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affiche Marie Heurtin

Marie Heurtin

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Un film de Jean-Pierre Améris ,
Avec Isabelle Carré, Ariana Rivoire, Brigitte Catillon,

Genre : Drame psychologique
Durée : 1h38
France

En Bref

A l’aube du XXe siècle, la jeune Marie Heurtin nait dans le silence, privée de la lumière et de la beauté du monde. Aveugle et sourde, cette fille de paysans ne voit se dessiner à l’ombre de l’horizon que la noirceur des tombes des asiles de fous. Les parents préfèrent la confier à l’institut Larnay où des religieuses s’occupent de redonner de l’espoir et une éducation aux enfants sourds. La jeune fille incontrôlable, car personne ne communique avec elle, pourrait bien revenir à la case de l’asile. « Aujourd’hui j’ai vu une âme » dira sœur Marguerite.

C’est celle-ci qu’elle cherche à conduire aux portes d’un monde où le silence se brise sur la Langue des signes. La route sera longue jusqu’au premier mot inscrit dans la paume de la main pour que naisse l’espoir. La pauvre sœur, atteinte de la tuberculose, peine à trouver le premier lien, la première attache pour détruire cette prison de ténèbres. À force de volonté, de bonté, de courage, elle passe sur les doutes, franchit les cris et les courses folles dans le silence de la campagne caressé par le soleil d’été. Un jour, le premier « mot » (le premier geste) comme un cri s’élance et entraine les autres dans une cohorte, un fleuve de partage.


Jean-Pierre Améris, réalisateur émotif, retrouve pour la troisième fois son actrice fétiche pour un film plein de sensibilité et d’amour. Amoureux du film Miracle en Alabama, ses pas le conduisent à cette histoire, bien avant les faits du film arrivé en France. Il prend le spectateur par l’âme et le cœur pour l’entrainer dans cet exploit impossible, communiquer avec une enfant sourde et aveugle. Nous retrouvons sa mise en scène particulière, habillée de la lumière des paysages comme autant de tableaux et de ce toucher de l’âme de ses personnages. Il trouve dans Isabelle Carré toute la douceur, la fragilité et la volonté pour incarner sœur Marguerite. L’autre révélation, c’est la jeune actrice sourde Ariana Rivoire, magnifique. Il place ce duel, qui devient osmose entre les deux actrices, au cœur des paysages emplis de douceur contrastant avec la sauvagerie du premier contact. Le résultat est un film magnifique entre poésie et difficulté de briser le handicap, thématique chère à l’auteur. C’est le coup de cœur de Cinérégion cette semaine.

Malades de l’âme, sujets souffrant de difficultés à communiquer, d’être dans un monde où le handicap vous place comme hier dans la marginalité, Jean Pierre Améris aime ces écorchés vifs, ces blessés du cœur ou du corps. Nous les retrouvons mis en avant dans chacun de ses films comme autant de paraboles, de fables sur le bonheur de vivre. Même dans la douleur, il prend le chemin du bonheur, du positif pour nous amener à la victoire sur la difficulté d’être. Marie Heurtin ne fait pas exception à la règle et emprunte la route de la poésie et de la joie de vivre plutôt que celle des douleurs. Dans la première rencontre avec Marie, Sœur Marguerite se retrouve filmée comme une vierge au pied de la croix. (« J’ai découvert une âme »). Dans ce plan où le soleil se perd dans l’arbre où est perchée Marie, tout est résumé sur ce qui suit. C’est dans l’humilité, l’abandon que le dialogue se noue.

Il ne se fait pas dans le rapport de forces, mais dans la demande. Par cette main tendue, elle quémande le contact. La première relation où se joue la piste de nos  cinq sens, l’ouïe qui n’est plus, comme la vue. Il reste le toucher, l’odeur  et le goût. C’est avec l’odeur qu’elle communique, que la jeune Marie reconnaît sa bienfaitrice. C’est avec le toucher que Sœur Marguerite trouve le chemin des mots tracés dans la main. Le film prend pour décor les jardins du monastère où le soleil souvent caresse les personnages comme un doigt divin, ou l’éveil. Nous ne sommes jamais dans les ténèbres, mais souvent dans la demi-obscurité des intérieurs où résonne la paix de l’âme et du cœur. Le silence est brisé par les voix des sœurs et les courses de Marie cherchant à fuir le contact, au début.

Le film ressemble à une parabole, un fleuve sans heurts qui coule et parfois s’emporte pour finir par atteindre son but, s’oublier dans l’océan. Parfois il touche à l’art brut de ces tableaux de Fra Angelico ou de la peinture de la Renaissance, quand le divin occupait tout l’espace. C’est un chant, un long poème où le bonheur, la joie de vivre et de rire encore dans la lumière effacent la difficulté et la douleur. Cela ne veut pas dire que le film ne touche pas à l’essentiel, au passage douloureux du silence et de la nuit à une ouverture sur le monde où la mort plane malgré tout. Elle apparaît comme une évidence, une limite dans le temps, un écueil à surmonter de plus.

Sœur Marguerite est atteinte de la tuberculose et sur elle plane comme une échéance, comme  la montée de son Golgotha. La joie du premier mot tracé par des doigts malhabiles, le frottement des doigts l’un sur l’autre en Langue des Signes. Nous sommes dans un autre lieu, un endroit où la paix de l’âme aurait vaincu le mal, tout en connaissant le poids et le prix de la douleur. Marie Heurtin apparaît donc à l’inverse de Miracle en Alabama (d’Arthur Penn en 1962 sur la vie d’Helen Keller), comme un film lumineux une parabole d’espoir contre la nuit et le silence.

Patrick Van Langhenhoven

Note du support : n/a
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Fiche technique

Titre original : Marie Heurtin

            •            Titre international : Mary’s Story

            •            Réalisation : Jean-Pierre Améris

            •            Scénario : Jean-Pierre Améris et Philippe Blasband

            •            Décors : Franck Schwarz

            •            Costumes : Danièle Colin-Linard

            •            Photographie : Virginie Saint-Martin

            •            Son : Laurent Lafran

            •            Musique: Sonia Wieder-Atherton

            •            Montage : Anne Souriau

            •            Production : Sophie Révil

            •            Sociétés de production : Escazal Films ; France 3 Cinéma et Rhône-Alpes Cinéma          (coproductions)

            •            Société de distribution : Diaphana Distribution

            •            Pays d'origine : France

            •            Langues originales : français et langue des signes française

            •            Format : couleur

            •            Genre : biographie

            •            Durée : 95 minutes

Distribution

            •            Isabelle Carré : Sœur Sainte-Marguerite

            •            Laure Duthilleul :

            •            Brigitte Catillon : Mère Supérieure

            •            Ariana Rivoire : Marie Heurtin

            •            Patricia Legrand : Sœur Joseph

            •            Christophe Tourrette : le curé de Mazière

            •            Martine Gautier : Sœur Véronique

            •            Gilles Treton :

            •            Noémie Churlet : une religieuse sourde de Larnay2