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affiche Paradise Lost

Paradise Lost

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Un film de Andrea Di Stefano ,
Avec Benicio Del Toro, Josh Hutcherson, Claudia Traisac,

Genre : Thriller
Durée : 1H54
États-Unis

En Bref

« Même en Enfer, régner est digne d'ambition ; mieux vaut régner en enfer que de servir au ciel. » De John Milton Le paradis perdu.

 Nick et son frère pensent toucher au paradis perdu en s’installant pour réparer leurs blessures sur cette plage de Colombie. Nick le surfeur se perd dans les yeux de la jolie Maria en lui louant son pick-up pour le prix d’un sourire. C’est vraiment le paradis. L’amour les emporte comme une de ces fleurs sauvages dans la jungle qui éclot de ses mille couleurs. Leurs cœurs battent la chamade, solides comme l’arbre que la tempête ne déracine jamais.

Le jeune homme découvre l’oncle de Maria, un politicien aimé des paysans locaux, ouvrant des dispensaires et distribuant de l’argent comme le Père Noël les cadeaux aux enfants. Il chante pour sa belle une petite cantate d’amour, offre travail au jeune Canadien, le monde est merveilleux et le paradis trouvé. OK il travaille dans la coke et cela n’étonne personne, quoi exactement, c’est plutôt vague. Derrière l’été et l’automne se cache l’hiver et son cortège de morts, le paradis pourrait bien voiler l’enfer. Nick voit ce qu’il ne faut pas et se retrouve peu à peu pris au piège des démons qui l’entourent. Les deux amoureux échapperont-ils aux mains du diable, rien n’est moins sûr ! Il en rit encore…


Pour son premier film, l’acteur italien Andrea Di Stefano compose un conte entre une mise en scène intimiste et une fin plus proche du cinéma d’action. Il raconte comment un jeune garçon pense trouver le paradis et s’égare en enfer. La première partie s’attache à Nick et sa rencontre avec Maria et la découverte d’une famille aimante, d’un politicien soucieux de son peuple. Nous songeons au Parrain de Coppola où le jeu des apparences troublait la petite amie du fils de Don Corleone.

En choisissant  cet angle sur la vie de Pablo Escobar, le réalisateur montre un homme aimant qui bascule dans le second volet, découvrant son vrai visage. Le spectateur se prend au piège et doute du diable jusqu’au final où la vérité rétablie, il comprend qu’il a été abusé. La réalisation s’appuie sur le soleil et la douceur de vivre dans un  premier temps, pour se teinter de nuit et de sang dans son final. C’est une belle réussite où sans cesse se joue le combat subtil du bien et du mal, loin du noir et blanc manichéen. Un premier film réussi malgré sa toute fin en forme de parabole.

La vie de Pablo Escobar tentait déjà d’autres réalisateurs comme Oliver Stone Escobar, Killing Pablo de Joe Carnahan et un autre projet de Brad Furnam, La défense Lincoln, pour l’instant tous en attente. La télévision, depuis longtemps, s’intéresse au personnage, la série télé Pablo Escobar : le patron du mal, de nombreux documentaires, sans parler du film de fiction d’HBO Entourage. Le réalisateur choisit une période bien particulière, quelques années avant sa décision de se rendre le 19 juin 1991. Cela lui permet de jouer sur les thématiques qu’il souhaitait, celles du bien et du mal. C’est bien toute la nuance d’un personnage qui apparaît comme un bon père de famille, un être aimant, un homme se souciant du bien de son peuple, loin du tortionnaire et tueur sanguinaire, maître du Cartel de Medellin. Toute la première partie s’attache à peaufiner le portrait de celui-ci, poussant la chansonnette pour sa belle, jouant avec ses enfants, protecteur avec sa nièce qu’il considère comme sa fille.

C’est une mise en scène lumineuse où l’eau revient souvent, les paysages de Colombie et les villages souriants d’un bonheur de vivre, le paradis. Il marque une fracture avec la séquence des haras, la terre devient rouge, décor de dinosaures géants annonçant le basculement en enfer. Peu à peu, Nick comprend que derrière la façade rutilante, se cache une autre vérité plus sombre. La violence est toujours suggérée, jamais montrée. Le jeu reste malin, rappelant les visages du bien et du mal dans un kaléidoscope tout en finesse. La seconde partie nous ramène au début du film. De nuit, des voitures s’élancent sur la piste pour dissimuler des paquets mystérieux. Elle nous offre une des plus belles scènes, le dialogue avec un jeune paysan de quinze ans, sur les choix de la vie, la quête du paradis.

