Henri, écrivain en bout de course, n’a plus le mordant de ses jeunes années. Depuis un premier roman exceptionnel, il aligne les œuvres de seconde zone, voire alimentaires. Dans sa vie de couple, il est comme un chien mouillé dans un jeu de quilles. La belle histoire d’amour avec Cécile prend l’eau de toute part et les relations avec ses quatre enfants ressemblent à un navire à la dérive. A la roulette de la vie, rouge, impair et manque, crie le croupier, rien ne va plus ! Toute cette misère est de la faute des autres, bien entendu, Henri n’a rien à se reprocher. Un soir de tempête, un inconnu dans la maison bouleverse la routine familiale. Stupide, un mâtin napolitain, s’avère aussi cynique, irresponsable que son nouveau maitre et plus obsédé ! Il n’a rien du gentil toutou à mémère, mais tout du chien dans un jeu de quilles. Il bouleverse l’ordre établi, et la tranquillité de chacun en n’en faisant qu’à sa tête. Il n’est pas question pour Henri de virer l’invité, malotru et impertinent. Il va falloir faire avec. Le mastard devient l’objet de toutes les tensions qui éclatent comme un ballon trop gonflé. On se demande comment tout cela finira ?
Yvan Attal revient à la vie du couple en adaptant le roman de John Fante Mon chien stupide. Il édulcore l’œuvre, plus tendre que cynique et moins percutant que le roman. Il faut dire que John Fante, dans la lignée des Bukowski n’y va pas avec le dos de la cuillère. Il garde l’essentiel pour le transposer au cœur d’une famille au bord de la crise de nerfs. Pour ma part, j’y vois un conte moderne. Le chien devient le catalyseur de toutes les tensions et les non-dits qui finissent par s’étaler sur la table familiale. Henri comprendra que la faute n’en revient pas forcément aux autres, mais peut être beaucoup à lui-même. Centré sur sa petite personne, il oublie le monde qui l’entoure et les envies de chacun. Le plus beau personnage est celui de Charlotte, impériale.
Elle traverse la tempête avec grâce, flegmatique, consciente de l’issue d’une histoire qui tourne en boucle. Les enfants regardent ce père, décalé du monde depuis bien trop longtemps pour comprendre leur envie d’envol. Le chien, par son attitude, devient le porteur des non-dits. Il ouvre la parole par des actes irrépressibles et incorrects, ignorant, grand seigneur, toute critique. Pour Henri, c’est le dernier à le comprendre, portant peut-être un peu de ce qu’il n’ose pas. Dans un premier temps, le gros toutou jette à terre une société ordonnée qui avait besoin du chaos pour se remettre en phase. Il crée plus d’ennuis que de petits bonheurs. Dans un second temps, le voilà qui, dans ce désordre, amène chacun à regarder l’autre, à se comprendre.
Henri commence à se regarder de l’intérieur et accepter sa part de stupidité. Il faudra en passer par la rupture et peut-être les retrouvailles pour que renaisse le goût des premiers jours. Il faudra accepter que les enfants grandissent et parcourent leur propre route avec leurs erreurs et leurs doutes. A cet instant, il est temps d’écrire le chaos Stupide pour la renaissance de la tendresse. Yvan Attal réussit une belle fragrance de vie familiale après les très réussis Ma femme est une actrice, et Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants. La complicité du couple se ressent dans le jeu millimétré de la vie conjugale fictionnelle. La caméra passe de l’intérieur de la maison labyrinthe où chacun s’égare à l’extérieur, la plage, la ville où chacun retrouve, comme le petit Poucet, le chemin du foyer.
Patrick Van Langhenhoven
Titre français : Mon chien Stupide
Réalisation : Yvan Attal
Scénario : Dean Craig (en), Yaël Langmann et Yvan Attal, d'après le roman Mon chien Stupide (My Dog Stupid) de John Fante
Décors : Samuel Deshors
Photographie : Rémy Chevrin
Montage : Célia Lafitedupont
Musique : Brad Mehldau
Production : Vincent Roget, Georges Kern et Florian Genetet-Morel
Sociétés de production : Same Player, Montauk Films, Good Times Productions ; coproduit par France 2 Cinéma
Société de distribution : Studio Canal (France)
Budget : n/a
Pays d'origine : France
Langue originale : français
Format : couleur
Genre : comédie
Durée : 105 minutes
Dates de sortie : 30 octobre 2019 (en salles)
Distribution
Yvan Attal : Henri Mohen
Charlotte Gainsbourg : Cécile Mohen
Pascale Arbillot : Laure Breuvart
Éric Ruf : Professeur Mazard
Panayotis Pascot : Gaspard Mohen
Sébastien Thiéry : Louis Daval
Lola Marois : Marie-Lise
Oscar Copp : Hugues
Ben Attal : Raphaël Mohen
Adèle Wismes : Pauline Mohen
Pablo Venzal : Noé Mohen