La forêt profonde, loin du bruit des hommes. Juste le murmure des grands arbres. C’est ici, éloigné de l’humanité, que vit Rob. De temps en temps, Amir passe récupérer la récolte de truffes. Rob sillonne la forêt en compagnie de sa truie truffière, entre deux préparations culinaires. Il se contente du vent et de la pluie, de quelques champignons et autres produits de la nature cuisinés avec amour. Rob cache une blessure, un lourd secret pour fuir le monde des vivants. Le vol de sa truie truffière, comme celle d’un chien ailleurs, soulève sa colère comme une tempête. Tel Zarathoustra, il descend de la montagne pour retrouver son compagnon de solitude. Sa route est un long chemin d’expiation et de rédemption. C’est celle d’un homme affrontant enfin au grand jour ses démons anciens. Plus il avance dans la ville, des Fight Clubs clandestins aux beaux quartiers, plus la vraie personnalité de Rob, silencieux, se dévoile. Elle prend les couleurs de la vengeance, mais le combat ne sera pas celui que vous imaginez.
Nicolas Cage est une institution à lui seul. Son nom évoque un genre en soi. Sa filmographie accumule des films en tous genres, des blockbusters aux plus intimistes du cinéma d’auteurs indépendants. Il n’hésite pas à prendre des risques, se lancer sur des premiers films comme Pig ou Joe. C’est un Nicolas Cage inconnu que nous offre Pig, une prestation sur un homme qui ne dit mot. Une belle performance d’acteur, loin du baroudeur cogneur, une de ses marques de fabrique. Pig remonte le fleuve à contre-courant, jouant avec le genre vengeance pour mieux le déstructurer. On commence dans un récit à la Thoreau, à la mode ces derniers temps. La caméra saisit l’extrême solitude d’un retour à la nature d’un individu ignorant la vaste arrogance du monde. La cuisine semble un aspect particulier. Le retour en ville est aussi un voyage à travers l’art culinaire et le bien-manger. C’est une dénonciation d’un système souvent proche d’un champ de bataille. On parle de batteries, de brigades livrant une guerre pour le bon goût.
Rob fuit cette folle obsession et un souvenir tenace du dernier repas du condamné à mort, inoubliable. Il choisit le retour à l’essentiel, la pureté des ingrédients dans une cuisine épurée. L’homme, l’animal, la truie truffière, ne font plus qu’un avec la nature, comme le préconise Thoreau. Tel Zarathoustra, il lui faudra bien descendre de la montagne pour rappeler la bonne parole oubliée. Le film remonte la route à l’envers, du Fight club avant la fuite au dernier repas servi pour cause de son départ. Elle se fait en profondeur, chemine sur ce qu’est l’essentiel dans la vie. Elle marque le retour aux valeurs originelles. Nous sommes loin de la folle cavale dans le bruit des cités. C’est cette course folle aux apparences, cette conquête de l’inutile pour briller sous les feux de la rampe qu’il s’agit de quitter. Peu à peu, ce silence prend la parole et s’étoffe pour nous dévoiler un homme différent, apaisé.
Avec ce chemin, en quête d’une truie, il trouvera beaucoup plus au bout de la route. Il pourra peut-être savourer de nouveau une deuxième naissance, sous le feuillage des grands arbres centenaires. Il n’est plus question de se noyer dans le chant tonitruant de la foule, capable du jour au lendemain de brûler ce qu’elle a adoré. Michael Sarnoski nous rappelle le gout de l’authentique. Il privilégie les plans séquences renforçant la longue route vers l’éveil de Rob. Pig est un premier film qui se déguste aussi bien avec les yeux qu’avec son cœur. Il annonce un jeune réalisateur à suivre qui risque de continuer à nous surprendre. Il aurait largement mérité un prix au dernier festival du cinéma américain de Deauville.
Patrick Van Langhenhoven
Titre original et français : Pig
Titre québécois : Cochon
Réalisation et scénario : Michael Sarnoski
Musique : Alexis Grapsas et Philip Klein
Décors : Tyler B. Robinson
Costumes : Jayme Hansen
Photographie : Patrick Scola
Montage : Brett W. Bachman
Production : Thomas Benski, Vanessa Block, Nicolas Cage, David Carrico, Kyle Eaton, Ben Giladi, Adam Paulsen, Dori A. Rath, Joseph Restaino, Steve Tisch et Dimitra Tsingou
Production déléguée : Bobby Hoppey
Sociétés de production : AI-Film, Endeavor Content, Pulse Films, BlockBox Entertainment, Valparaiso Pictures et Saturn Films
Sociétés de distribution : Neon (États-Unis), Elevation Pictures (Canada), Metropolitan FilmExport (France)
Pays de production : États-Unis
Langue originale : anglais
Format : couleur — 2,35
Genre : drame
Durée : 92 minutes
Dates de sortie : 5 septembre 2021 (festival du cinéma américain de Deauville) 27 octobre 2021 (sortie nationale)
Distribution
Nicolas Cage : Robin « Rob » Feld
Alex Wolff (VF : Martin Faliu) : Amir
Adam Arkin : Darius
October Moore : Helen
Dalene Young : Jezebel
Gretchen Corbett : Mac
Darius Pierce : Edgar
David Knell : Finway
Davis King : Knell
Kevin Michael Moore : Dennis