C’est un petit village, Tiourne, au cœur de la France, avec son café, son équipe de foot et ses petits vieux débonnaires et farceurs. Le village s’inquiète. Ils ont fort à faire avec les deux trublions, Jean-Marie Péjat et Blaise Poulossière que sa famille ne peut tenir. Imaginez alors quand un troisième est annoncé de retour au bercail. On s’interroge sur la prochaine blague de nos papys farceurs. Nos deux lascars accueillent leur ancien complice, retraité de la SNCF, venu finir ses jours à Gouyette. Suite à quelques incidents rappelant à nos deux vieux de la vieille que l’âge est bien là, ils décident d’accompagner Baptiste Talon au paradis des ancêtres, la maison de retraite trois étoiles où le vin coule à flots. Les voilà donc en route pour le pays merveilleux, avec quelques haltes pour raviver les souvenirs. Quelques blagues à rajouter au carnet de leurs méfaits quand ils se présenteront devant Saint-Pierre. Arrivés sur place, ils découvrent l’enfer et décident de revenir à Tiourne. Après un sermon sévère et la promesse d’être sage, le maire passe l’éponge, mais pour combien de temps ?
C’est Audiard qui découvre le roman de René Fallet, un auteur qui a le vent en poupe. Après le Triporteur, Les vieux de la Vieille, on adaptera Paris au mois d’août (Granier-Deferre, 1966), Un idiot à Paris (Korber, 1967), Le drapeau noir flotte sur la marmite (Audiard, 1971) et le cultisme La soupe aux choux (Giraud, 1981). Audiard remanie les dialogues, à sa façon féconde, pour donner à trois acteurs de talent une partition des plus belles. Les vieux de la vieille devient vintage, sentant bon le passé de nos campagnes. René Fallet est un écrivain populaire, pour ne pas dire populiste pour certains. Il sait saisir les dernières traces d’un monde qui se transforme avec des figures de la France profonde. C’est l’occasion pour Gabin, à qui on propose le projet, comme à son réalisateur préféré Gilles Grangier, de changer de registre. Lassé des rôles de flic ou de voyou à la forte gueule, il souhaite changer sa palette de rôles.
Le trio fonctionne à merveille. C’est Grangier qui présente Audiard à Gabin sur le tournage de Gas-oil en 1955. Grangier et Gabin tourneront douze films ensemble, de La Vierge du Rhin (1953) à Sous le signe du taureau (1969), en passant par Gas-oil (1955), Le sang à la tête (1956), Le cave se rebiffe (1961) L’Âge ingrat (1964) et bien d’autres. Les vieux de la vieille sont un festival de cabotinage, dans le bon sens du terme, par les trois acteurs, dans un bain de franche rigolade. Il reste un peu daté, mais pas passé. C’est un témoignage de ces villages d’autrefois que les années transformeront en profondeur. On remarque que les vieux ne changent pas avec les années.
Le discours reste le même, à notre époque, on savait s’amuser ; la musique actuelle n’est que du bruit ; le respect se perd ; nous, on a travaillé dur, contrairement aux jeunes fainéants, etc. On se moque des fonctionnaires, de la jeunesse, des femmes, dans un discours critique de vieux anarchistes. Gabin joue la démesure sur la langue d’Audiard, qui prend toute sa force dans sa bouche. C’est Gabin qui propose Pierre Fresnay, complice de La grande illusion et dont ce sera le dernier film. La mise en scène est soignée et laisse une grande liberté aux acteurs qui en profitent. Le résultat est film vintage que l’on prend plaisir à revoir.
Patrick Van Langhenhoven
Bonus :
Retour sur Les Vieux de la vieille (20 min)
- Documentaire inédit avec les interventions de Jean-Jacques Jelot-Blanc, auteur de Jean Gabin inconnu et Jean-Pierre Bleys, spécialiste de Gilles Grangier -
Bande-annonce
Une fois de plus le travail des bonus et de restauration reste remarquable.
Réalisation : Gilles Grangier
Scénario : D'après le roman de René Fallet (éditions Denoël)
Adaptation : René Fallet, Gilles Grangier, Michel Audiard
Dialogues : Michel Audiard
Assistants réalisateurs : Guy Blanc, Joseph Drimal
Directeur de la photo : Louis Page
Caméraman : Henri Tiquet
Assistants opérateurs : Marc Champion, Pierre Charvein
Montage : Paul Cayatte, assisté de L. Marchand-Saurel
Décors : Robert Bouladoux, assisté de Georges Richard et Jean Taillandier
Maquillage : Yvonne Gasperina et Alex S. Ranesky
Son : Jean Rieul, assisté de Marcel Corvaisier et Gabriel Salagnac
Musique : Francis Lemarque et Paul Durand (éditions Paris-Etoile et Mondia-Music)
Script-girl : Martine Guillou
Ensemblier : Fernand Chauviret
Régisseur : Alain Darbon, assisté de Georges Testard
Photographe de plateau : Marcel Dole
Producteur : Jacques Bar
Directeur de production : Jacques Juranville
Sociétés de production : Cité-Films, Cinetel, Silver Films, Terra Film, Fidès (Paris) et Titanus SPA (Rome)
Format : Pellicule 35 mm - 1,65:1 - noir et blanc - son mono
Tirage : Laboratoires Franay L.T.C. (Saint-Cloud)
Durée : 86 minutes
Genre : Comédie
Société de distribution : Cinédis
Visa d'exploitation : 22 879, délivré le 8 juillet 1960
Date de sortie : 2 septembre 1960 aux cinémas Berlitz, Paris, et Pathe Wepler à Paris
Box office : 3 477 455 entrées en France (10e film de l'année)
Distribution
Jean Gabin : Jean-Marie Péjat, réparateur de vélos
Pierre Fresnay : Baptiste Talon, retraité S.N.C.F.
Noël-Noël : Blaise Poulossière, éleveur de cochons
Mona Goya : Catherine, la patronne de la ferme
Yvette Étiévant : Louise, la patronne du café
André Dalibert : Anselme Poulossière, le fils de Blaise
Yane Barry : Mariette, la petite fille de Blaise
Paul Bisciglia : Jojo, le fiancé de Mariette
Hélène Dieudonné : La supérieure de "Gouyette"
Guy Decomble : Le chauffeur de car
Alexandre Rignault : Le fermier qui reçoit Blaise
Paul Mercey : Le maire du village
Jacques Marin : Le brigadier à vélo (non crédité)
Robert Dalban : Jérôme Ardouin, le fossoyeur
Pierre Collet : Le livreur de boissons
Paul Faivre : Léon, un consommateur au café
Albert Michel : Le fils Bouilland
Charles Bouillaud : Le fils Bleuzet
Gabriel Gobin : Étienne Lesage, l'employé de mairie
Jean Favre-Bertin : M. Piolet, l'instituteur
Bruno Balp : L'ouvrier de la salle communale
Louis Lalanne : L'autre ouvrier de la salle communale
Max Mégy : Gaston, le touriste en voiture
Denise Carvenne : La touriste en voiture
Jean-Pierre Rambal : L'arbitre de football (non crédité)
Édouard Francomme : Un consommateur au café (non crédité)
Lisa Jouvet : La Sœur conduisant la fourgonnette (non créditée)
Yvonne Dany : Une Sœur de l'hospice (non créditée)
Laure Paillette : Une employée de la ferme (non créditée)
René Hell : Un consommateur au café ? (sous réserves, non crédité)
Max Montavon : (sous réserves, non crédité)
Josette Vardier : (sous réserves, non créditée)