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affiche Magic in the Moonlight

Magic in the Moonlight

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Un film de Woody Allen,
Avec Colin Firth, Emma Stone, Eileen Atkins,

Genre : Comédie
Durée : 1h38
États-Unis

En Bref

Phénomène vivant du 7ème art, Woody Allen œuvre depuis bientôt 50 ans à distiller dans le cinéma un éternel sentiment d’amour dans des comédies de mœurs sur fond psychanalytique, au rythme pour le moins soutenu d’un film par an. Multi-oscarisé et récompensé, le cinéaste de 78 ans est avant tout un auteur prolifique de scénarii originaux hors-pairs et va aujourd’hui encore, avec Magic in the Moonlight, nous faire rêver à travers une histoire à la fois loufoque, fantastique, cinglante et terriblement romantique. Fasciné par la magie depuis son adolescence, il lui fait parcourir son œuvre dès ses débuts avec sa pièce The Floating Lightbulb, Scoop dans lequel il campe lui-même Splendini le magicien ou encore Broadway Danny Rose ou Le Sortilège du Scorpion de Jade dans lesquels on trouve des hypnotiseurs. Dans Magic in the Moonlight, ce sont les médiums et le spiritisme qui sont à l’honneur sous un angle inédit : dévoiler l’imposture. Une comédie bourrue, sincère, drôle et charmante à l’image de son personnage principal, dédaigneux à souhait et miroir du réalisateur lui-même. A voir.

Le prestidigitateur chinois Wei Ling Soo est le plus célèbre magicien de son époque, mais rares sont ceux à savoir qu’il s’agit en réalité du nom de scène de Stanley Crawford : cet Anglais arrogant et grognon ne supporte pas les soi-disant médiums qui prétendent prédire l’avenir. (…)


(…) Se laissant convaincre par son fidèle ami Howard Burkan, Stanley se rend chez les Catledge qui possèdent une somptueuse propriété sur la Côte d’Azur et se fait passer pour un homme d’affaires, du nom de Stanley Taplinger, dans le but de démasquer la jeune et ravissante Sophie Baker, une prétendue médium, qui y séjourne avec sa mère.

Woody Allen situe son dernier film sur la French Riviera dans les années 20, une époque chérie par le cinéaste qu’il voit comme un âge d’or. La musique, les costumes, les décors, les accessoires, tout s’épanouit dans une douceur de vie sucrée et baignée de soleil et compose un hymne à l’époque. Et l’hommage se retrouve aussi directement dans le ton de l’écriture, à la fois légère mais piquante, pleine de verve et de grâce, mais aussi jonchée d’auto-citations, de réflexions psychologiques sur ce magicien misanthrope imbu de lui-même et de répliques salées sur les thèmes récurrents du cinéaste, à savoir la vie, la mort, l’amour et Dieu. Mais ici, ces questions sont traitées à travers le prisme du surnaturel. Ainsi, il y a d’abord l’illusion, comme spectacle, l’illusion comme outil de duperie et l’illusion en amour. Il est aussi question de confiance, et comment parfois, la confiance aveugle peut vous faire littéralement nier l’évidence, même quand elle est sous votre nez. Tout ceci mixé dans la malice dialoguée de l’auteur, on se délecte littéralement.

La virtuosité du script fait écho, dès les premiers instants, à la beauté de la photographie. L’époque rétro des années 20 permet au directeur photo Darius Khondji (Immigrant, Minuit à Paris) de jouer avec les éclats naturels de la côte et des décors. Sa photographie mordorée faite de couleurs vives, de lumière rasante et de flous intelligents fait bel est bien partie de l’identité même du film, gommant ainsi la mise en scène qui ne semble pas être la préoccupation première du réalisateur. Ce dernier préfère admirer ses acteurs derrière une caméra plus passive qu’inquisitrice. Et quels acteurs ! Colin Firth et Emma Stone en tête parviennent à donner vie à des personnages typiquement Alleniens sans se laisser parasiter par la frénésie inhérente à ses créations. Alors que Emma Stone radie l’écran avec ses grands yeux bleus et son sourire malicieux, Colin Firth incarne avec brio et aplomb ce vieux bougon pessimiste et cartésien. L’acteur fait siens des aphorismes de Woody Allen, si bien qu’on les croirait directement sortis de la bouche du cinéaste, le tout sans tomber dans le piège de l’imitation.

Après le dépressif mais magistral Blue Jasmine, la mélancolie lumineuse de Magic in the Moonlight possède ce petit quelque chose à mi-chemin entre désenchantement et fantaisie absurde qui fait du bien. A l’heure de la dystopie, du cinéma cynique et des twists à répétions, on n’hésite pas une seconde à se plonger dans les songeries désuètes de Woody Allen. Qu'on aime ou pas le personnage, la magie opère instantanément et on repart le cœur léger.


Eve BROUSSE

Second Avis :

L’automne arrive, et juste avant le beaujolais, on sort un Woody bien frais à déguster. Le crû de cette année est plutôt joyeux, faussement léger, mêlant philosophie de l’auteur, comédie romantique et la part de magie sans laquelle la vie ne serait pas la vie.

