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affiche Respire

Respire

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Un film de Mélanie Laurent,
Avec Joséphine Japy, Lou de Laâge, Isabelle Carré,

Genre : Drame psychologique
Durée : 1h32
France

En Bref

Charlie est une adolescente de 17 ans. L’âge des potes, des émois, des convictions, des passions. Sarah, c’est la nouvelle. Belle, culottée, un parcours, un tempérament. La star immédiate, en somme. Sarah choisit Charlie.

Deuxième long métrage (après Les Adoptés en 2011) et deuxième tour de force pour Mélanie Laurent. Celle qui, il y a 8 ans déjà, faisait une entrée discrète mais remarquée au cinéma avec Je vais bien, ne t’en fais pas, peut inscrire aujourd’hui un bon paquet de collaborations à son actif et peut compter sur l’appui d’un grand du cinéma : Quentin Tarantino. Sorti tout droit du souvenir de ce roman qu’elle avait lu dans son adolescence, Respire d’Anne-Sophie Brasme (2001), son nouveau film s’inscrit tout naturellement dans la filmographie de la réalisatrice, sensible, subtile et en même temps très choc. Acclamé à la semaine de la critique à Cannes, Respire allie tension et passion dans une mise en scène vertigineuse. Une réussite en somme.


La relation toxique et la sujétion, deux thèmes rabattus au cinéma depuis la nuit des temps. Mais l’année 2014 aura vu apparaître bon nombre de films centrés sur le mal de l’époque réduit dans une pathologie « à la mode » : la perversion narcissique. Party Girl, Gone Girl, Captives, le cinéma d’aujourd’hui se plait à creuser les pourquoi et comment de cet amour vache étouffant, insidieux, ennivrant… Respire va à son tour porter un regard analytique sur ce comportement en s’intéressant moins à la prédatrice qu’à sa victime afin d’installer une atmosphère sadique qui va dépasser au combien la notion de maitre/esclave, proche de Harry, un ami qui vous veut du bien.

Derrière ces intentions louables, le script fait son boulot. Les personnages sont limpides et détaillés, leur caractère est fouillé, les failles mises à nu et leurs agissements contrôlés. Les dialogues sont façonnés, les actrices cadrées, rendant au spectacle toute sa superbe et sa crédibilité. Appliquée et minutieuse, Mélanie Laurent évite les clichés adolescents et préfère présenter deux caractères, deux comportements, facilitant ainsi la projection du spectateur. En plus de son duo de tête, la cinéaste se penche sur cette mère vulnérable, elle aussi victime sans le savoir d’un pervers narcissique, qui trouve en la nouvelle amie de sa fille une confidente et un nouveau souffle. D’ailleurs, on peut regretter le raccourci que prend M. Laurent quand elle cherche à justifier ses propos à grand renfort de clichés psychologiques. La cause selon elle réside dans la généalogie. Tandis que Charlie, jeune fille sérieuse, bonne élève et appliquée, se retrouve flanquée d’une mère dépressive et malheureuse et d’un père fuyant, Sarah justifie son comportement par une mère perdue dans l’alcool. Tout ce petit monde se manipule sans trop s’en rendre compte, à la recherche de repères affectifs.

Cabossés par les épreuves de la vie, les figures d’autorité n’ont donc aucun poids sur ce qui est en train de se jouer insidieusement entre les deux jeunes filles. Même la tante (Claire Keim), qui voit d’un mauvais œil la présence de cette Sarah, n’arrive pas à stopper la spirale infernale. Une spirale qui s’installe l’air de rien dans une deuxième partie éreintante qui marque une descente aux enfers digne des meilleurs Hitchcock. Dans un cadre apparemment rassurant et ordinaire, Mélanie Laurent excelle à faire monter la tension progressivement jusqu’à faire glisser son récit vers la noirceur d’un polar. Elle souffle le chaud et le froid, feint d’apporter des solutions et bascule irrémédiablement du solaire à l’ombre.

Pertinent et révélateur sur la perversion narcissique, Respire dévoile aussi tout le talent de direction d’acteur de Mélanie Laurent. Dirigées d’une main de maitre, les actrices savent exactement où elles vont et ont en même temps tout le champ nécessaire pour laisser échapper tout leur talent. Formidables aussi bien l’une que l’autre, Joséphine Japy et Lou de Laâge transcendent leur rôle respectif pour n’offrir que le nécessaire aux côtés de seconds rôles inspirés, Isabelle Carré enfin femme, Claire Keim en tante attentionnée et Carole Franck en alcoolique pitoyable. On sent que la réalisatrice sait où elle va tant la matière à l’écran ne manque pas, à tel point qu’on se demande si il ne s’agit pas là de vécu…

Enfin, la mise en images fait elle aussi figure de pilier dans Respire tant le montage et le découpage impressionnent et la mise en scène est inspirée. Non dénuée de quelques tics esthétiques, Mélanie Laurent tente des cadres surprenants pour inviter le spectateur à ressentir le vide et la solitude de son héroïne et ose même parfois, notamment dans un travelling latéral du plus bel effet que l’on pourrait trouver gonflé mais qui fonctionne à merveille.

