C’est l’histoire d’une pendaison de crémaillère finissant par déborder de la marge. Léa, productrice télé, invite ses amis à découvrir la petite maison de rêve perdue dans la campagne. Elle doit annoncer une triste nouvelle à son animateur fétiche en perte de vitesse, Castro. Ce dernier est obsédé par son physique et porte un regard cynique sur le monde qui l’entoure. Il sème ses petites vacheries au vent sans attendre la récolte. C’est l’occasion pour retrouver son ex, Hélène, femme engagée et soucieuse de son environnement social et naturel. Il croisera peut-être sa fille qui l’agace avec son dernier roman dans lequel il n’a pas le beau rôle. Elle balance une partie de leur vie et de leurs petits travers, ce qui n’est pas de son goût. Retour de jeunesse, amour déçu en partance pour d’autres rives, chacun se confronte au temps qui passe comme la célébrité et les falbalas. On s’amuse, on s’aime, on se déchire, comme dans les pièces de Molière, Corneille, Racine, comme dans le cinéma de Resnais et Sautet. C’est le petit théâtre de l’existence qui n’épargne personne, jeune ou vieux. Un paysan furieux, dérangé par le bruit, vient mettre un point final à tout ce parisianisme qui s’éclate. Entre un groupe de musique inspiré, une serveuse légèrement loufoque, les déceptions, petits bonheurs, et toutes les surprises de cette journée, les événements changeront forcément le voyage de retour.
C’est avec joie que nous retrouvons la verve intarissable de nos deux compères avec un scénario à quatre mains et une mise en scène d’Agnès Jaoui. Ils croquent avec justesse les travers d’une société parisienne plongée en pleine fête à la campagne. Loin du retour à la nature, c’est pour chacun le retour sur son existence quand l’âge pointe son nez. Chaque figure joue le temps qui passe et la vie qui érode les convictions profondes. Ces marionnettes tirées par nos deux compères s’agitent sur la scène dans un tourbillon de rire et d’ironie. Les mots fusent et touchent juste pour nous rappeler combien l’existence et nos rêves nous jouent des tours. Castro est obsédé par son apparence. Centré sur lui-même, il refuse que le temps apporte ses rides et efface le talent. Léa est scotchée à son téléphone comme un coquillage à son rocher, jouant avec la carrière du bellâtre qui n’est plus de mise.
Dans ce jeu de chaises tournantes, elle n’a aucun scrupule à se séparer de ce poids lourd vieillissant. C’est la carrière avant tout et le reste après moi. Hélène est bien la seule qui reste fidèle aux engagements de ses jeunes années, ne laissant rien passer. Autour de ce trio central gravitent d’autres figures emportées par la vie avec leurs petites misères, les joies et peines du moment. Un groupe de musique accompagne ce conte des temps modernes avec sa belle partition, légère et décalée. Elle reprend le ton des chansons d’Agnès Jaoui. Une belle interprétation de Jean-Pierre Bacri imitant Yves Montand à sa façon vous enchantera. On est obséquieux, odieux, amoureux, mon Dieu, la vie ne nous épargne pas. De la vacuité de la célébrité aux incontournables réseaux sociaux, ils s’amusent de cette société où l’apparence est la reine de la danse.
Ils ne laissent rien au hasard de ce vieil ami amoureux d’une jeunette, sans doute frappé par le temps qui passe. L’humour est toujours présent derrière la petite phrase vacharde qui fait mouche. Nous découvrons un paysan en colère, agacé par tout ce bruit et ces Parisiens qui se croient tout permis. C’est un moyen de parler de cette campagne que l’on caricature et qu’on oublie trop souvent. Une serveuse un rien décalée, belle surprise de Sarah Suco marque le tempo avec des interventions que je vous laisse savourer. La mise en scène s’envole, danse une farandole de mots, elle touche juste dans un ballet semblable à la vie. C’est un plaisir de retrouver l’ambiance et le rythme de ces deux complices dans un conte choral de la folie ordinaire.
Patrick Van Langhenhoven
• Titre : Place publique
• Réalisation : Agnès Jaoui
• Scénario : Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri
• Production : Saïd Ben Saïd, Michel Merkt, Kevin Chneiweiss
• Sociétés de production : SBS films, Altice Studio, France 2 Cinéma
• Pays d'origine : France
• Langue originale : français
• Format : Couleurs - 1,85:1 - Dolby Digital
• Genre : Comédie dramatique
• Dates de sortie : 18 avril 2018
Distribution
• Agnès Jaoui : Hélène
• Jean-Pierre Bacri : Castro
• Léa Drucker : Nathalie
• Kévin Azaïs : Manu
• Nina Meurisse : Nina
• Sarah Suco : Samantha
• Héléna Noguerra : Vanessa
• Miglen Mirtchev : Pavel
• Frédéric Pierrot : Jean-Paul
• Olivier Broche : Titi
• Éric Viellard : Vincent
• Yvick Letexier : Biggistar
• Grégoire Oestermann : Guy
• Sam Karmann : Mickey
• Olivier Doran : l'acteur
• Evelyne Buyle : la Maire de Saturnin