Démasquer l’imposture, tel est l’enjeu du voyage de l’ultra célèbre magicien dans le Sud de la France, sollicité par un ami, face à une « medium » qui envoûte toute la côte et « fait du tort à la profession » des illusionnistes en prétendant avoir un don.

La scène d’ouverture est magistrale, et Allen n’hésite pas à sortir le grand jeu. Le magicien est « chinois » dans ce qui se fait de plus théâtral et il enfile les musiques de Beethoven et Stravinsky pendant qu’il scie en deux sa partenaire ou qu’il fait disparaître un éléphant. Ensuite, son installation et la rencontre avec Sophie est un peu laborieuse. Nous avons connu le réalisateur moins insistant, plus aérien, élégant. Nous sommes tout ouïe, prêts à le suivre, mais quelque chose résiste.

C’est le jeu des acteurs et les dialogues qui vont remettre le film sur les rails. L’amoureux transi et niais à souhait, jouant des aubades de sa composition sur son ukulélé, est irrésistible. Le dilemme intérieur du rationaliste arrogant nous séduit de plus en plus au fur et à mesure que l’intrigue progresse, et la scène phare, à mon sens, est celle dans laquelle la tante et son neveu font le point sur la situation amoureuse de ce dernier. Un joyau d’euphémismes de dénégations et d’antiphrases à conserver pour les futurs cours de littérature de nos petits !

Woody Allen sait insuffler de la poésie, de la grâce dans ses histoires. Plus elles sont imaginaires, plus elles nous parlent de la vraie vie, c’est là sa signature. Avec un zeste de jazz et de voitures anciennes baignés dans des lumières dorées, il nous convainc une fois de plus. Sans rien dévoiler,  on peut affirmer que la clé du film réside dans la base du métier : il faut distraire le spectateur, capter son attention sur un leurre pour mieux le mystifier, abracadabra !

 

Françoise POUL

Note du support : n/a
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Ciné Région : On parle beaucoup de la façon dont Woody Allen dirige ses comédiens. Vous avez travaillé avec beaucoup de réalisateurs à travers le monde, y-a-t-il vraiment une patte Allen ?

Colin Firth : Oui, il y a quelque chose de particulier dans sa façon de faire mais tous les réalisateurs sont différents. J’ai travaillé avec des bons réalisateurs qui ne parlent pas du tout, des bons réalisateurs qui parlent beaucoup et des mauvais réalisateurs qui ne disent rien… Il a prouvé qu’il était un metteur en scène exceptionnel et puis c’est un vrai auteur, il est aussi scénariste de ses films. J’ai l’impression que quand on arrive sur le plateau, une grande partie du travail a déjà été faite puisque c’est lui qui a écrit et fait le casting des comédiens. Et très clairement, il vous donne l’impression que le reste dépend de vous maintenant. J’ai l’impression que son idée est d’intervenir que lorsque c’est absolument nécessaire. Pas de répétitions, pas de conversations, pas de blagues, pas de moments partagés, le premier mot que vous entendez sortir de sa bouche est : « Action ». S’il y a un problème, il interviendra en approfondissant. On entend souvent que c’est un réalisateur qui ne dirige pas, qui laisse faire mais c’est complètement faux ; si il y a quelque chose à dire, il interrompt et il argumente précisément ce qui le gène. Et si jamais il a apprécié ce que vous venez de faire, vous entendez l’équipe qui remballe le matériel pour passer à la scène suivante.

C.R : Quand Woody Allen propose un scénario, est-ce que c’est lui qui appelle, est-ce que ça se passe comme d’habitude par l’agent et surtout quelle a été votre réaction lorsque vous entendez que Woody Allen veut vous engager ?

C.F : J’ai entendu dire par mon agent qu’il s’est renseigné si j’étais libre. J’étais en Italie et j’ai reçu un coup de fil me disant que quelqu’un avait pris sa voiture depuis Rome pour m’apporter le scénario. Cette personne a attendu le temps que je le lise pour que je le lui rende sitôt fini et je ne suis pas un lecteur très rapide… Le lendemain, mon agent m’a appelé et m’a demandé : « Alors, c’est oui ou c’est non ? ». J’aime bien d’habitude prendre quelques jours de réflexion mais là c’était Woody Allen. Le problème c’était que j’avais un problème de date et d’engagements et j’ai du refuser. Et puis par la suite, les choses ont changé et Woody a entendu dire que j’étais à nouveau libre et six semaines plus tard, il est revenu me proposer le rôle à nouveau. Il est très dur de dire non à Woody Allen et vous ne pouvez pas le faire deux fois. Surtout que pendant ce temps là on n’a pas pu parler directement mais j’ai entendu qu’il ne voyait que moi pour le rôle, qu’il était complètement décidé au niveau de ma voix. Je ne me souvenais pas très bien du script que j’avais lu très rapidement mais j’ai quand même dis oui avec plaisir mais je me disais aussi que j’avais un rôle d’un homme pompeux, agaçant, prétentieux, méprisant et il ne voyait que moi pour le rôle…

C.R : On pense au Misanthrope, à Alceste de Molière et on voit surtout un personnage très autocentré et très égocentrique. Est-ce qu’il y a plus de gourmandise à s’emparer de ce genre de rôle pour un acteur ?

