantes comme cette file de soldats se fondant dans les ténèbres pour ne plus faire qu’un avec la nuit. Ils se présentent devant l’entrée d’un tunnel permettant le passage de la frontière. C’est peut-être la bouche béante de l’enfer, le retour à la lumière ne se fera pas sans la perte de l’innocence. Kate devra choisir, ou suivre le groupe et accepter de devenir comme eux ou reprendre sa route. Elle a d’ores et déjà perdu sa part d’innocence, et son âme est marquée d’un point noir à jamais.

Patrick Van Langhenhoven