Roger Ailes règne en magnat tout puissant au cœur de Fox News dont il est l’un des fondateurs. L’argent appartient au clan Murdoch qui laisse toute liberté à ce maitre de la politique, républicain convaincu. En quelques années, il fait de la chaine d’information un support incontournable et redoutable. Cet ancien consultant média des présidents républicains Richard Nixon, Ronald Reagan et George H. W. Bush, connaît son affaire. Nous plongeons au cœur d’un scandale qui, quelques années avant l’affaire Harvey Weinstein, allait faire les gros titres de l’Amérique et libérer la parole des femmes qui ne seront plus des victimes. L’histoire commence avec le renvoi de Gretchen Carlson, ancienne star de la chaine, reléguée dans une émission de seconde zone.
Elle est bien décidée contre vents et marées à briser le silence et dénoncer les méthodes de harcèlement de son ancien patron. Le vieux pervers ne tremble pas et rappelle sa meute encore en place pour dénoncer les élucubrations d’une folle. Il tient ses troupes grâce aux pressions exercées sur elles. Gretchen Carlson sait que la bataille sera difficile et pleine de coups bas. Elle compte bien sur d’autres témoignages pour signifier la fin de l’omerta et particulièrement sur celui de la star des infos, Megyn Kelly. Pour l’instant, cette dernière ne sait trop comment aborder le scandale, concentrée qu’elle est sur la campagne de Trump. Dans notre jeu d’échecs, il manque une dernière pièce, Kayla, une jeune journaliste bien décidée à conquérir sa place. Est-elle prête à dénoncer le traitement infâme dont elle a été victime ? Tout est en place pour que tombe le premier domino d’une longue série qui n’est pas encore finie.
Nous sommes en 2016 avant l’affaire Harvey Weinstein et le mouvement Me Too créé par la militante féministe américaine Tarana Burke en 2006. Il sera relancé par l’actrice Alyssa Milano en 2017. Il ouvre la parole en dénonçant les abus des butors et goujats qui profitent d’un certain pouvoir pour abuser, harceler les femmes. Jay Roach commence sa carrière de réalisateur avec une parodie de James Bond remarquée Austin Powers, suivie d’une autre saga Mon beau-père et moi. C’est avec Recount, Moi député, Dalton Trumbo, All the Way qu’il change de registre. Avec Scandale, il nous entraine dans une mise en scène soignée, visible par tous avec quelques scènes-chocs. La séquence de la rencontre de Kayla, l’un des personnages fictifs, est un des moments les plus malsains, dévoilant la perversité retorse du personnage. Il s’attache à l’affaire pour l’examiner dans les moindres détails tout en maintenant un certain suspense.
La première partie dévoile les rouages d’une des chaînes d’information les plus puissantes de la planète. Roger Ailes apparaît comme le capitaine du navire, vieillissant mais toujours perspicace. On suit le parcours de trois femmes dans cette ambiance de travail tendue. Gretchen Carlson, ancienne gloire de Fox News, aujourd’hui en perte de vitesse, luttant pour conserver son statut. Megyn Kelly, la moins conservatrice de la chaine, qui ne mâche pas ses mots face à des hommes d’influence. Roger Ailes en joue habilement malgré ses relations avec certains d’entre eux. Il n’a pas fait de Fox News l’une des premières chaines d’info pour rien. Il sait manœuvrer dans le bon sens. Dans une première partie, nous sommes au cœur de la machine et de ses enjeux, dans une ambiance souvent au bord du conflit.
Le décor est admirablement planté pour emporter le spectateur dans la seconde, avec les attaques lancées par Gretchen Carlson. Les enjeux ne deviennent plus politiques, mais moraux, au cœur de la machine elle-même. Il y a quelque chose de pourri au royaume de Fox News. Jay Roach, avec le personnage de Kayla, montre le fonctionnement du vieil homme et toute sa sournoiserie. Comment, sous le signe de la loyauté, l’araignée immonde tisse sa toile. Kayla est la représentation de plusieurs témoignages de jeunes journalistes abusées.