C.F : Molière est un bon modèle dans la comédie en général, on a toujours un personnage qui a un défaut humain très fort, que ce soit l’Avare ou Tartuffe, c’est quelque chose qui le marque terriblement. Dans sa poétique, Aristote parle de la tragédie comme un genre dans lequel l’homme est toujours grandi et de la comédie où l’homme est toujours rapetissé. Une des règles aussi de la comédie est que le protagoniste principal doit rester le même tout le long du film. J’ai l’impression qu’ici, le personnage de Stanley a ses défauts qui l’aveuglent comme dans ces grands modèles de comédie. Ce qui en fait vraiment aussi une comédie, c’est que même si le personnage de Stanley réalise des choses, même s’il a des transformations, il reste le même avec ses défauts jusqu’à la toute dernière scène du film.

C.R : Quel rapport avez-vous avec la magie et le spiritisme ?

C.F : La magie, ça dépend beaucoup de comment on est ouvert et comment on est disposé à se laisser enchanter. La science c’est quelque chose qui est censée être beaucoup plus rationnelle mais on doit aussi être très ouvert pour pouvoir la comprendre et pouvoir y être sensible. Quand j’étais plus jeune, je trouvais les sciences et les mathématiques particulièrement ennuyeuses mais aujourd’hui, en aidant mes enfants dans leurs devoirs et en écoutant des conversations, je peux trouver des aspects assez magiques à ces disciplines scientifiques et cartésiennes. Pour être sensible à la magie, je pense qu’on n’a même pas besoin d’aller jusqu’au surnaturel ; un télescope par exemple je trouve ça magique, c’est très surprenant, mais je me dis aussi que c’est très scientifique au contraire donc je ne vois pas forcément ces limites là. Pour finir votre question, je n’ai pas de relation très proche avec le spiritisme.

C.R : Vous avez appris des tours de magie pour le film ?

C.F : Non. Ca aurait été cause perdue. Woody Allen en connaît beaucoup sur la magie, il a fait beaucoup de tours lui-même. Pour moi, de prendre des cours pour essayer de maitriser des tours en quelques semaines, ça serait aussi idiot de vouloir devenir en vitesse rapide un concertiste de piano. Il a eu la présence d’esprit de ne pas écrire dans son scénario de tours de magie que je doive exécuter moi-même, j’ai simplement fait quelques mouvements autour de l’éléphant.

C.R : On vous retrouve dans beaucoup de comédies romantiques. Qu’est-ce qui vous plait le plus dans ce genre ?

C.F : Je n’aime pas particulièrement ce genre de film. J’ai accepté ce film là parce que c’était une proposition de Woody Allen et non pas une attirance particulière pour le genre. Je trouve que les comédies sont très difficiles à jouer et tous les comédiens s’entendent là dessus. Je pense qu’il est sûrement le plus grand auteur et scénariste de comédie vivant, c’était donc l’occasion de travailler avec le maitre de ce genre. Je suis assez intéressé par son propos concernant le but de la comédie. Il pense très sincèrement que la vie n’a pas de sens, que nous sommes là pour peu de temps, qu’il y a aura un jour un grand flash, comme une grande chasse d’eau, et que tout va disparaître. Et puis il y aura des gens nouveaux, qui vont mourir à leur tour. L’univers se disloque, le soleil meurt et il n’y aura plus de vie et toutes les grandes œuvres de Mozart ou Shakespeare disparaitront pour toujours. Il ne restera qu’un grand vide. Nous avons le choix, soit on déprime devant cette finalité, soit on se divertit et on pense à autre chose. Je pense qu’il réagit à cette philosophie très sombre dans son travail. Pour ne pas tomber dans la tristesse et le désarroi, il nous propose des comédies pour nous distraire.

C.R : Quel est votre Woody Allen préféré ?

C.F : Mon préféré ? Oh, c’est très compliqué parce que ça peut changer selon les jours. Aujourd’hui, c’est probablement Radio Days, hier c’était Crimes et Délits et demain, surement Hannah et ses sœurs.

Entrevue réalisée et retranscrite par Eve BROUSSE.

Titre original : Magic in the Moonlight

Titre québécois : Magie au clair de lune

Réalisation : Woody Allen

Scénario : Woody Allen

Direction artistique : Anne Seibel

Costumes : Sonia Grande

Montage : Alisa Lepselter

Photographie : Darius Khondji

Production : Letty Aronson, Stephen Tenenbaum et Edward Walson

Sociétés de production : Perdido Productions

Sociétés de distribution : Sony Pictures Classics

Pays d’origine : États-Unis

Langue : Anglais

Durée : 97 minutes

Format : Couleurs - 35 mm - 1.85:1 - Son Dolby numérique

Genre : Comédie

Dates de sortie :

États-Unis : 25 juillet 2014

France : 22 octobre 2014