Bref, avec Respire, Mélanie Laurent nous raconte une histoire pas anodine mais terriblement sincère en traitant la sujétion sous un angle nouveau. Le rythme, le scénario, les personnages, la photo, la mise en scène, tout se conjugue et s'accorde pour nous emporter vers un dénouement fracassant, troublant, dévorant, qui va en laisser plus d’un accroché à son siège aux premières notes du générique de fin. Attentive à la forme comme au fond, Mélanie Laurent réussit ici un tour de force, nous laissant dans une expectative approbatrice pour sa prochaine réalisation, l’adaptation du roman Plonger de Christophe Ono-dit-Biot.

Eve Brousse

Note du support :
4
Support vidéo : Format 16/9 compatible 4/3, Format cinéma respecté 2.35, Format DVD-9
Langues Audio : Audiodescription (pour malvoyants) Français, Dolby Digital 2.0, 5.1
Sous-titres : aucun
Edition : Gaumont

Bonus:

Commentaire audio de Mélanie Laurent
Interview de Mélanie Laurent, Joséphine Japy et Lou de Laâge
Bande-annonce

Ciné Région : Pourquoi avez-vous réalisé Respire ? Pensez-vous que ce film peut changer la vie peut-être d’un ou plusieurs lycéens ?

Mélanie Laurent : Evidemment qu’on fait du cinéma pour se faire plaisir, pour essayer de donner du plaisir, mais j’aime aborder un sujet important qui m’a touché personnellement puisque moi j’ai fait partie de ces faibles à un moment donné, ceux qui se faisaient emmerder sans arrêt… Quand on a tourné cette dernière scène avec Joséphine, j’ai mis un point de fin à plein d’années, pas d’une telle souffrance comme on peut voir dans le film, mais de questionnement : pourquoi se sentir dans cet espèce d’endroit clôturé dans lequel on est obligé de passer 90% de son temps alors qu’on pourrait juste apprendre à s’aimer, à se connaître, apprendre la solidarité ? Les gens se font humilier pour tellement peu de choses et j’aimerais comprendre réellement comment on peut accepter certaines insultes, de s’en prendre plein la gueule sur Facebook, qu’est-ce qui fait qu’on reste sous cette emprise et qu’on ne dise pas stop… Je me pose encore énormément de questions.

C.R : Comment on dirige une actrice pour un rôle tel que celui de Sarah ?

M.L : Bizarrement on s’est bien marrées à faire ce film. On a fait plusieurs étapes de travail. La première était de partir à la campagne toutes les trois, manger des glaces, regarder des films, je voulais qu’elles vivent leur vie, qu’elles apprennent à s’aimer. J’étais persuadée qu’il fallait qu’elles s’aiment pour qu’elles arrivent à se détester ensuite sur le plateau. Après, avec Lou, on a travaillé un truc presque physique, sur la sensualité, sur la dangerosité… Elle m’a tué Lou parce que, peut-être quatre mois avant qu’on tourne je lui dis : « Tu sais je crois que Sarah ne s’excuse jamais, elle ne dit jamais pardon ». Et une fois en salle de montage, je me suis rendue compte qu’elle le faisait tout le temps ; c’est-à-dire qu’à chaque fois qu’elle devait dire merci, elle trouvait un truc pour ne pas le dire. Quand elle a tourné la scène de la serviette qui tombe, l’histoire de l’herbe et tout, toute cette scène est de l’impro totale, c’est Lou qui a commencé la folie à ce moment là. Du coup j’ai du réécrire d’autres scènes puisqu’elle était allée tellement loin dans la folie et dans l’agressivité qu’il a fallu rééquilibrer. On a beaucoup parlé en amont.

Lou de Lâage : Mélanie m’a donné énormément d’indications et a nourri énormément mon personnage. A partir de là je n’avais plus qu’à me laisser aller à mon personnage. Ce qui est très agréable aussi, c’est qu’elle fait confiance à ses acteurs et elle nous permettait de lui faire des propositions sur la direction de personnage. On a vraiment avancé à deux pour travailler ce rôle.

Titre : Respire

Réalisation : Mélanie Laurent

Scénario : Julien Lambroschini et Mélanie Laurent, d'après le roman Respire d'Anne-Sophie Brasme

Photographie : Arnaud Potier

Montage : Guerric Catala

Musique : Marc Chouarain

Société de production : Gaumont

Pays d'origine : France

Format : Couleurs - 1,85:1

Genre : drame

Durée : 91 minutes

Date de sortie : France : 17 mai 2014 (Festival de Cannes) ; 12 novembre 2014 (sortie nationale)

Distribution

Lou de Laâge : Sarah

Joséphine Japy : Charlie

Isabelle Carré : mère de Charlie

Claire Keim : tante de Charlie

Roxane Duran : Victoire

Fanny Sidney

Marie Denarnaud

Thomas Solivéres

Carole Franck : mère de Sarah

Louise Grinberg