« Ne fais pas pleurer une femme par ce que Dieu compte ses larmes »
Loin des plages et du soleil marocain, la famille d’Aicha se réunit pour le dernier adieu au père, Moulay Hassan. Trois jours où les fantômes ne hanteront pas que les jardins, mais aussi les cœurs, les histoires d’un passé enfoui. Sous les larmes de la mère de la perte de cet amour aux couleurs dorées du ciel, se cache aussi une libération. Miriam est restée au sein de la famille, torturée entre son envie de paraître et l’amour d’un mari plus occupé au travail qu’à regarder sa femme. Kenza cache derrière ses lunettes et son air de professeur un rêve perdu dans le sombre du désert et d’une vie sage. Sofia, la dernière, n’a pas pardonné à cette famille le lourd secret lié à Laïla, la sœur fantôme. Elle est aujourd’hui une vedette reconnue à la télé pour ses rôles de terroriste. Son arrivée et l’envie de faire exploser les fantômes dissimulés dans les recoins de la demeure et des cœurs provoquent un autre choc. La mort du patriarche affranchit ces femmes d’un poids dont elles se libèrent pour peut-être enfin, vivre leur propre rêve.
« Ne fais pas pleurer une femme par ce que Dieu compte ses larmes »
Loin des plages et du soleil marocain, la famille d’Aicha se réunit pour le dernier adieu au père, Moulay Hassan. Trois jours où les fantômes ne hanteront pas que les jardins, mais aussi les cœurs, les histoires d’un passé enfoui. Sous les larmes de la mère de la perte de cet amour aux couleurs dorées du ciel, se cache aussi une libération. Miriam est restée au sein de la famille, torturée entre son envie de paraître et l’amour d’un mari plus occupé au travail qu’à regarder sa femme. Kenza cache derrière ses lunettes et son air de professeur un rêve perdu dans le sombre du désert et d’une vie sage. Sofia, la dernière, n’a pas pardonné à cette famille le lourd secret lié à Laïla, la sœur fantôme. Elle est aujourd’hui une vedette reconnue à la télé pour ses rôles de terroriste. Son arrivée et l’envie de faire exploser les fantômes dissimulés dans les recoins de la demeure et des cœurs provoquent un autre choc. La mort du patriarche affranchit ces femmes d’un poids dont elles se libèrent pour peut-être enfin, vivre leur propre rêve.
Laïla Marrakchi dresse ici le portrait de ces femmes dans un Maroc à l’aube d’une révolution profonde qui bouscule plus particulièrement son regard et son rapport à la femme. Cette famille, réunie autour de la douleur, finit par trouver une nouvelle espérance, une nouvelle lumière dans ce tunnel de douleur. Peut-on y voir une métaphore du Maroc d’aujourd’hui bousculé par la révolution culturelle et sociale qui secoue le monde arabe et les pays du Maghreb ? C’est sans doute l’originalité du film, chacune de ces femmes représente une figure de la femme marocaine. De la grand-mère assez vieille, elle retrouve une nouvelle liberté dont elle profite allègrement. La mère, Aicha, fière, encore prisonnière des non-dits, des secrets du passé et du poids de la tradition. Elle représente la figure du passé qui finit par revendiquer sa liberté à la fin et se débarrasser du poids du passé pour envisager un nouvel avenir. Hiam Abbass donne toute la dignité et le mystère, la force, d’une figure à la frontière entre le passé et le présent. Miriam est entièrement tournée vers son apparence, son désir de plaire pour ne pas perdre l’amour d’un mari préoccupé par son travail. Elle désigne sans doute ces jeunes filles attirées par la société des apparences occidentale.
Nadine Labaki offre une composition entre le côté soleil, tout va bien, et une douleur cachée qui éclate à la fin. Kenza s’inscrit dans le portrait de ces femmes qui ne font pas de vagues et tentent de trouver leur voie dans un bonheur dissimulé. Professeur, elle construit l’image que l’on attend d’elle. Lubna Azabal joue sur la fragilité de ce personnage qui semble le plus heureux, mais derrière les tentures dorées se cache la même douleur que pour les autres. La servante, figure du petit peuple marocain, sous le joug du patron, on ne dit rien. On ne fait pas de vagues. Ils trouveront eux aussi leur place dans ce Maroc à venir, cette émancipation qui les élève au rang d’individus, non plus anonymes, mais avec des droits et du respect. Fatima Harandi, compose un beau personnage digne des tragédies antiques, de ces servantes qui, mine de s’effacer, n’en demeurent pas moins présentes par la force de leur jeu. La dernière figure féminine, Sofia, la révoltée, celle qui porte le plus ouvertement la mise à bas du passé et la volonté d’un nouvel avenir. Elle est d’ailleurs partie aux Etats-Unis pour devenir vedette de séries télé. Petit clin d’œil aux images et idées reçues, elle interprète des rôles de terroriste qui se font sauter à la fin du film. Dans cette galerie de personnages, les hommes ne sont pas oubliés, et répondent en écho aux figures des femmes. Nous retrouvons de la même façon le patriarche, vieux fantôme qui à travers le petit-fils de la plus révoltée Sofia, marque le passage d’une époque à une autre.
