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affiche Médecin de campagne

Médecin de campagne

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Un film de Thomas Lilti ,
Avec François Cluzet, Marianne Denicourt,

Genre : Drame psychologique
Durée : 1h43
France

En Bref

Jean-Pierre parcourt la campagne de la pointe de l’aurore jusqu’aux dernières lueurs du jour pour porter le réconfort. Il est le membre de la famille qui, au fil des ans, devient indispensable, vous écoute, panse vos blessures de l’âme et du corps. Il voue sa vie à ses patients, leur sacrifiant sa fratrie, ses espoirs de construire une autre vie qu’à leur côté. C’est ce vieillard aux portes de la mort qui peut compter sur la promesse de mourir chez lui au coin du feu. C’est la parole d’encouragement à cette femme que la maladie ébranle, comme un roseau fragile dans la tempête. Chaque chien de ferme, troupeau d’oies, reconnait son pas et le laisse entrer comme le bon samaritain dans la maison.

Pourtant, à son tour, Jean-Pierre est frappé par une affection. C’est pourquoi son meilleur ami et cancérologue lui envoie Nathalie qui vient tout juste de finir médecine. Est-ce l’étrangère qui débarque dans un monde où chacun se connaît depuis le premier cri ou le crabe qui vous blesse chaque jour un peu plus, Jean Pierre se montre d’abord réticent et fait tout pour que la jeune femme plie bagage. Peu à peu, ces deux-là s’apprivoisent, se découvrent. Ils finiront peut-être par marcher sur le même chemin de campagne.


Après Hippocrate, Thomas Lilti examine une autre facette de la médecine, le sacerdoce du médecin de campagne. Dans son premier film sur l’univers médical, il s’attachait aux internes et à l’environnement hospitalier dans une comédie sincère et humaniste. Il reprend la même forme, entre rires et petits drames pour nous entrainer sur les pas de Jean-Pierre, admirablement interprété par François Cluzet. Ce dernier lui donne toutes les nuances humaines, philanthropiques, les petits riens qui renforcent la figure idéalisée du médecin de campagne. C’est un humaniste au sens propre du terme, centré sur le bien de l’autre et l’oubli de soi. Il ne vit que pour ses patients et cette relation particulière d’un membre à part de la famille. Par petites touches, le réalisateur nous dévoile ce lien tissé par les années, la compréhension du médecin envers l’autre, l’écoute. La parole apparaît le plus souvent entre le patient et son médecin. Elle se fait plus rare quand il est en société.

C’est un homme centré sur son intérieur, imprégné d’une certaine sérénité, que découvre Nathalie. Il ressemble au paysan accroché à sa terre, en lien avec le cosmos, rempli de cette sensation de plénitude que procure l’espace infini. Le médecin de campagne devient un philosophe, un humaniste, un confident, un guérisseur. La jeune femme débarque dans cet univers, venant de la ville, pleine de bonne volonté pour moderniser le cabinet. Il se construit entre Jean-Pierre et Nathalie comme une relation de maître à disciple. Dans un premier temps, il la teste, la confronte au milieu pour voir si elle est apte à suivre l’enseignement. Est-il sur la même voie que le maitre ?

La pauvre Nathalie se retrouve dans des situations parfois frôlant le désagréable. Passé ce cap, il accepte le disciple et commence son enseignement, la route initiatique qui conduit à l’éveil. C’est l’occasion pour Thomas Lilti  de développer la figure idéalisée du médecin de campagne, proche de celle du siècle des Lumières. Si les techniques évoluent, l’esprit reste le même. Il nous ramène à l’humain placé au centre du système et non l’économique. C’est peut-être une des pistes à suivre pour comprendre le désengagement actuel. Le film tient à la fois d’une mise en scène qui ne joue pas la carte du sensationnel, mais s’appuie sur le quotidien pour le sublimer. Dans ce sens, le réalisateur réussit pleinement la mise en images, saisissant les petites routes de campagne où le jour se lève, les corps de ferme gris où la maladie se tapit, un troupeau d’oies, etc.

