La main caresse la pierre dans un geste de douceur s’imprégnant du sacré. Le froissement des étoffes, les encensoirs, balanciers de l’horloge, rythment le temps. Les pas sur le sol s’imprègnent de l’absolu. On se prépare au voyage vers le sanctuaire, le pardon, l’espérance du miracle que l’on sait rare. Un père et son fils s’affairent pour ce voyage, cette demande à la Vierge d’alléger la souffrance d’un frère, d’un fils. Un vieil homme prostitué, dans ses habits de femme, souhaite le respect de tous. Ce sont ces âmes blessées par la vie, condamnées à l’immobilité du fauteuil, du corps déformé, disgracié par la maladie ou l’accident. Nous les suivrons de la préparation jusqu'à la transhumance vers la montagne, la grotte sacrée.
Souffrances, espérances, compassion et résignation sont leur chemin de croix. Ils avancent dans l’existence, marqués par le regard de tous, et oubliés dans la foule des pèlerins à Lourdes. Une conversation anodine sur le sucre semble futile, et pourtant elle en dévoile beaucoup. Thierry Demaizière et Alban Teurlai saisissent l’humain dans sa quête d’espérance, de pardon et d’une grâce divine. La foi n’est pas absente, mais cachée dans les silences, les paroles, les gestes de tous. C’est le regard sur l’autre qui questionne sur notre humanité intérieure. La Vierge sans aucun jugement s’habille de consolation pour les uns, mère de tous pour les autres, pardon pour tous. Le vieil homme au corps brisé aura cette parole juste. « La Vierge ne vous juge pas. Ne vous regarde pas comme des putes du bois de Boulogne ».
Un autre dira : « Je fais la gueule à la vie », un autre : « Les gens comme nous dérangent. » La peur de l’autre, c’est peut-être celle de soi. Chez les gitans on vendait les chevaux pour se rendre en pèlerinage. Pèlerins en souffrance et bénévoles partagent une semaine intense sous le signe de la mère de tous. La joie n’est pas absente. Elle remplit les cœurs que la caméra invisible saisit avec tendresse. On lave les plaies, au propre comme au figuré. Il n’existe plus qu’un corps commun, celui de la lumière gagnant les cœurs de chacun. Thierry Demaizière et Alban Teurlai passent huit mois à Lourdes pour ramener 200 heures de tournages qui seront ramenées à 1 h 31.
Ils ont su saisir l’essentiel de l’humain au cœur du divin, en espérance. Jamais voyeuse, la caméra dérobe parfois l’intime d’une toilette, d’une conversation secrète, d’une fête, de la joie, des larmes, jamais de la douleur. Elle est pourtant tapie dans l’ombre, celle du corps, celle des âmes. Les auteurs nous offrent un magnifique voyage sans jugement, juste la vie s’écoulant dans un lieu magique. L’une des dernières images résume parfaitement leur approche, des milliers de lanternes s’élèvent vers le ciel, portées par une mer de mains anonymes.
Patrick Van Langhenhoven
Titres : Lourdes
Réalisateur - Scénariste : Thierry Demaizière, Alban Teurlai
Compositeur : Pierre Aviat
Producteur délégué : Thierry Demaizière, Alban Teurlai, Stéphane Celerier, Valérie Garcia, Stéphane Schorter
Etalonneur : Mathieu Caplanne
Directeur de la photographie : Alban Teurlai
Monteur : Alban Teurlai
Ingénieur du son : Emmanuel Guionet
Monteur son : Alexis Jung, Christophe Leroy
Production : Falabracks, Mars Films, France 3 Cinéma
Exportation/Distribution internationale : Upside Distribution
Distributeur France : Mars Films
Sortie en salle : 8 mai 2019