Zakaria, le fils de la bonne, l’amoureux, la fille rejetée, Laïla, représente la nouvelle génération plus ouverte. Mais chut, je ne peux vous en dévoiler plus. Sous ses allures de comédie dramatique, Rock The Casbah cache un regard sur un pays en mutation que le film tente de nous dévoiler. La mise en scène ne tombe jamais dans le larmoyant, la facilité, mais joue du soleil du pays et de l’ombre pour creuser son chemin. Laïla Marrakchi Aime son pays et nous rend son cœur avec beaucoup de justesse et de délicatesse. Dans ce huis-clos, elle n’hésite pas à sortir pour nous faire découvrir une société pleine de couleurs et de vie comme le quartier où vit Zakaria. Le cinéma maghrébin n’a pas fini de nous étonner, de nombreux jeunes réalisateurs ou réalisatrices continuent de faire tomber nos images d’Épinal. Ils nous dévoilent un monde qui a sans doute plus à partager que nous ne le pensons.
Patrick Van Langhenhoven
C.R : D’où vous vient l’idée de ce film ?
Laïla Marrakchi : En fait, je suis parti d’un évènement personnel, d’un enterrement que j’ai eu dans la famille et je trouvais que les trois jours de deuil étaient intéressants pour raconter une histoire. Après, je ne dirais pas que c’est autobiographique puisque ce n’est pas mon histoire à proprement parler mais c’est une sorte de mélange.
C.R : Morjana Alaoui, les tensions qu’il y a dans le film vous sont familières ?
Morjana Alaoui : Non j’ai un peu exagéré les choses et puis j’ai inventé le personnage. Il y a des choses que je connais à travers ma famille, à travers les gens là bas. Je connais très bien la société marocaine puisque j’y vais régulièrement, puisque toute ma famille est là bas et puis la famille, c’est quelque chose à laquelle je suis très attachée.
C.R : Mais tout en étant situé là bas, l’histoire est très universelle. Je suppose que l’écriture du scénario a été assez compliquée ?
L.M : En tout cas, le plus beau compliment est de dire que c’est universel parce que c’était l’idée. Je voulais que le film dépasse ses frontières même si c’était important aussi pour moi de raconter les traditions de chez nous. Mais j’avais d’abord envie de toucher avec une famille. Après, l’écriture du scénario a été un peu compliquée parce qu’effectivement il y a plusieurs personnages, le film est construit en trois actes comme les trois jours de deuil, un huis clos, donc ce n’était pas simple à mettre en place parce qu’on est dans le rythme du deuil assez particulier dans lequel il n’y a pas d’action. Mais je pense que le plus important était de définir les personnages, ce que j’ai fait d’ailleurs dés le départ, et voir un peu leur parcours. Suite à ça, les actrices sont arrivées dans le processus ce qui m’a permis de construire davantage chaque personnage. A partir de là, ce sont vraiment les personnages qui ont nourri l’histoire.
C.R : Qu’est-ce que vous avez réécrit en fonction de Morjana et Hiam Abbass ?
L.M : Pour Hiam, je vais la laisser parler.
Hiam Abbass : Lorsque j’ai rencontré Laïla, elle en était plutôt à la phase d’un premier scénario qui allait être tourné mais qui était encore en période d’hésitation par rapport à la construction de la famille. Moi je pouvais faire deux rôles là dedans. Donc quand on en a parlé ensemble, elle n’avait pas encore l’accord des deux autres comédiennes et elle-même était encore en train de réfléchir, même si son envie à elle était que je joue la mère et non la grande sœur. Mais à ce stade de travail, on est dans cette relation de famille. Une fois qu’elle était sure de son cast, on a commencé à s’imprégner du personnage. En tant que comédien, on lit mais on imagine aussi des choses, on se projette des choses, on discute, on fait des lectures, on a discuté pendant des heures et à partir de là, Laïla a retravaillé sur sa version pour aller dans le sens de ce que chaque comédien apporte au personnage et à l’histoire.
L.M : Le scénario était là, il était écrit etc. Après, il fallait que ça prenne corps avec les personnages. Ca été le travail le plus important sur le film, donner la cohérence à cette famille. Et ce qui était intéressant, c’est qu’à partir du moment où chacun des personnages que j’avais créé est venu prendre forme devant mes yeux, chacun me posait des questions. Et c’est ce dialogue là qui permet d’enrichir et de donner plus de crédibilité à des situations. Après la dramaturgie, l’histoire, tout était là.
