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affiche Mommy

Mommy

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Un film de Xavier Dolan,
Avec Antoine-Olivier Pilon, Anne Dorval, Suzanne Clément,

Genre : Comédie dramatique
Durée : 2h18
Canada

En Bref

Il y a une instantanéité surprenante aux chefs d’œuvre. Un noir à la fin, le cœur qui s’emballe et ces scènes qui, de par leur ampleur, vous hantent déjà et vous le savez, pour longtemps. La facilité de se distinguer au milieu de cette critique unanime aurait été de ne pas apprécier Mommy. Ça n’a pas été possible.

Xavier Dolan est partout en ce moment et Cannes était encore sous le choc quelques mois après. L’overdose menaçant, sans rien consommer était là, mais ce dernier a évolué. Et s’il occupe tant l’espace médiatique c’est mérité. Le jeune réalisateur facilement critiquable auparavant par son style atypique et plutôt novateur gomme des défauts apparents et prend du recul et la maturité qui va avec. L’œuvre semble détachée de ses précédentes et est tout simplement bouleversante.


Sujet omniprésent chez le réalisateur et, comme surtout le titre l’indique, il s’agit encore de l’histoire d’une mère. C’est pour la mère une sorte de seconde mort, après J’ai tué ma mère, son premier film. Cette mère, Diane dite Die, jouée par Anne Dorval, se retrouve contrainte à reprendre chez elle son fils, Antoine-Olivier Pilon, atteint d’un trouble du comportement et de l’affectivité. Alors qu’une tornade semble arrivée chez cette femme n’arrivant elle-même pas à se gérer, surgit la voisine, une autre vieille connaissance, Suzanne Clément, saluée uniquement par de petits mais tendres bonjours de la main. Cette dernière, Kyla, souffre d’une timidité maladive et bégaye.

Après une scène d’une violence verbale et physique, la voilà assise au milieu de leur garage, soignant les plaies du jeune homme, le début de l’entrée dans la famille. C’est constamment cela, la douceur de petites attentions, d’un mouvement de caméra, d’un éclat de rire, est suivie d’une scène difficile, à la violence des propos ou des comportements. Car oui malgré le thème relativement lourd, des moments comiques sont bel et bien présents et soulagent. Le tout n’étant qu’une montée en puissance constante.

En plus de faire preuve d’une maturité impressionnante, le Québécois semble véritablement s’exprimer avec sincérité et non plus cette volonté de trop bien faire. Chacune de ses œuvres était une œuvre totale à l’esthétisme puissant et à la musique omniprésente. Les dix premières minutes sont accompagnées sans discontinuer de musique, ce qui laissait apparaître des vieux démons. Cela se dissipe par la suite et l’utilisation est juste, même de chansons reconnues, offrant de très beaux moments visuels du rêve sur le piano de Ludovico Einaudi à l’issue sur Lana Del Rey.

Xavier Dolan a en tout cas un mérite qui lui est particulier : remettre au goût du jour des choses tout bonnement kitsch. Soit par le burlesque, avec par exemple ce personnage de Die, soit en l’intégrant avec son regard dans une scène. Deux illustrations nous viennent à l’esprit. Dans notamment la plus belle scène du film, peut-être l’une des plus marquantes de l’année. Le trio fantastique se met à danser sur du Céline Dion « le Trésor national ». Steve déguisé en femme, avec du maquillage noir, danse et chante et entraîne la fine équipe. Kyla qui vient d’apparaître et d’exprimer son mal être, chante et danse de façon robotique. La caméra alors s’efface et cadre ces trois êtres touchés et soudainement touchants en plein notre cœur, pour la première fois.

Il y a dans la même catégorie cette scène au karaoké, et ce regard marquant de Steve. Tout est dans le regard chez ce fils cherchant constamment, et sous quelque sorte qu’elle soit, de l’affection, chez sa mère principalement. C’est cela qui tourne au drame. L’issue semble prévisible, même si la tension du film nous l’a fait oublier et qu’elle revient comme un boomerang.

Une question reste sans réponse : pourquoi Anne Dorval joue-t-elle si peu ? Elle éblouit, crève l’écran, même si ses compagnons ne sont pas en reste, loin de là. En mère vulgaire et assumée, grave et hilarante, elle est extraordinaire. Antoine-Olivier Pilon, sorte de double du réalisateur, à 17 ans tient un premier rôle comme peu pourront se vanter de jouer. Et Suzanne Clément est sublime en retenue. Le sentiment au final sur ces acteurs est le même que Dolan envers eux : de l’amour.