De la même façon, tous ces personnages semblent quêter un paradis utopique, chacun à leur façon. Pour le jeune paysan, représentant le peuple colombien, c’est la vie de famille et les récoltes abondantes. Un diamant ne lui permet pas de rouler en Jaguar, mais d’acheter des biens pour soulager les tâches quotidiennes de sa famille, habiller ses enfants. Les contrastes entre l’imaginaire d’un bien idéalisé, la réalité et le visage du mal, hantent sans cesse Paradise Lost. Pour Escobar, c’est le pouvoir d’un Dieu grâce à l’argent, son rêve politique et  sa famille. Si on regarde du point de vue de la mythologie précolombienne, nous retrouvons cette notion de dualité comme un élément important. Nous prendrons comme exemple le masque de Tlatilco, trouvé à Veracruz, exprimant la dualité vie et mort. Nous retrouvons aussi les thématiques mafieuses, l’utopie des gangsters patriarches. Pour Nick, c’est l’amour tout simplement qui trouve sa réponse à la fin du film.

Mais chut, je ne peux rien dire. Paradise Lost, à  travers le regard sur Pablo escobar vu par celui de Nick, nous ramène à notre société et son rêve d’humanité, d’humanisme, du Christ et de Satan, l’Ange déchu, s’affrontant pour gagner le cœur des hommes. Benicio Del Toro compose un personnage jouant sur le regard. Le spectateur anticipe le démon se dissimulant derrière la façade de l’ange, rien que dans le jeu subtil du comédien. Il donne toute sa colonne vertébrale au film, effaçant parfois les autres acteurs moins emportés par leur rôle. Paradise Lost est une première réalisation réussie sur une thématique qu’Andrea Di Stefano continuera de porter dans d’autres sujets, que nous sommes impatients de découvrir.

 « Faire le Bien ne sera jamais notre rôle, mais faire éternellement le Mal notre seule réjouissance, car c’est le contraire de Sa haute volonté, à laquelle nous nous opposons. Si donc sa Providence cherche à tourner le Mal en Bien, notre tâche sera d’inverser cette tendance et d’ouvrir la voie au Mal, à partir du Bien, entreprise qui, souvent, pourra réussir. » John Milton Le paradis perdu.

 Patrick Van Langhenhoven

Note du support :
3
Support vidéo : Format 16/9 compatible 4/3, Format cinéma respecté 2.35, Format DVD-9
Langues Audio : Anglais, Français Dolby Digital 5.1
Sous-titres : Français
Edition : Pathé Vidéo

Bonus:

Making of (30')
Galerie de photos

1- « Quel a été le travail de documentation sur le film, notamment sur la figure qu'était Pablo Escobar ? »

Di Stefano : « Il y a une première phase assez simple finalement parce qu’il existe une abondance de matériaux disponibles ne serait-ce qu'en tapant le nom « Escobar » sur internet. Vous avez beaucoup de vidéos et de livres accessibles. C’est donc une première phase assez facile, presque trop facile. Après, on cherche la pépite rare, un peu comme un chien chercheur de truffes, et là il a fallu que j'aille un peu plus loin. Ce qui m'a paru intéressant dans ces recherches ce sont surtout les livres écrits par ses proches, les membres de sa famille.  Ils furent écrits à la fin des années 90, notamment un livre qui s'appelait « El otro Pablo » écrit par sa sœur. Il m'a beaucoup inspiré dans l'angle et la démarche que je voulais adopter dans ce film. »

2- « Est-ce que l'idée que vous aviez de Pablo Escobar avant de lire le scénario a changé ? »

Benicio Del Toro: « Oui bien sûr, ma vision de Pablo Escobar évolue. Au départ je me disais comme tout le monde que c'était un trafiquant. Je croyais que c'était simplement le trafiquant le plus connu du monde. Il existe une dimension qui m'échappait complètement, c'était celle de l'homme privé. Son rapport à sa famille, l'homme qu'il était pour ses proches ainsi que toute la dimension d'œuvres sociales qui lui tenait à cœur ou encore sa tentative sérieuse de devenir un homme politique. Toutes ces données étaient des côtés obscurs pour moi, que j'ai découverts au fur et à mesure. Dans le film on s'intéresse à la période qui débute en 1983. » (Benicio Del Toro)

