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affiche Party Girl

Party Girl

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Un film de Marie Amachoukeli, Claire Burger, Samuel Theis ,
Avec Angélique Litzenburger, Joseph Bour, Mario Theis,

Genre : Drame psychologique
Durée : 1h35
France

En Bref

Angélique, hôtesse dans un cabaret, ne séduit plus autant qu’autrefois. A soixante ans, le visage buriné par le métier, comment continuer ? Elle n’a jamais rien fait d’autre. Femme libre sans attache, elle sent le poids des ans, du temps et de la vie qui creuse le dernier sillon. À la frontière de l’est dans ce pays où les mineurs disparaissent dans les brumes irréelles, quand l’argent coulait à flot et que l’alcool faisait chaud. No man’s land perdu, les clients semblent oublier le chemin vers ce clandé perdu où les petites jeunes jouent de leur grâce pour attirer les derniers chalands.

Malgré le charme des années, l’occasion se fait rare pour pousser le quidam à la consommation. L’oiseau volage de nuit, tant chanté par les poètes, choisit la dernière porte de sortie la proposition d’un de ses clients amoureux, Michel. Comme la fille de la rue, c’est la seule voie pour sortir de l’impasse. Il faut annoncer la bonne nouvelle à ses trois enfants, Mario le secret, Séverine mère de famille, et Samuel parti à Paris pour ses études. 

C’est l’occasion pour elle de guérir une vieille blessure : retrouver Cynthia, le dernier de ses petits. C’est l’enfant du murmure, toujours gravé dans son cœur, placé dans une famille d’accueil. Elle ne l’a jamais revu. Il demeure une question primordiale. L’oiseau sauvage et libre n’est peut-être pas prêt pour la cage du mariage ?


Reprenons, la forme caméra, le plus souvent à l’épaule, saisit les interprètes au plus proche parfois dans leur intimité. Brut dans sa construction et son discours, le film donne pourtant à cette frontière avec l’Allemagne des couleurs plus pop que grises les réalisateurs saisissent les espaces où se déroulent l’histoire, la nuit et ses rues éclairées par les réverbères de la désolation. Le cabaret, lieu perdu mythique où autrefois le mineur trouvait un havre de paix, un halo de bonheur factice dans un monde de douleur. Aujourd’hui quelques clients et quelques hôtesses jouent le dernier acte d’un paradis perdu. C’est le monde de la nuit, des paillettes, de l’alcool et de la vie libre, facile, aimer sans barrière ni contrainte. 


Deuxième espace plus confiné, plus neutre, celui de l’appartement de Michel où Angélique se retrouve propulsée. Le sexe prend aussi une autre signification et devient un nouvel apprentissage. Cette femme qui couchait pour un rien, par envie, par le poids de l’ambiance se retrouve coincée, bloquée. Elle semble peut-être perdue dans cette vie de famille qui s’ébauche, ce retour au quotidien banal des gens simples, nous. C’est comme si dans sa course folle au plaisir, au désir, elle prenait conscience, en se posant, des réalités de la vie. C’est le chant agaçant du quotidien toujours le même, comme le tic tac de l’horloge, c’est sa fille abandonnée, Cynthia : renouer les liens, en tisser de nouveau avec le poids, le regard de la faute. Le temps ne pardonne pas, il se joue de nos folies, de nos envies, nous ride de son rire moqueur. Angélique est un rêve d’actrice vieillissante un rôle saoulé par sa liberté, affranchi des conventions, des permissions. Femme fantasque, secrète, généreuse et égoïste, drôle, blessante, brute, elle devient profondément tragique. Angélique Litzenburger, le vrai personnage dans la vie, reste magnifique à la fois sur la corde du violon de la comédienne et dans la liberté de se regarder jouer sa propre vie.

Il en est de même des autres acteurs dans leurs propres rôles, jamais dans le sur-jeu, toujours dans la justesse. Ce choix atteint son paroxysme et toute sa finesse, sa vérité dans une scène de famille où chacun dévoile ses blessures et son observation d’une mère libre. Nous avons l’impression que le poids de la caméra libère la parole retenue. Le regard est donc un autre sujet du film, celui que l’on porte sur l’autre, sur ceux que nous côtoyons chaque jour, sur notre foyer. C’est aussi le regard sur une région loin de l’image d’Épinal que nous pouvons en avoir. Nous sommes clairement dans un cinéma régional qui de plus en plus s’émancipe pour donner la vraie couleur du pays. Nous pensons au cinéma-vérité de Pialat, Cassavetes, ces réalisateurs qui rêvaient de toucher à la vérité du monde. Au cœur d’une histoire simple s’élaborent des questionnements beaucoup plus complexes qui nous ramènent à notre vie. Un mot sur les trois réalisateurs : ils partagent tout de l’écriture au tournage dans un tournage commun où chacun s’exprime et tous trouvent le compromis. Il n’existe pas comme souvent l’un des réalisateurs plus concentré sur la technique et l’autre la direction d’acteurs. Ils arrivent à toucher juste au cœur dans un premier film où les rares défauts sont compensés par un sujet fort. 

Party Girl est un film simple, mais profond et surprenant à plusieurs points de vue, d’abord par la figure qu’il nous propose de découvrir. C’est un beau portrait de femme sans contrainte ni barrière, libre jusqu’au bout des ongles. Malgré l’âge elle reste fidèle à son image. Party Girl raconte une belle histoire de famille, entre pardon et retrouvailles, sans que jamais aucun des membres ne porte de jugement. Enfin la forme, nous sommes dans un cinéma minimaliste, revenu à la mode depuis longtemps. Les trois réalisateurs poussent encore plus loin l’expérience, mélangeant les vrais personnages, comédiens de leur propre rôle dans une fiction écrite au cordeau. Le tout donne Party Girl un film exceptionnel, saisissant un instant de la vie où chacun reconnaîtra une part de cette route qu’il tente de tracer du berceau à la mort. 

Patrick Van Langhenhoven

Note du support : n/a
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Fiche technique

    Titre : Party Girl

    Réalisation : Marie Amachoukeli, Claire Burger et Samuel Theis

    Scénario : Marie Amachoukeli, Claire Burger et Samuel Theis

    Photographie : Julien Poupard

    Production : Denis Carot et Marie Masmonteil

    Sociétés de production : Elzévir Films

    Montage : Frédéric Baillehaiche

    Décors : Nicolas Migot

    Durée : 96 minutes

    Genre : Drame

    Pays d'origine : France

    Langue originale : français

Distribution

    Angélique Litzenburger : Angélique

    Joseph Bour : Michel

    Mario Theis : Mario

    Samuel Theis : Samuel

    Séverine Litzenburger : Séverine

    Cynthia Litzenburger : Cynthia