Suite à un harcèlement, Sawyer quitte la ville pour se refaire une nouvelle existence. Elle avait une petite vie tranquille, un bon boulot avec des promesses de progression. Bien décidée à reprendre celle-ci en main, elle consulte une psy et finit en hôpital psychiatrique. Est-ce que ce type trop entreprenant existe réellement ? Est-ce qu’il ne vit pas dans sa tête ? La folie est peut-être sa nouvelle compagne. Est-elle victime d’une arnaque à l’assurance emprisonnant par un subterfuge des personnes en désarroi contre leur gré ? La voilà prisonnière d’un mauvais génie, comme dans les contes de fées. Impossible de sortir de l’abîme où son esprit s’enfonce et finira peut-être par perdre pied. Des évènements étranges semblent lui donner raison et ce nouvel infirmier n’est peut-être pas si innocent. La parano est une drôle de petite bête qui mène à tout et transforme la réalité en un autre univers. Elle se fait un nouveau copain, un type qui connaît bien le système. Il cache d’autres objectifs et semble la prendre sous son aile. Est-ce un flic, un journaliste menant une enquête, un frappadingue, pas mal de questions sans réponses. En attendant, elle n’est pas près de sortir à l’air libre.
Steven Soderbergh est un réalisateur qui aime l’exercice peu conventionnel et le cinéma expérimental. Après Logan Lucky, une nouvelle variation sur le film de braquage, il se propose de nous entrainer dans les affres de l’esprit dans un sujet tourné à l’iPhone. Après Tangerine, cet objet du quotidien prend un nouvel essor avec tout le savoir-faire de Steven Soderbergh. Claire Foy compose un personnage tout en profondeur, jouant sur les structures de l’âme quand la folie nous guette. Après The Crown, elle confirme son immense talent. La fin rejoint le cinéma de genre dans la grande tradition de l’âge d’or, ramassé sur l’intérieur, celui de l’espace clos de l’asile que l’on quitte peu. En écho nous répond celui de notre esprit que l’on ne quitte jamais. Les deux dérapent et s’accrochent à une réalité qui se construit parfois loin de la vérité.
Nous ne somme pas loin du concept bouddhiste qui dit que l’univers que nous voyons n’est pas réel. Notre perception du monde est faussée par nos désirs et de nombreuses autres considérations. Sawyer, à l’image du jeune novice, se débat autant avec sa vision du monde extérieur que celle de son moi profond. La ligne entre ce que nous percevons et la réalité devient tout à coup très mince. Dans la foulée Soderbergh écharpe le système médical américain conduisant à des combines pas très catholiques. Le simple exercice de style, expérimental, devient un vrai film où le spectateur ordinaire peut se perdre et le cinéphile se laisser manipuler par les images et la réalité qu’il appréhende. Nous sommes loin d’Effets secondaires sur un sujet dans la même veine. Il manque parfois de consistance sans doute à cause de son tournage réduit. Il n’en reste pas moins intéressant par ce qu’il ouvre comme possibilités à venir. Est-ce enfin le retour de Steven Soderbergh au cinéma qu’il voulait quitter ?
Patrick Van Langhenhoven
Titre original : Unsane
Titre français : Paranoïa
Titre québécois : Dérangée
Réalisation, montage et photographie : Steven Soderbergh
Scénario : Jonathan Bernstein et James Greer
Musique : Thomas Newman
Production : Joseph Malloch
Sociétés de production : Fingerprint Releasing, Regency Enterprises et Extension 765
Sociétés de distribution : Bleecker Street (États-Unis), 20th Century Fox (France)
Pays d'origine : États-Unis
Langue originale : anglais
Format : couleur
Genre : thriller, horreur
Durée : 98 minutes
Dates de sortie : 11 juillet 2018 - 12 ans
Distribution
Claire Foy (VF : Adeline Moreau) : Sawyer Valentini
Joshua Leonard : David Strine
Jay Pharoah (VF : Diouc Koma) : Nate Hoffman
Juno Temple : Violet
Aimee Mullins (VF : Laëtitia Lefebvre) : Ashley Brighterhouse
Amy Irving : Angela Valentini
Polly McKie : nurse Boles
Zach Cherry : Denis
Sarah Stiles : Jill
Raúl Castillo : Jacob
Colin Woodell : Mark
Matt Damon (VF : Damien Boisseau) : détective Ferguson (caméo non crédité)