C’est la chambre du vieillard avec tous ces appareils sophistiqués pour maintenir la vie, s’effaçant pour laisser apparaître la chaleur humaine. À la campagne répond  l’hôpital et sa froideur où le médecin Jean-Pierre, devenu patient, erre sans trouver la lumière du jour. Médecin de campagne repose aussi sur le duo de deux comédiens magnifiques dans un jeu qui finit par ne former qu’une seule et même chose. Nous marchons dans les pas de Tchékhov, Balzac, et sa comédie humaine. N’est-ce pas ce que réalise, film après film, Thomas Lilti ?

 Patrick Van Langhenhoven

Note du support :
3
Support vidéo : Format 16/9 compatible 4/3, Format cinéma respecté 2.40, Format DVD-9
Langues Audio : Audiodescription (pour malvoyants) Dolby Digital 2.0, 5.1 Français
Sous-titres : aucun
Edition : Le Pacte

Bonus

Entretiens : François Cluzet, Marianne Denicourt et Thomas Lilti pour Ciné+ (15')

  • Scènes coupées (2')
  • Rencontre entre Thomas Lilti et des professionnels de la santé (13')

Ciné Région : Avez-vous lu Balzac ? 

 Thomas Lilti : Bien sûr !  Je l'ai découvert tardivement d'ailleurs... c'est tout à fait autre chose mais c'est un très bon roman. Je ne l'ai pas lu quand j'écrivais le scénario mais un peu avant. En le lisant je me suis rendu compte que je ne pouvais pas trop m'inspirer du livre car il est très éloigné de ce que je faisais. 

 C.R. : Et Martin Winckler ? 

 T.L. : Oui. Je connais et j'aime beaucoup l'homme et ses romans. On parlait toujours de la maladie de Sachs, je me souviens en revanche très peu du film… je me souviens d'Albert Dupontel avec ses patients... Je m'étais interdit de le revoir pendant mon travail d'écriture. Je n’ai pas l'impression qu'il y ait beaucoup de points communs avec mon film, mais il faudrait que je le revoie maintenant. 

C.R.  : Et vous,  avez-vous  été médecin de campagne ? »

 T.L. : Oui j'ai fait trois-quatre années de remplacements à la campagne. L'avantage du remplacement, c’est qu’on rencontre des patients mais aussi les médecins qu'on remplace. On découvre le lien du patient envers le médecin remplacé, on découvre la médecine de proximité où il faut des qualités humaines exceptionnelles, l’ échange entre le médecin et le patient. Le médecin qui travaille de cette manière c'est un compagnon, un confident ... 

 C.R.  : Cette expérience était-elle suffisante pour nourrir l'écriture de l'histoire? 

 T.L. : Ce n’est jamais suffisant !  Mon expérience avait la limite de n'être que mon expérience. J’ai cherché les confidences d'amis-collègues. Il y a pas mal de jeunes médecins qui aimeraient être médecins de campagne mais c'est compliqué... Bref,  je suis allé chercher des anecdotes, des souvenirs parmi ce qu'on m'a raconté, des documentaires que j'ai vus, même des photographies... Ca fait trois ans que j'ai arrêté de pratiquer, depuis mon denier film en fait. La pratique médicale me manque…mais j'ai la chance de pouvoir faire des films qui, en plus, ne sont pas totalement déconnectés de mon métier. 

 C.R.  : Ce qui vous a amené à passer un message sur le monde de la médecine dans vos films c'est votre passé de médecin. Allez-vous continuer dans ce sens là où alors vous allez faire autre chose. »

 T.L. : Vous savez la médecine, moi, je n'ai pas l'impression d'avoir des choses à dire sur elle. C'est plus un matériau que je connais et donc j'essaye de raconter des choses, des histoires romanesques par le biais de la médecine. 

 C.R.  : On a un peu l'impression que c'est l'humanisme qui vous intéressait ?

 T.L. : Le cœur du film, c'était l'envie de raconter la communauté, la vie de ces gens qui se sentent délaissés et qui essayent quand même de garder ce lien social. La tragédie, c'est quand ce lien se délite et j'avais envie de raconter que le médecin tente de le réparer. 

