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affiche Profession du père

Profession du père

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Un film de Jean-Pierre Améris,
Avec Benoît Poelvoorde, Audrey Dana, Jules Lefebvre,

Genre : Drame psychologique
Durée : 1h45
France

En Bref

Émile vit dans l’image glorifiée de son père, André Choulans. Il lui raconte ses faits de bravoure et son travail de l’ombre dans les pas du général de Gaulle. Il en a connu des aventures avec son vieux pote manchot, Ted, de la CIA ! La mère, aide-comptable, s’occupe de nourrir la famille et des tâches quotidiennes. Elle est peu aidée par son mari au chômage et semble ne rien voir. Personne ne s’interroge sur la véracité des élucubrations du paternel mythomane, ses exagérations, sa folie. Émile, lui, est de plus en plus sous l’emprise de cet homme, de profession héros pour le gamin. André, obnubilé par son délire, décide d’entrainer le gamin dans des missions sans conséquence pour débuter. C’est donc tout naturellement qu’il franchit le pas en devenant à son tour un « espion au service de la France ». Tout se complique quand il décide de tuer de Gaulle, traitre à la cause algérienne. Il n’est plus question d’écrire OAS sur les murs mais d’abattre le chef de l’Etat. On se demande bien comment tout cela va finir, d’autant qu’Émile entraine un de ses copains pied-noir exilé dans la mission.


La famille n’est jamais bien loin dans l’œuvre de Jean-Pierre Améris. Depuis quelque temps, l’image du père revient comme une question récurrente. Il adapte le roman Profession du père de Sorj Chalandon (chez Grasset). Après Une famille à louer, c’est le tour de la figure du père autoritaire dans Profession du père. C’est son acteur fétiche Benoît Poelvoorde dans un rôle de composition remarquable qui s’y colle. Il campe un homme autoritaire, marqué par un passé que nous ne connaitrons pas, avec en toile de fond la guerre d’indépendance de l’Algérie. C’est l’occasion pour le réalisateur d’explorer une autre facette de sa question récurrente. Ce n’est plus l’homme en quête de famille, celui qui recueille un enfant perdu, L’homme qui rit. C’est celui que mai soixante-huit mettra à bas, le big boss de la famille. Comme toujours dans cette tempête, cette dernière n’explose pas. Elle compose avec la folie d’un homme. Cette folie qui mine de l’intérieur et finit par vous détacher de la réalité. Dans un premier temps, le spectateur s’interroge. Joue-t-il une drôle de guerre, qu’il sait imaginaire ? Il entraine son fils dans ses délires complotistes. Le jeune Émile, subjugué par ce père extraordinaire, espion, héros, ne peut que rentrer dans son jeu.

Il y a le désir du fils de plaire et de réussir, du haut de ses onze ans, une mission d’adulte. Peu à peu, nous sommes emportés dans ce maelström, cette famille en déséquilibre et qui l’ignore. Nous sommes loin de la comédie, même si certains passages prêtent à sourire. C’est à hauteur d’enfant, en contre-plongée, que Jean-Pierre Améris raconte les ravages de l’autorité paternelle. Il choisit une mise en scène minimaliste, prenant le temps de suivre la montée en puissance jusqu’au drame final. La mère semble aveugle, comme souvent, à ce qui se passe dans l’ombre, derrière son dos, dans les alcôves secrètes. Elle n’en perçoit que des bribes, des morceaux de la toile finale, des violences anonymes. À la fin, nous aurons la réponse terrible avec cette métaphore d’une carpe dans un bassin que l’on voit, ou pas. Le cinéma de Jean-Pierre Améris se situe toujours à hauteur d’humanité, masquant souvent derrière le rire un problème plus grave, une difficulté à vivre. Avec Profession du père, le rire s’efface pour un ton plus sombre.

Ce n’est sans doute pas de façon innocente qu’il transforme l’écrivain du roman en dessinateur. En seconde lecture, nous pouvons déceler le rapport à l’image, ce que l’on filme, dessine, la vérité, la réalité, le mensonge, la trahison, la folie avec l’œuvre finale. La direction d’acteurs et le jeu de ces derniers sont une part importante de l’édifice. Le jeune Jules Lefebvre, dans le rôle d’Émile, est excellent. La surprise vient d’Audrey Dana, exceptionnelle dans la peau de cette mère qui voit tout mais ne dit rien. La thématique de la folie de l’adulte face à l’enfance était déjà évoquée dans Je m’appelle Elisabeth, un de ses premiers films. Une fois de plus, c’est une nouvelle pierre réussie à l’exploration d’un jardin qui, des Emotifs anonymes à Profession du père sans oublier ses premier pas, Poids léger et les autres, décortique la famille.

  Patrick Van Langhenhoven

Note du support : n/a
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  Titre : Profession du père

    Réalisation : Jean-Pierre Améris

    Scénario : Jean-Pierre Améris et Murielle Magellan, d'après le roman homonyme de Sorj Chalandon (2015)

    Photographie : Pierre Milon

    Costumes : Emmanuelle Youchnovski

    Montage : Anne Souriau

    Société de production : Curiosa Films

    Société de distribution : Ad Vitam

    Pays d'origine : France

    Langue originale : français

    Genre : comédie dramatique

    Durée : 105 minutes

    Dates de sortie : 1er septembre 2020 (Festival du film francophone d'Angoulême), 28 juillet 2021

Distribution

    Benoît Poelvoorde : André Choulans

    Audrey Dana : Denise Choulans

    Jules Lefebvre : Émile Choulans