M.A : Pour ma part, c’était différent des autres puisque Sofia à la base est isolée, elle a rompu avec cette famille. Elle a gardé une grosse rancœur pendant 10 ans avant de revenir dans sa famille et de parler avec eux. Donc ma préparation était vraiment différente des autres. J’étais isolée pendant tout ce processus de préparation qu’elles ont fait. J’avais besoin de garder cette distance pour pouvoir interpréter Sofia. J’ai essayé de construire une Sofia qui était plus loin de tout ce que je pouvais connaître parce que c’est une histoire qu’on a en commun, c’était l’enterrement de mon grand-père, je suis aussi partie mais j’ai essayé de lui donner son propre chemin loin de ce que j’ai pu vivre moi-même évidemment en me basant émotionnellement sur ce que j’avais ressenti.
C.R : On a l’impression que l’enterrement représente l’enterrement de ce qui a été hier pour un avenir autre.
L.M : Ah oui c’est tout à fait ça. C’est la mort du patriarche, la fin d’une époque, un peu la métaphore de ce qui se passe dans le monde arabe et comment ces femmes prennent la parole. On sent que tout est remis en question. C’est sur la condition des femmes et chacune dans son caractère va voir le deuil différemment. Ce qui m’intéressait était de capter cette intimité chez chacune d’entre elle.
C.R : Comment rentre-t-on dans des rôles comme ça sans les caricaturer ?
H.A : Déjà, le scénario était très sincère dans son histoire et ses personnages. Après, c’est facile d’être simplement dans la situation, d’être là et d’essayer de comprendre le parcours psychique et pas nécessairement son apparence. Laïla était dans une finesse de travail qui nous a permis d’être honnête face à une situation qui peut paraître un peu clichée. Elle cherchait la profondeur et l’émotion de la situation.
C.R : Votre casting est assez particulier puisque vous avez des actrices qui viennent toutes de pays différents, comment avez-vous fait ce choix ?
L.M : Depuis le départ j’avais envie d’un casting panarabe on va dire. En plus, l’histoire se passe à Tanger qui est une ville internationale et je trouvais intéressant de mélanger toutes ces femmes, tous ces gens qui viennent de cultures différentes et de pays différents. Et puis ce sont des actrices formidables et j’en avais envie surtout. Je n’avais surtout pas envie de me cantonner à des marocains pour servir la crédibilité.
H.A : C’est ça, moi aussi je le lis comme ça. Quand on est réalisateur et qu’on a des envies de travailler avec des comédiens, ce que j’admire beaucoup chez Laïla et que moi aussi j’ai adopté dans ma façon de choisir mes rôles, c’est que la nationalité de l’acteur n’est pas nécessairement le critère de son travail. C’est audacieux je trouve de la part d’un réalisateur de mélanger tant de nationalité pour créer une famille marocaine.
Interview réalisée par Patrick Van Langhenhoven et retranscrite par Eve BROUSSE
Casting
SOFIA Morjana ALAOUI
MIRIAM Nadine LABAKI
KENZA Lubna AZABAL
AICHA Hiam ABBASS
Zakaria Adel BENCHERIF
YACOUT Fatima HARANDI « Raouia »
MOULAY HASSAN Omar SHARIF
LALLA ZAZA Assia BENTRIA
YOUSSEF Lyes SALEM
AHMED Hassan EL GANOUNI
DR BERRADA Mohammed AYAD
MAMOUN Hadi ALAOUI
Liste Technique
SCÉNARIO ET RÉALISATION LAÏLA MARRAKCHI
PRODUCTRICE DÉLÉGUÉE ESTRELLA PRODUCTIONS STÉPHANIE CARRERAS
PRODUCTEUR ASSOCIÉ ALEXANDRE AJA
PRODUCTEUR ASSOCIÉ MATTHIEU PRADA
COPRODUCTEUR PATHÉ ROMAIN LE GRAND
PRODUCTEUR ASSOCIÉ PATHÉ JONATHAN BLUMENTAL
COPRODUCTRICES AGORA FILMS SOUAD LAMRIKI
BÉNÉDICTE BELLOCQ
COPRODUCTEUR ASSOCIÉ LA CHAUVE-SOURIS ÉRIC NÉVÉ
IMAGE PIERRIC GANTELMI D’ILLE
DÉCORS BENOÎT BAROUH
MONTAGE JENNIFER AUGÉ
MUSIQUE ROB
Laurent garnier
SON ALEXIS PLACE
CÉDRIC DELOCHE
MARC DOISNE
1ER ASSISTANT RÉALISATEUR ALI CHERKAOUI (A.F.A.R)
SCRIPTE CLÉMENTINE SCHAEFFER
CASTING CONSTANCE DEMONTOY
RAKEL TAXI
COSTUMES AYDA DIOURI
MAQUILLAGE GHIZLAINE NEJJAR
COIFFURE KHADIJA NAJAHI
DIRECTEUR DE PRODUCTION ALBERT BLASIUS
RÉGIE DRISS LARAKI
RABII EL BAKKI
GILLES BENCHETRIT