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affiche Mademoiselle de Joncquières

Mademoiselle de Joncquières

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Un film de Emmanuel Mouret ,
Avec Cécile de France, Edouard Baer, Alice Isaaz,

Genre : Drame psychologique
Durée : 1h49
France

En Bref

Madame de Pommeraye, jeune veuve, profite des bienfaits de la campagne dans son château, loin des rumeurs de la cour. De temps en temps, le marquis d’Arcis, libertin notoire, lui rend visite en toute amitié. Le bougre cache bien son jeu, derrière cet air avenant il ne souhaite qu’une chose : accrocher la jolie marquise au tableau de ses conquêtes. Habituée au beau parleur et séducteur sans scrupule, Madame de Pommeraye ne cède pas si facilement. Le beau parleur aura raison de la raison de Madame, lui promettant un amour indéfectible et éternel. Une fois la forteresse de son cœur brisée, le beau marquis se lasse de la belle et l’abandonne comme les autres à ses larmes. Il ignore que le cœur d’une femme blessée peut être un adversaire bien plus rude. Madame de Pommeraye n’a pas dit son dernier mot. Elle prépare sa vengeance, cruelle et sans concession. C’est à travers Mademoiselle de Joncquières qu’elle affute les lames de la séduction qui ne manqueront pas de faire mouche. Il y aura bien un prix à payer, mais qu’importe, le cœur en sera consolé.


Emmanuel Mouret, grand maître des cœurs, ne pouvait trouver meilleur texte que celui de Diderot pour toucher à l’excellence et la perfection. C’est un véritable chef-d’œuvre qu’il nous livre dans cette machination qui n’est pas sans rappeler Les liaisons dangereuses de Stephen Frear. Depuis ses débuts au cinéma, il s’intéresse aux sentiments qu’il saisit avec justesse jusqu’au tréfonds de notre âme. Les petits amoureux et amoureuses dénouent le fil de leur battement émotionnel et de leur tendresse pour nous toucher avec justesse comme dans Caprice et d’Un baiser s’il vous plait. C’est donc sans surprise qu’il adapte le texte de Diderot tiré de Jacques le Fataliste, déjà mis en scène d’une autre façon par Robert Bresson dans Les dames du bois de Boulogne. On lui trouvera même parfois une petite musique bessonienne.  Une époque qui l’entraîne loin des lieux urbains où son cinéma se déploie en majorité. Il reproduit le XVIII siècle des Lumières avec toute la grâce et la promesse d’un renouveau. C’est le siècle de la connaissance, la fameuse encyclopédie du même Denis Diderot et de Jean d’Alembert.

On oublie souvent, entre Voltaire et Rousseau, l’œuvre fictionnelle de Diderot. La nature occupe une place importante dans ce siècle de philosophie, de sagesse et de savoir. C’est d’abord dans le texte qu’Emmanuel Mouret trouve la grâce de la parole et la force des mots pour parler des affaires de cœur. Comme à son habitude il choisit de toucher à l’essentiel sans alourdir les dialogues, prenant la justesse des paroles comme sérénades et batailles des âmes. La première partie - joute, conquête - devient un petit bijou nous rappelant notre jeunesse à bâtir des chimères pour les beaux yeux de nos belles. Chaque phrase même la plus innocente dévoile toute sa justesse dans l’assaut final. Elle revient en écho avec la manipulation orchestrée avec toute la délicatesse d’une rose rajoutée à un bouquet que le coquelicot dépareille. Dans ce jeu à deux Édouard Baer donne à Monsieur d’Arcis toute la force d’un beau parleur jouant de l’humour et du bon mot pour gagner la bataille. La vengeance finale devient plus violente avec ce jeu du joueur pris à son piège. Dans ce monde de convention et de non-dit, la fragile Madame de Pommeraye obtient une vengeance sanglante.