3- « Ce qu'on se demande c'est si le film ne traite pas justement de la barrière, la mince paroi qui sépare le bien et le mal et sur la recherche de chacun d'un Paradis. »

Di Stefano : « On pourrait dire au fond que tous les films traitent de la limite entre le bien et le mal, en tout cas c'est sûr que c'était l'approche que je souhaitais effectuer. Placer chacun des personnages à son tour dans ce conflit moral. Le spectateur n'échappe pas non plus à celui-ci. Il juge le personnage d'Escobar. Il est très complexe, il avait un côté très attirant et je voulais que le public soit aussi charmé, qu'il se situe dans cet élan positif avec Escobar avant que les choses basculent. »

4- « Quelle est la part de fiction ? »

Di Stefano : « Je me suis intéressé à Escobar et Escobar est entré dans mon imaginaire à partir du moment où quelqu'un m'a raconté une histoire vraie qui était celle d'un Italien. Il se retrouve en Colombie dans les filets d'Escobar. Il devient l'ami d'Escobar. Il  commence à le fréquenter, à aller chez lui jusqu'au jour où Escobar lui donne une mission dont il s'acquitte. Après celle-ci, Escobar veut le tuer pour être sûr que le secret qui résidait dans cette mission n'allait pas être divulgué. C’est cette dimension du personnage qui m'a tout de suite intéressé. Je me suis dit que c'est vraiment ce qui fait la marque de cet homme. C'est un criminel, mais c'est un criminel qui veut tout maitriser au point de ne pas supporter que quelqu'un partage le crime qu'il organise, alors qu'il a besoin de cette personne pour l'effectuer. C'est à partir de ça que j'ai pu créer cette histoire fictionnelle. »

5- «Est-ce que quelqu'un de l'entourage d'Escobar a vu le film et comment a-t-il réagi ? » 

Di Stefano : « Pas encore de réaction pour le moment, on ignore s’ils l'ont vu. »

6- « Avez-vous pu tourner en Colombie et est-ce que vous avez eu affaire au cartel ? »

Di Stefano : « Non, nous envisagions différents territoires pour tourner, l'Amérique centrale, la Colombie, mais finalement pour des raisons esthétiques, nous nous sommes retrouvés à Panama. C’est là que nous avons trouvé la maison de Pablo Escobar. »

7- « Comment les personnages de Nick et de Maria vous les avez vécus, approchés ? Il y a aussi quelques similarités avec Le Parrain dans le film, y avez-vous pensé durant l'écriture ou le tournage ? »

Hutchison : « Pour moi le fait que ce soit un personnage fictionnel n'avait rien de nouveau puisqu'à peu près tous les rôles que j'ai interprétés étaient des personnages de fiction. En tout cas pour le personnage de Nick, ce qui m'intéresse, c'est de me mettre à sa place et de voir quel était son approche de la situation. Avec Andrea, nous avons beaucoup parlé de sa famille et de pourquoi il arrive en Colombie. Quel garçon il est, en fait, quand il entre dans cette histoire. Je ne me suis pas tellement intéressé à Escobar, je ne me suis pas documenté. Il m'a semblé qu'il fallait que je rencontre Escobar aussi vierge que l’était Nick. Ce qui est intéressant, c'est de travailler la façon dont Nick et la Colombie tombent amoureux d'Escobar sans rien connaître de lui. Pour pouvoir jouer cette fascination, il fallait que je me mette dans les mêmes conditions que Nick. J'ai donc préféré avoir une approche assez classique de mon personnage. »

Benicio Del Toro « Moi, oui je me suis beaucoup documenté sur Escobar parce qu'il fallait que je sois proche du personnage. Mais après, très concrètement, lorsque je suis arrivé à Panamà il s'agissait surtout d'apprendre l'anglais, car je ne parlais pas un mot d'anglais avant le tournage et puis finalement de devenir colombien et de me plonger dans cet environnement. »

8- « Ce qu'il ya de spécifique avec ce gangster qu'est Pablo Escobar, c'est qu'il est psychotique et que l'on s'attend à ce qu'à certains moments il devienne un monstre et passe la ligne rouge, mais justement Escobar ne le fait jamais. Est-ce que c'était pour vous plus difficile à jouer justement ? »