 C.R.  : Vous voyez bien qu'à un moment donné il vous faudra raconter cette humanité hors de la médecine ? »

T.L. : Oui, pour me renouveler. Et c'est déjà le cas... là je suis en train d'écrire mon prochain film et les héros ne seront pas des médecins mais finalement ça se rapprochera de mes précédents films... Evidemment… en tout cas j'ai envie que mes héros soient autre chose que des médecins. 

 C.R.  : Vos deux films fonctionnent un peu ensemble tout de même : il y en a un qui est un peu l'apprentissage et l'autre qui est la mise en pratique et puis le côté médecine de ville et l'autre dans la campagne... 

T.L. : Le film est beaucoup plus optimiste qu'Hippocrate par rapport à la médecine mais, vous avez raison j'ai écrit Médecin de campagne après le tournage d'Hippocrate, lorsqu'il n'était pas encore sorti en salle. 

 C.R.  : Ca vous a surpris qu'Hippocrate soit un succès ? »

T.L. : Oui, bien sûr ! Surtout que j'avais fais un film avant qui avait été un échec absolu auprès du public... la presse avait été plutôt sympa mais il n'avait pas trouvé son public. 

 C.R.  : Le monologue sur la nature à la fin, c'est votre point de vue de la nature humaine? »

T.L. : Non, cela ne parle pas de la nature humaine. C'est l'idée que la nature est plus grande que nous, qu’il faut rester humble par rapport à ça. La seule chose que peut faire le médecin, c'est réparer. J’ai beaucoup de bienveillance par rapport à la nature humaine mais la nature est violente et on n’est pas grand chose. 

C'est un très beau monologue, j'y tiens beaucoup d’autant plus que c'est François Cluzet qui le dit. Concernant Cluzet, je n’ai pensé à lui que tard. Je voulais un acteur populaire pour le rôle mais je ne savais pas qui accepterait...Pendant l'écriture, je me suis interdit de penser à un acteur, mais lorsque j'ai proposé François Cluzet, les producteurs étaient emballés. Il a accepté facilement. J'étais très heureux. Concernant le rôle de Marianne Denicourt, je l'ai écrit pour elle, je voulais un personnage de femme forte dont le but n'était pas de chercher dans une thématique sentimentale. Ce qui la fait bouger, c'est son amour pour la médecine et sa carrière.

Le rôle de François Cluzet, c'était de faire un homme qui ne fait confiance à personne et qui curieusement ne veut pas être remplacé en tant que médecin de campagne. Il ne veut pas qu'elle lui prenne sa clientèle, même s’il est malade… 

 Interview de Patrick Van Langhenhoven, retranscription et mise en forme Sarah Lehu, correction par Frédérique Dogué.

    •       Titre : Médecin de campagne

    •       Réalisation : Thomas Lilti

    •       Scénario : Thomas Lilti et Baya Kasmi

    •       Musique : Alexandre Lier, Sylvain Ohrel et Nicolas Weil

    •       Montage : Christel Dewynter

    •       Photographie : Nicolas Gaurin

    •       Costumes : Dorothée Plumejeau

    •       Décors : Philippe van Herwijnen

    •       Producteur : Agnès Vallée et Emmanuel Barraux

    •       Production : 31 Juin Films et Les Films du Parc

    ◦       Coproduction : Cinéfrance 1888, France 2 et Le Pacte

    •       Distribution : Le Pacte

    •       Pays d'origine : France

    •       Durée : 92 minutes

    •       Genre : Comédie dramatique

    •       Dates de sortie :

    ◦        France : 23 mars 2016

Distribution

    •       François Cluzet : Jean-Pierre Werner

    •       Marianne Denicourt : Nathalie Delezia

    •       Isabelle Sadoyan : la mère de Werner

    •       Félix Moati : Vincent Werner

    •       Christophe Odent : Norès

    •       Patrick Descamps : Maroini

    •       Guy Faucher : M. Sorlin

    •       Margaux Fabre : Ninon

    •       Julien Lucas : le fiancé de Ninon

    •       Yohann Goetzmann : Alexis

    •       Josée Laprun : la mère d'Alexis