C’est grâce à son point de vue issu d’une synthèse, ne négligeant rien, que Jay Roach nous entraine dans ce thriller aux facettes multiples. Charlize Theron est d’ailleurs une fois de plus nominée aux Oscars, comme Margot Robbie, toutes deux exceptionnelles. Nous n’oublions pas non plus Nicole Kidman dans un de ses rôles les plus forts. Il faut saluer la performance de John Lithgow, dans celui plus difficile de Roger Ailes. Ce Scandale est considéré comme le premier pas vers une libération de la parole et les prémices d’un mouvement mondial. C’est aussi le premier film de fiction sur le sujet, qui devrait être suivi par de nombreux autres.
Patrick Van Langhenhoven
Titre original : Bombshell
Titre français : Scandale
Réalisation : Jay Roach
Scénario : Charles Randolph
Direction artistique : Christopher Brown
Décors : Mark Ricker
Costumes : Colleen Atwood
Photographie : Barry Ackroyd
Montage : Jon Poll
Musique : Theodore Shapiro
Production : A. J. Dix, Aaron L. Gilbert, Robert Graf, Beth Kono, Charles Randolph, Margaret Riley, Jay Roach
Coproduction : Charlize Theron
Production déléguée : Jason Cloth, Chris Conover, Ashley Levinson et Richard McConnell
Sociétés de production : Lionsgate, Bron Studios, Denver + Delilah Productions, Lighthouse Management & Media et Everyman Pictures
Sociétés de distribution : Lionsgate (États-Unis), Metropolitan FilmExport (France), Belga Films (Belgique)
Budget : 32 millions de dollars
Pays d'origine : États-Unis
Langue originale : anglais
Format : couleur
Genre : drame
Durée : 109 minutes
Dates de sortie : 22 janvier 2020
Distribution
Charlize Theron : Megyn Kelly
Nicole Kidman (VF : Danièle Douet) : Gretchen Carlson
Margot Robbie (VF : Dorothée Pousséo) : Kayla Pospisil
John Lithgow (VF : Patrick Préjean) : Roger Ailes
Kate McKinnon (VF : Marie-Laure Dougnac) : Jess Carr
Connie Britton : Beth Ailes
Mark Duplass : Douglas Brunt (en)
Rob Delaney (VF : Laurent Maurel) : Gil Norman
Malcolm McDowell : Rupert Murdoch
Allison Janney : Susan Estrich (en)
Alice Eve : Ainsley Earhardt (en)
Brigette Lundy-Paine : Julia Clarke
Liv Hewson (VF : Rebecca Benhamour) : Lily Balin
Alanna Ubach : Jeanine Pirro
Elisabeth Röhm : Martha MacCallum (en)
Spencer Garrett : Sean Hannity
Ashley Greene : Abby Huntsman (en)
Brooke Smith : Irena Brigante
Michael Buie : Bret Baier
Nazanin Boniadi : Rudi Bakhtiar (en)
Bree Condon : Kimberly Guilfoyle (en)
Ahna O'Reilly : Julie Roginsky (en)
Stephen Root : Neil Mullin
Madeline Zima : Edie
P. J. Byrne : Neil Cavuto (en)
Andy Buckley : Gerson Zweifac
Ben Lawson : Lachlan Murdoch
Josh Lawson : James Murdoch
Robin Weigert : Nancy Smith
Marc Evan Jackson : Chris Wallace
Richard Kind : Rudy Giuliani
Holland Taylor : Faye
D'Arcy Carden (VF : Claire Morin) : Rebekah
Tricia Helfer : Alisyn Camerota
Jennifer Morrison (VF : Cathy Diraison) : Juliet Huddy
Amy Landecker : Dianne Brandi
Katie Aselton : Alicia
Nominations
Golden Globes 2020 :
Meilleure actrice dans un film dramatique pour Charlize Theron
Meilleure actrice dans un second rôle pour Margot Robbie
Australian films award : meilleure actrice secondaire pour Margot Robbie
Oscars 2020 :
Meilleure actrice pour Charlize Theron
Meilleure actrice dans un second rôle pour Margot Robbie
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