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affiche Night Call

Night Call

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Un film de Dan Gilroy,
Avec Jake Gyllenhaal, Rene Russo, Riz Ahmed,

Genre : Thriller
Durée : 1h57
États-Unis

En Bref

Lou Bloom est un jeune homme dévoré par l’ambition et le succès. Revendeur de matériel volé à ses heures perdues, il va vite découvrir le sombre métier de “nightcrawlers“ (littéralement vers de terre), ces pigistes de l’info trash qui passent leurs nuits dans leur bolide, branchés sur les fréquences radios de la police, à parcourir Los Angeles à la recherche d’images choc qu’ils vendent à prix d’or aux chaînes de TV locales. Dans cette course au plus rapide et au plus “proche“ du scoop, Bloom va dépasser bien des limites…

Depuis des semaines, la Paramount déploie une stratégie de communication efficace visant à apparenter le film de Dan Gilroy à Drive, le phénomène du danois Nicolas Winding Refn ; à commencer par la traduction française du titre “Night Call“ qui nous renvoie immédiatement à la B.O de Drive. En effet, Night Call se déroule lui aussi la nuit à bord d’une cylindrée, emprunte cette même ambiance mi-palpitante mi-dérangeante, ces néons, place en tête un acteur charismatique et partage la même boite de production indépendante, Bold Films, mais la comparaison s’arrête là. Très vite, Night Call prend sa propre direction et s’éloigne de son modèle présupposé. Scénariste de profession avec notamment The Fall, Real Steel et Jason Bourne : l’héritage à son actif, Dan Gilroy passe pour la première fois derrière la caméra avec ce thriller sombre et poisseux, satire un poil poussée du sensationnalisme de la télé trash américaine. Entre malaise et fascination, la balance penche.


Bloom est un pervers banal, un scélérat ordinaire, à qui l’époque et la société offrent un terrain de jeu parfait où faire ses armes et s’épanouir. La poursuite du succès et de l’accomplissement coûte que coûte, c’est donc ce qui nourrit et transcende Bloom. Et ça, on le comprend dès la première scène lorsqu’un gardien va essayer de lui mettre des bâtons dans les roues dans l’exécution de son plan. Pigiste pour infos trash n’est donc pas sa vocation mais bien un métier accessible, où culot, patience et organisation sont les maitres mots et qui peut vous emmener à la gloire et à la reconnaissance. But ultime de Bloom. Sociopathe baratineur, il va progressivement gravir les échelons dans le métier, prenant bien soin d’appliquer à la lettre ses cours de management et de commerce pris sur internet avec ses théories sur la loi du marché et ses phrases toutes faites, jusqu’à atteindre son objectif… Dans sa course au succès, il va trouver en la directrice des infos de 6h d’une petite chaine en perte d’audience, une alliée d’un cynisme redoutable.

Original et redoutable, le scénario va surtout tenir sa ligne jusqu’au bout, ne craignant à aucun moment de susciter le malaise ou de partir dans le pamphlet. Rare sont les œuvres qui peuvent cracher à ce point sur l’ultra-libéralisme du système et ses antivaleurs sans jamais se retourner et contrebalancer son propos. A aucun moment Gilroy ne tente de nous rassurer ou de nous faire voir les choses sous un meilleur angle. Jusqu’au plan final, il va forcer la compagnie dérangeante de son personnage principal hors de toute morale et déontologie, sans s’inquiéter de perdre le spectateur, puisque l’identification est clairement impossible. Pour autant, son parti-pris radical trouve ses limites dans le suspense de son œuvre. En assénant dès les premières séquences toute son aversion pour le système, Gilroy brule très vite tout son carburant laissant un développement dans le fond assez transparent.

Mais ce petit souci n’en est finalement pas un, puisque l’attention du spectateur va très vite être happée par la ferveur et l’implication de l’acteur, Jake Gyllenhaal (Le secret de Brokeback Mountain, Prisoners). Dévoué à son personnage aussi bien psychologiquement que physiquement (il a perdu 9 kilos pour le rôle est s’est gravement blessé à la main durant le tournage), Gyllenhaal livre une performance marquante et troublante en prêtant ses traits émaciés et ses yeux caves à ce beau parleur manipulateur et impitoyable. Visiblement admiratif, le réalisateur va scruter la moindre de ses expressions, puisant le suspense dans le plus infime dessin d’un sourire mauvais et rendant toute sa superbe à l’acteur. Spectateur en retrait, aussi gêné que fasciné par cette personnalité perverse, on assiste à distance raisonnable à son ascension vers la gloire et l’absurde, porté par la photographie saisissante de couleurs. Parfait technicien, Gilroy va tirer toute l’énergie de la nuit et de ses éclairages artificiels, aidé du directeur de la photo Robert Elswit (oscarisé pour son travail dans There will be blood), pour appuyer l’ambiance déjà moite et pesante de son métrage.

A travers ce portrait déconcertant, Dan Gilroy met le doigt sur différents problèmes, notamment la disparition progressive d’un journalisme de fond, qui informe au lieu d’effrayer avec des images sans empathie qui se contentent de susciter la peur et de nourrir le voyeurisme toujours plus poussé d’un public affamé par un internet sans frontières et sans fond. En cela, le film se positionne davantage comme un avertissement plus que comme un donneur de leçon. Il dénonce également ces chaines de télé qui diffusent une info hypocrite, qui consulte le service judiciaire à chaque sujet et qui veut du sang, des images choc mais surtout aucun gros mot. Au passage, Gilroy va aussi en profiter pour lancer quelques piques à la spirale du stage non rémunéré, cancer de l’emploi. Premier film qui affirme par tous ces aspects son identité propre, Night Call propose une expérience cinématographique propre, aussi grisante que déconcertante, loin de laisser le spectateur indifférent.


Eve Brousse

Note du support : n/a
Support vidéo :
Langues Audio :
Sous-titres :
Edition :

·       Titre original : Nightcrawler

·       Titre français : Night Call

·       Titre québécois : Le Rôdeur

·       Réalisation et scénario : Dan Gilroy

·       Décors : Kevin Kavanaugh

·       Direction artistique : Naaman Marshall

·       Costumes : Amy Westcott

·       Photographie : Robert Elswit

·       Son : Scott Martin Gershin

·       Montage : John Gilroy

·       Musique : James Newton Howard

·       Production : Jennifer Fox, Tony Gilroy, Jake Gyllenhaal, David Lancaster et Michel Litvak

·       Société de production : Bold Films

·       Sociétés de distribution : Open Road Films, Paramount Pictures France

·       Pays d’origine : États-Unis

·       Langue originale : Anglais

·       Format : couleur - 35 mm - 2,35:1 - son Dolby Digital

·       Genre : policier, thriller

·       Durée : 117 minutes

Distribution

·       Jake Gyllenhaal : Lou Bloom

·       Bill Paxton : Joe Loder

·       Rene Russo : Nina

·       Ann Cusack : Linda