Cécile de France donne tout l’éclat d’une fleur perdue, d’un petit bonheur qui ne se laisse pas cueillir si facilement. Dans la première partie, la trame espiègle et cruelle se joue dans les jardins et pièces de la demeure de la marquise. La caméra suit le marquis en chasse comme un chien pistant la trace et la jolie marquise arrangeant des bouquets aux multiples couleurs. Ils annoncent la place de la nature dans cet espace de la parole à l’époque des Rousseau et Voltaire qui enfanteront bien plus tard Walden de David Thoreau. La parole ressemble à de la dentelle comme ses feuilles éclairées par le couchant. La mise en scène sobre accompagne avec grâce, magie et subtilité les protagonistes du drame. C’est un petit chef-d’œuvre que nous offre le réalisateur, sommet d’une filmographie, premier pas d’une quête d’un Graal de l’amour. C’est donc avec impatience et gourmandise que nous attendons le prochain opus d’Emmanuel Mouret.

 Patrick Van Langhenhoven

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CR. Est-ce que vous vous définissez comme un philosophe ?

Emmanuel Mouret : Non je ne me définis pas comme un philosophe, mais le hasard fait que je suis un lecteur d’essais.

CR. Vos films peuvent être de la philosophie puisque c’est le sentiment du moi qui vous intéresse ?

Emmanuel Mouret : Oui, les films que j’aime donnent à penser, c’est de la philosophie dans le sens où ça nous amène à nous poser des questions plus que les films qui tendent à donner des réponses et mettre les choses dans des cases. Diderot est entre autres lui-même dans une case intermédiaire, car il se trouve entre le romanesque et le philosophe.

CR. Avez-vous choisi Diderot par rapport à l’époque, à tout ce que vous cherchiez dans le cinéma ?

Emmanuel Mouret : Dans le cinéma et dans la presse, il me semble que souvent dans les discours on justifie un film par son contexte, on en parle comme d’une radiographie de l’époque, d’un sujet d’actualité, comme si c’est cela l’élément justificatif du film. Or moi j’ai tendance à penser absolument le contraire, je pense que ce qui est moderne c’est ce qui ne vieillit pas. C’est profondément ce qui est inactuel. 

CR. Les résonances actuelles que l’on retrouve dans le cinéma n’étaient pas votre intention de départ n’est-ce pas ?

Emmanuel Mouret : Pas du tout puisque le projet existe tout de même depuis trois ans.

CR. Vous n’avez pas modifié le texte en fonction d’autres évènements ou informations ?

 Emmanuel Mouret : Non, c’était plutôt une coïncidence. Diderot a fait de cette femme un personnage intelligent, diabolique et en même temps, elle avait à la fois des propos féministes mais des actes qui ne vont pas avec. C’est Diderot qui reflète le féminisme en réalité par rapport à ses actes et ses pensées.

CR. Sur la peinture il y a un gros travail qui donne l’impression de tableaux de l’époque, et parfois ça se fige un instant.

Emmanuel Mouret : Il y a quelque chose qui vaut beaucoup au niveau de la création du costume et de l’époque. On a privilégié au maximum la lumière naturelle et travaillé sur des vieilles optiques, car on voulait que ça soit lumineux.

CR. Est-ce que vous avez choisi Édouard BAER parce qu’il a un côté aristocratique ?

Emmanuel Mouret : Oui, parce que c’est un grand comédien et avant de le choisir, je l’avais revu au théâtre dans Un pédigrée et j’avais un peu peur de son côté facétieux. Il est d’une telle sobriété, sincérité et finalement il fallait qu’on le croie sincère. C’est un personnage assez droit et pas du tout flou.

CR. Est-ce que cela vous a effrayé ?

Emmanuel Mouret : Au départ ça me faisait peur, mais après, je dois beaucoup à Jean-Pierre le créateur du costume, car en fait ça commence là autour des discussions du costume et il y a eu quelque chose qui s’est produit.

CR. Cécile de France, pourquoi ce choix ?

Emmanuel Mouret : C’est un choix qui ne m’est pas du tout venu immédiatement à l’esprit, car Cécile était une marquise et se venge. Je me suis dit « essayons » et dès la première lecture c’était une évidence. Et justement, comme elle joue la meilleure amie, elle était parfaite dans ce rôle à la fois diabolique et caché qui n’en fait pas la démonstration avec un sourire moqueur.

