Gabriel grand reporter de guerre, sort tout juste de quatre mois de captivité dans un pays d’Extrême Orient. Pour l’instant, il n’est pas question de retourner au cœur des combats. Après la reprise de contact avec le monde, examens de circonstances, aide psychologique, il décide d’emprunter seul le chemin de la rédemption. C’est en Inde, terre de l’éveil, de spiritualité et de son enfance qu’il pense trouver la clef. C’est l’occasion de réparer la vieille maison des jours heureux, de retrouver son parrain, et peut-être de renouer avec sa mère divorcée. C’est un voyage paisible dans la couleur et les odeurs du territoire des origines. C’est le retour au pays de sa naissance, la possibilité de boucler le cercle pour rejoindre la surface. Il croise la route d’une bande de gamins peu farouches et de Maya, la fille de son parrain. Elle l’aidera dans la voie difficile pour renouer avec son âme et le monde.
La réalisatrice Mia Hansen-Løve construit une œuvre très personnelle, dévoilant son cinéma particulier. Elle plonge au cœur de ses personnages pour examiner leur parcours suite à une rupture, un changement, sur le chemin de l’existence. Elle choisit ici de s’attarder sur le retour à la vie d’un otage après quatre mois de captivité. Ce qui l’intéresse, c’est bien comment cet homme fragilisé trouve la voie pour revenir au cœur du chaos. Pour cela, il devra passer par une terre pleine de spiritualité sans que cela ne soit jamais dit. Elle laisse le temps au temps tout en jouant de l’ellipse avec art. Maya n’est jamais pesant et évite toutes les figures obligatoires du correspondant de guerre otage. La captivité est évoquée de façon partielle, mais suffisante, pour que nous en comprenions toute l’horreur et le travail de sape. C’est un homme à terre qui ne le montre pas, mais dont l’âme est profondément bousculée.
Le choix de l’Inde est à la fois celui de la terre de l’éveil, de la voie spirituelle, mais aussi de la modernité. C’est en outre celle de son enfance, le retour aux origines sans que cela non plus ne soit jamais dit. Se réapproprier le sens de la vie au pays des premiers jours. Elle apparait peut-être dans ce groupe d’enfants qui aide Gabriel. Dans cette maison-héritage qu’il reconstruit, écho, miroir, du matériel et de l’émotionnel. Ils possèdent sans aucun doute une part considérable dans sa rédemption. On retrouvera celle-ci dans sa liaison avec la jeune Maya. C’est sans doute, pour certains, la partie la plus faible du récit. Elle marque juste, pour ma part, ce passage par la liberté, la soif de vivre, l’espérance de la jeunesse. Le reste, c’est les pas que l’on pose dans les histoires d’hier ramenant à aujourd’hui. Dans ce quotidien paisible, Gabriel renoue avec le sens de la vie. Il s’accomplira par un pèlerinage, voyage s’achevant avec la rencontre de sa mère.
Nous sentons que le pardon, la compréhension, ferme une porte, scelle une dalle sur hier englobant ces quatre mois noirs. C’est dans un cheminement proche du contemplatif que la caméra effleure l’histoire pour mieux pénétrer en profondeur son âme. Il suffit de peu à Mia Hansen-Løve pour nous en dire beaucoup sur la fragilité de l’être au sein du chaos du monde. À la fin, la lumière revient et Gabriel affronte de nouveau les démons pour rendre compte de la douleur de la planète. Il s’affranchit des ténèbres, retrouve la parole, pour la transmettre. Le film prend des couleurs pastel, vives, particulières de l’Inde dans cette douceur d’une fragrance de l’été. Une fois de plus, sans concession, Mia Hansen-Løve confirme sa place spécifique, importante, dans le paysage du cinéma français.
Patrick Van Langhenhoven
Titre Original : Maya
Réalisatrice et scénariste : Mia Hansen-Løve
Assistants réalisateurs : 1) Tarik Afifi / 2) Céline Bailbled
Genre : Drame, romance
Directrice de la photographie : Hélène Louvart
Monteuse : Marion Monnier
Décors : Mila Préli
Cheffe costumière : Judith de Luze
Son : Vincent Vatoux
Scripte : Clémentine Schaeffer
Producteurs : Philippe Martin, David Thion
Société de production : Les Films Pelléas, Arte France Cinéma, Razor Film Produktion
Société de distribution : Les Films du Losange
Dates de sortie : 19 décembre 2018
Distribution
Aarshi Banerjee : Maya
Roman Kolinka : Gabriel Dahan
Alex Descas : Frédéric
Judith Chemla : Noamie
Johanna ter Steege : Johanna
Pathy Aiyar : Monty
Suzan Anbeh : Sigrid
Anjali Khurana : Anjali
Pascal Hintablian : le Ministre des Affaires étrangères
François Loriquet : le psychologue
Jean Rolin : M. Dahan, le père de Gabriel
Sandrine Dumas : l'amie de Frédéric
Nicolas Saada : l'agent de la DGSE
Stéphane Roger : le médecin
Adrien Urvoy : l'assistant
Violaine Gillibert : l'amie de Jérôme