Réalité, cinquième long métrage de Quentin Dupieux aka Mr.Oizo est somme toute assez difficile à résumer. Pas étonnant lorsque l'on se souvient du titre de son premier court métrage : Nonfilm qui porte la marque de sa vision du cinéma.
Conclusion esthétique de ses précedentes oeuvres, Réalité marque sans doute l'apogée de la recherche de non-sens du réalisateur qui semble faire avant tout confiance à son inscoscient.
Porté par Alain Chabat, héros d'enfance de Q.D ce puzzle narratif sans issue certaine fait s'entrechoquer la vie de cinq protagonistes dans la ville rêvée de Los Angeles. Nous suivons donc l'itinéraire cauchemardesque de Jason Tantra, un cadreur d'émissions télévisées (Alain Chabat) qui tente de concrétiser son rêve de tourner un film d'horreur. Pour cela, il doit convaincre un producteur délirant, Bob Marshall, (Jonathan Lambert) de son génie et parvenir à faire le cri le plus effrayant de l'histoire du cinéma, rien que ça.
De l'autre côté, une fillette prénommée Reality trouve une étrange cassette bleue dans les entrailles du sanglier chassé par son père. Cette VHS l'obsède et elle n'a plus qu'une idée en tête...la visionner. La croisée des destins ne s'arrête pas là, nous découvrons également un directeur d'école primaire qui se plaît à se travestir en femme et à rouler en jeep en secret pendant qu'un présentateur d'une émission culinaire, étrangement déguisé en rat, est persuadé d'être pris de violentes crises d'eczéma.
Vous suivez ? Non ? C'est pareil pour tout le monde mais tout l'intérêt de Réalité réside dans cette recherche d'absurde et d'expérimentation scénaristique.
Réalité est fou. C'est un cinéma ahuri qui ne cherche pas à se faire comprendre. Je doute d'ailleurs que Quentin Dupieux souhaite que l'on décortique son œuvre pour en ressortir des analyses sur-analysées...
L'intérêt est de se laisser porter, de tenter de comprendre les différents niveaux de réalité, les liens entre les personnages pendant une bonne moitié de film puis, de lâcher l'affaire et d'attendre de se faire réveiller par les lumières de la salle de cinéma.
Si le voyage pourrait s'avérer angoissant, voire lourd à certains moment. Alain Chabat, génie comique, permet de douces respirations au film et sert de parfaite transition entre le cinéma mental et onirique de Q.D et la bonne comédie française auquel il nous a habitué en tant qu'acteur.
Les boucles qu'opèrent les personnages sans jamais parvenir à trouver leurs destinées permettent au réalisateur de brasser nombre de genres cinématographiques et de les réinventer.
Réalité peut donc rappeler les films d'auteurs de Godard et Truffaut qui aiment à mettre en abyme le cinéma ; l'absurdité angoissante de certaines scènes nous évoque les œuvres tortueuses d'un certain David Lynch...
Une fois que l'on a dit ça, on a finalement peu expliqué cette histoire inexprimable : qu'on aime ou qu'on déteste le geste cinématographique de Quentin Dupieux, on ne peut que saluer son courage. Ce courage de s'infiltrer dans le spectre plat et sans saveur du cinéma français afin de proposer à des acteurs d'interpréter des rôles, loin de leurs cases habituelles (quelle surprise de voir Virginie Ledoyen...) et d'inviter les spectateurs à un autre type de voyage.
Léger bémol sur les partis pris de mise en scène de Q.D : Le trajet des personnages est long... un peu trop peut-être pour nous transporter complètement dans ce rêve californien. Les boucles scénaristiques nombreuses et sans réelles surprises pourront alors laisser des spectateurs sur le carreau. Quant à la photographie, elle est assez terne et participe aussi à ce léger ennui qui survient au fur et à mesure du film remplaçant le lyrisme des premières séquences. S’il est la quintessence du cinéma de Dupieux, le film marque aussi peut-être la fin de ce cycle et le besoin du cinéaste de trouver autre chose pour éviter l'ennui et la redite.
Réalité parle d'un cauchemar sans fin, d'une angoissante recherche qui ne trouve pas de solution...
Il joue avec nos illusions et met à mal notre volonté de toujours vouloir comprendre mais le rêve n'a pas toujours de sens et curieusement, même si c'est agaçant on reste bel et bien collé à notre siège devant ce nouvel ovni cinématographique.
Pour regarder le film dans de bonnes conditions, peut-être vaut-il mieux abandonner nos cerveaux d'adultes et, comme Reality, se laisser bercer par de doux rêves, transportés par l'absurde de la vie.
Sarah Lehu
Certains passages du film sont en anglais sous-titrés en français
Entretien avec Jonathan Lambert et Élodie Bouchez (12')
Bande-annonce du film
Bandes-annonces Diaphana
Titre : Réalité
Réalisation : Quentin Dupieux
Scénario, musique, photographie, montage : Quentin Dupieux
Producteur : Diane Jassem, Kevos Van Der Meiren et Josef Lieck
Producteur délégué : Grégory Bernard
Producteur exécutif : Sindo, Georges Goldman et Jab
Producteur associé : Christine Ponelle, Filippe Vieira et Pierre Weisbein
Production : Realitism Films et Group/Boîte Noire
Distribution : Diaphana Distribution
Pays d’origine : France et Belgique
Genre : Comédie dramatique
Durée : 87 minutes
Distribution :
Alain Chabat : Jason Tantra
Jonathan Lambert : Bob Marshall
Élodie Bouchez : Alice
Kyla Kenedy : Reality
John Glover : Zog
Eric Wareheim : Henri
Erik Passoja : Billie
Matt Battaglia : Mike
Susan Diol : Gaby
Patrick Bristow : Dr Klaus
Brad Greenquist : Jacques
Jon Heder : Dennis
Roxane Mesquida : la présentatrice des Oscars
Bambadjan Bamba : Tony
Sandra Nelson : Isabella
Carol Locatell : Lucienne
Serge Hazanavicius : le remettant de la récompense