CR. Est-ce que vous avez des références cinématographiques ?

Emmanuel Mouret : Paradoxalement pas tant, de films d’époque. J’ai pas mal pensé à Monkey parce que ses personnages sont souvent très intelligents et parfois diaboliques avec d’énormes textes de phrases, de dialogues. On ne voulait pas trop charger donc on a épuré afin d’avoir quelque chose de spécial et lumineux. 

CR : Est-ce que ce rôle est beaucoup éloigné de vos centres d’intérêt avec tous ces jeux de langage ?

Édouard Baer : Ce sont des personnages intelligents qui excellent notamment dans l’art d’aimer, de discuter pendant des heures, de se balader, toutes ces choses qui ont disparu dans le monde d’aujourd’hui. On voit bien qu’ils se questionnent sur ces faits en s’écrivant des lettres en s’auto-analysant, en anticipant. C’est presque leur métier d’aimer et analyser les grandes embrouilles amicales et c’est tout à fait formidable.

CR : C’est ce que vous faisiez au début ? Analyser une société, la bousculer un peu dans vos spectacles ?

Édouard Baer : Oui, mais c’est des types de personnages que je n’ai pas beaucoup joués avec  cette sécheresse-là. Des scènes un peu dures, j’avoue que j’étais un peu mal à l’aise quand il est dur avec la demoiselle de Jonquières. On a un visage intérieur de nous-mêmes qui fait qu’on se demande si on est crédible dans certains rôles.

CR : Vous définissez votre personnage sur scène de quelle façon ?

Édouard Baer : C’est un homme libre au fond de lui, un libertin. C’était incroyable à l’époque de choisir cet amour à la place de la société. C’est stupéfiant et au début on pensait pouvoir tout acheter avec son argent.

CR : Comment avez-vous vécu Cannes cette année ?

Édouard Baer : C’est une tribune formidable, mais ce n’est pas forcément un bel endroit pour voir les films. Les acteurs sont fermés, dans des conditions pour éviter le public, ce qui ne permet pas le contact facile avec leurs collègues.

CR : Est-ce que vous croulez sous les propositions ?

Édouard Baer : Non pas du tout. Je ne suis pas très sollicité dans le cinéma. c’est parfois  au niveau du théâtre ou de la radio, ce qui permet d’avoir un équilibre.

CR : Parfois ça ne dessert pas d’être perçu comme quelqu’un de comique, de rigolo ?

Édouard Baer : Si ça dessert quelquefois.

Interview réalisée par Patrick Van Langhenhoven, mise en forme par Gaelle Facia et corrigée par Françoise Poul

Titre français : Mademoiselle de Joncquières

    Réalisation : Emmanuel Mouret

    Scénario : Emmanuel Mouret, d'après l'œuvre de Denis Diderot

    Photographie : Laurent Desmet

    Montage : Martial Salomon

    Musique : Maxime Gavaudan, François Mereu et Mélissa Petitjean

    Décors : David Faivre

    Costumes : Pierre-Jean Larroque

    Producteur : Frédéric Niedermayer et Olivier Père

    Production : Arte France Cinéma et Reborn Production

    Distribution : Pyramide Distribution et Indie Sales

    Pays d'origine : France

    Genre : Drame romantique

    Durée : 109 minutes

    Dates de sortie : 12 septembre 2018

Distribution

     Cécile de France : Madame de La Pommeraye

    Édouard Baer : Marquis des Arcis

    Alice Isaaz : Mademoiselle de Joncquières

    Natalia Dontcheva : Madame de Joncquières

    Laure Calamy : l'amie de Madame de La Pommeraye

    Gabrielle Atger : une femme noble

    Jean-Michel Lahmi : un homme noble

    Alban Casterman : le premier valet du Marquis

    Franck Guérin : l'homme de main du Marquis

    Sébastien Laudenbach : le peintre

    Iakovos Pappas : le joueur d'épinette