Novateur de son temps, le Québécois tourne pourtant en majorité dans un format appelé 1:1. L’écran n’est qu’un carré, comme pour centraliser cette relation triangulaire, un huis-clos dans la maison, comme un huis-clos sentimental, où chacun renaît ou se meurt au contact de l’autre. C’est un réapprentissage des sentiments, de l’autre mais aussi du langage chez trois personnes blessées. Autre petite critique, c’est l’image reprenant au cours du film son format plus courant. Dolan fait du Dolan, et Steve sur son skate d’un mouvement de bras « ouvre » l’écran. Le rendu est bon, mais fait sourire. Et puis l’oppression et la tension reviennent rapidement et là, comme par magie, l’écran est déjà redevenu carré, sans même que l’on s’en aperçoive. Véritable qualité  que d’utiliser toutes les forces mêmes techniques.  D’autres mouvements de caméra et effets sont néanmoins sûrement de trop.

Mais le pardon est accordé pour ces petits riens dans ce tourbillon sentimental, cela ne choque plus tant le récit prend le dessus. L’esthétique n’est plus privilégiée sur le récit, ce qui a pu être le cas et c’est une excellente chose. Son film, Prix du Jury ex-aequo avec un certain Monsieur Godard, a une autre dimension. Nageant entre justesse de l’analyse des relations et la torture des choix des personnages, le jeune réalisateur ne laisse apparaitre aucun temps mort et enchaîne des scènes superbes, que l’on ne peut ici toutes citer. Une critique est trop linéaire pour ce sentiment ressenti. Le cinéma se souviendra de ce film.

 Clément SIMON

TDAH, trouble ou déficit de l’attention avec hyperactivité… Comme toutes ces situations qui se réduisent à des sigles (SDF, CDD, SIDA…), la réalité vécue est autrement difficile à appréhender. Diane récupère son fils, exclu du centre fermé où il était pris en charge au motif qu’il a foutu le feu à la cafèt’ et qu’un de ses camarades a été gravement brûlé.

Précisément, c’est d’incandescence qu’il s’agit. Les comportements, les sentiments, les relations sont à fleur de peau, toujours au bord de l’explosion. Dolan a choisi des interprètes hors pair, pétris d’humanité, qui provoquent l’empathie du spectateur, sans laquelle le film ne tiendrait sans doute pas aussi bien.

Une mère qui se bat (qui pourrait faire penser à celle de Boyhood), une voisine qui doit marquer une pause dans la vie qu’elle mène et ne lui convient pas, et ce fils, écorché depuis la mort du père, en quête d’amour exclusif, qui ne supporte pas les codes sociaux, peut-être parce qu’il a trop de sentiments… On est loin du tiède, du lisse et du bien rangé.

Dolan réussit un travail sur les sons et aussi, surtout sur le langage. Le joual, fleuri, savoureux, inimitable qui demande à être doublé tant en français qu’en anglais, reflète bien le désordre, dû somme toute à un trop plein de vie dans des existences rendues trop étriquées par la contrainte sociale.

L’ensemble étonnant, détonnant, prend le spectateur au dépourvu et masque les coquetteries du cinéaste qui appuie un peu sur les effets de caméra.

 Françoise POUL

Note du support :
5
Support vidéo : Format 16/9 compatible 4/3, Format cinéma respecté 2.35, Format DVD-9
Langues Audio : Audiodescription (pour malvoyants) Français Dolby Digital 5.1, 2.0
Sous-titres : Français
Edition : TF1 vidéo

Bonus:

Entretien audio avec Xavier Dolan (émission "Projection privée" sur France Culture)
Entretien avec Xavier Dolan, Anne Dorval et Suzanne Clément (émission "Rencontres de cinéma" sur Canal+)

    Titre : Mommy

    Réalisation : Xavier Dolan

    Scénario : Xavier Dolan

    Photographie : André Turpin

    Montage : Xavier Dolan

    Décors : Colombe Raby

    Costumes : Xavier Dolan

    Musique : Noia

    Production : Xavier Dolan et Nancy Grant

    Société de production : Metafilms

    Sociétés de distribution : Films Séville (Canada) ; Diaphana (France) ; Séville International (international)

    Pays d'origine : Canada

    Langue originale : français, joual

    Format : couleur, 35mm DCP, format d'image 1:13,4,5 et 1.25:16

    Genre : Drame

    Durée : 134 minutes

    Distribution

    Anne Dorval : Diane « Die » Després

    Antoine-Olivier Pilon : Steve Després

    Suzanne Clément : Kyla

    Alexandre Goyette : Patrick

    Patrick Huard : Paul Béliveau

    Viviane Pacal : Marthe

    Nathalie Hamel : Natacha

    Michèle Lituac : Directrice du centre