Maestro

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Un film de Léa Fazer ,
Avec Pio Marmaï, Michael Lonsdale, Déborah François,

Genre : Comédie dramatique
Durée : 1h29
France

En Bref

« En art comme en amour, l’instinct suffit. »

Henri, plus attiré par les films d’action, se retrouve sur le tournage d’un réalisateur, monstre sacré du cinéma d’auteur, Cédric Rovère. Le film est loin de Piège de cristal. Il s’agit de Les Amours d'Astrée et de Céladon, tiré d’un roman érotique du XVIII^e siècle examinant la société gallo-romaine du VI^e siècle. Le jeune homme se retrouve face au vieil homme pour un premier entretien où il pense le manipuler en lui faisant croire à une connaissance profonde dans le théâtre et le jeu de l’acteur. Il oublie que ce qui compte pour le réalisateur, c’est le chant des mots. Plus tard il dit à une comédienne, pas de sentiment. Engagé dans l’aventure, Henri s’attend aux hôtels quatre étoiles, une machinerie monstrueuse comme dans ses rêves de cinéma. Il se confronte à une équipe restreinte, un film fait de bouts de ficelle, et d’inventivité comme on ne fait plus. Après une défection, il se retrouve à porter le premier rôle et entrainé dans cette aventure où, peu à peu, il se transforme. Il découvre en Cédric Rovère un homme cultivé qui finit par partager avec lui sa passion des mots. La jeune première ne lui est pas indifférente et sa flamme passe par un baiser de cinéma qui devient celui de deux êtres qui s’aiment. Le regard du jeune homme sur le monde du cinéma change et sa vie prend un nouveau tour, ouvrant des mondes insoupçonnés.

Le film se base sur l’histoire vraie de Jocelyn Quivrin, il lance le projet avec Léa Fazer son amie. Elle reprendra celui-ci à sa mort, à la fois hommage et regard sur un cinéma disparu. Elle dépeint avec justesse et économie la touche Éric Rohmer, minimalisme, tourner avec peu de moyens, souvent des comédiens non professionnels, et une caméra 16 mm. Nous retrouvons en fond les thématiques de l’auteur, à la fois sur le film et dans le film. La rencontre amoureuse et la séduction marquent d’une empreinte profonde celui-ci. En écho à l’histoire d’Astrée et Céladon, une idylle se noue entre les deux acteurs principaux, reprenant la thématique du maitre. Pour le reste, c’est une variation légère et sympathique sur l’univers de Rohmer. La réalisatrice marque l’importance du mot, de la bonne phrase, littéraire mais pas intello, elle donne envie de découvrir ou redécouvrir sa filmographie. Point faible, elle reste en surface, ne pénètre jamais les arcanes de cette relation, par pudeur peut-être.

Nous aurions aimé approfondir non seulement le lien entre le jeune homme et le réalisateur, mais aussi les secrets et l’alchimie de son art. Nous comprenons bien que la machine tient de la bonne volonté de tous à s’impliquer, parfois craquer pour obtenir le meilleur. Elle nous offre de belles séquences sur ce cinéma réinventé à chaque moment, une perruque, une licorne, un paysage à chaque fois c’est le premier film qui recommence. Comme le maitre de méditation, Rohmer touche ce moment où l’esprit du Senseï rejoint celui toujours renouvelé du jeune novice. C’est un cinéma de l’instinct comme le dit la phrase du début où le spectateur trouve instinctivement sa place. Pio Marmaï est l’incarnation parfaite de ce jeune garçon naïf. Michael Lonsdale n’avait jamais tourné avec Rohmer, il ne le copie pas mais crée un personnage qui par la force du jeu s’en rapproche. Nous retrouvons cette grande idée du cinéma de Rohmer, la transmission humble et profonde. Dans l’ensemble, Léa Fazer réussit son film le plus abouti, une belle comédie légère, hommage à un cinéaste de la nouvelle vague incontournable et un ami mort trop tôt.

Patrick Van Langhenhoven