Benicio Del Toro « Je crois que c'était quelque chose de très présent et de très intentionnel dès le stade de l'écriture. Escobar est un homme qu'on ne voit jamais se salir les mains, on ne trouve pas ses empreintes sur l'arme du crime, ça fait vraiment partie de l'écriture du personnage. Il faut remarquer aussi qu'on cueille Pablo dans le film à une période de sa vie où tout va bien, il a réussi et n'a plus besoin de se salir les mains. On le voit parfois au summum de la cruauté, il n'a aucune pitié et peut ordonner l'exécution d'un de ses plus fidèles collaborateurs. Comment moi je fais pour jouer ça ? Moi je ne fais rien de particulier, je suis ce qui est écrit et j'essaye de le retranscrire au mieux. »

9- « Comment avez-vous découvert l'enfant colombien, the « youngfather » ? »

Di Stefano : « Son nom est Mike Moreno, il est chanteur et a 15 ans. Moi il m'a épaté parce qu'en fait on m'a envoyé des tests de Bogota de différents gamins que je voyais pour ce rôle. Dans sa vidéo, il s'adressait à la caméra et disait « A cette étape de ma carrière » et cela m'a beaucoup plus qu'un gamin parle comme ça à 14 ans. Il semblait très droit dans ses bottes. Par ailleurs, l'essai qu'il a passé était très bon. »

10- « La famille c'est un sujet très important dans le film, je voulais savoir si c'était quelque chose qui résonnait en vous ? Et est-ce que vous avez compris l'ensemble des choix des personnages ? »

Di Stefano : «  Oui ça a été fondamental pour moi dans l'approche de Maria, l'ensemble de ses choix est conditionné par la famille. C'est un peu éloigné de moi, car je viens d'une toute petite famille, donc j'ai dû comprendre ça surtout que c'est très présent dans la société colombienne. Dans mon approche de Maria, c'était essentiel, Escobar est une figure qui maitrise Maria. »

Hutchison : « Absolument dans ce film la notion de famille me paraît très importante aussi pour le personnage de Nick. Déjà il se retrouve en Colombie pour retrouver son frère, on se doute bien que c'est quelqu'un qui n'a pas une grande famille, retrouver son frère c'est très important. Il se sent incorporé à cette hacienda et il tombe amoureux de Maria. Il se trouve que personnellement c'est sûr que je trouve que la famille est quelque chose d'important. C'est la seule chose qu'on ne choisit pas, la famille. Nick se bat pour son frère qui devient un moteur dans le combat qu'il entreprend. »

11- « Maintenant que vous connaissez Pablo Escobar, est-ce que vous auriez eu envie de le rencontrer et si oui qu'est-ce que vous lui auriez demandé ? »

Di Stefano : « Cette question est toujours compliquée. Est-ce que j'aurais aimé le rencontrer ?  Ça dépend sur quel point... peut-être oui ça m'aurait intéressé de rencontrer ce gamin malin qu'il était lorsqu'il a commencé sa carrière. J'aurais aimé lui dire de ne pas se fourrer dans la drogue, qu'il était malin et qu'il pouvait faire autre chose. Une fois qu'il était devenu le monstre qu'il était, je ne pense pas que ça valait le coup. »

Interview réalisée par Patrick Van Langhenhoven, retranscrite par Sarah Lehu et mise en forme et corrigée par Françoise Poul.

Titre original : Escobar: Paradise Lost

    Titre français : Paradise Lost

    Titre québécois :

    Réalisation : Andrea Di Stefano

    Scénario : Andrea Di Stefano

    Direction artistique : Carlos Conti

    Décors : Carlos Conti

    Costumes : Marylin Fitoussi

    Montage : Maryline Monthieux

    Musique : Max Richter

    Photographie : Luis David Sansans

    Son : Alessandro Rolla

    Production : Dimitri Rassam

    Sociétés de production : Alta Films, Chapter 2, Nexus Factor, Pathé et Roxbury Pictures

    Sociétés de distribution : Pathé (France)

    Pays d’origine : France, Espagne et Belgique

    Langue : anglais, espagnol

    Durée : 120 minutes

    Genre : Thriller, biopic

Distribution

    Josh Hutcherson (VF : Matthieu Sampeur) : Nick

    Benicio del Toro (VF : Jean-François Stévenin) : Pablo Escobar

    Brady Corbet (VF : Florent Dorin) : Dylan

    Claudia Traisac (VF : Barbara Probst) : Maria

    Carlos Bardem : Drago

    Ana Girardot : Anne