Salem Nouvelle-Angleterre lors de l’hiver 1691 au cœur de colonie rude où dieu et la rigueur régissent la vie des paysans, le diable attend son heure. John Proctor arrache à la terre rude comme leur existence la promesse des riches saisons. Lui et sa femme Elizabeth vivent un peu en marge du village de Salem, une communauté rythmée par la parole de Dieu où l’ascétisme devient presque une règle de vie. Dans l’ombre, le diable rode, prêt à prendre possession des corps et des esprits pour les entrainer dans la valse du mensonge et de l’infamie. La jeune Abigail n’est pas indifférente au charme de John qui finit par céder à la tentation de la luxure. Chassé par Elizabeth et John, la jeune fille tombe dans les bras du Malin et se livre à la sorcellerie. Elle est prise en flagrant délit avec d’autres jeunes filles et une esclave du village. Elles se disent possédées du démon et dénoncent de nombreux membres de la communauté. Un vent de folie s’empare de Salem. Le diable est partout et Dieu n’y peut rien. John Proctor et sa femme Elizabeth appartiennent au lot des coupables et passent en procès.
Dans ce jeu pervers du démon, c’est peut-être bien la jeune Abigail la plus diabolique. C’est dans tous les cas la version du film. Tout ceci ne serait qu’une sombre affaire de jalousie qui se répercutera sur le film lui-même. Dans les bonus, Mylène Demongeot raconte les humiliations régulières qu’elle a subies de la part de Simone Signoret. Arthur Miller interdira l’exploitation du film pour ne pas faire concurrence à sa nouvelle version de la pièce La chasse aux sorcières. La vérité est beaucoup moins noble. Il est tout simplement en colère contre la liaison d’Yves Montand et de Marylin Monroe, sa femme à l’époque. Nous sommes en pleine période austère de l’Angleterre puritaine qui a des répercussions sur les colonies d’Amérique. C’est peut-être un climat qui parcourt l’Europe puisque quelques années plus tôt, de 1630 à 1634, les possédées de Loudun occupent la première place de l’actualité du pays.
Les deux histoires possèdent de nombreux points communs. Au final, environ 200 personnes furent accusées et emprisonnées, il y eut plus d’une trentaine d’exécutions et plusieurs décès dans les prisons. En 1692, les juges et assesseurs admettent avoir exécuté des innocents et implorent le pardon des familles. En mai 1693, le gouverneur libère les derniers emprisonnés, plus d’une centaine ! Cette paranoïa est sans doute due à une foi exacerbée, des attaques des populations amérindiennes, ainsi que l’ingestion d’un parasite du grain de seigle, l’ergot (composant du LSD, engendrant spasmes musculaires et hallucinations). Arthur Miller s’appuie sur cette histoire en 1952 pour dénoncer la chasse aux sorcières du Maccarthysme alors en plein essor. Raymond Rouleau bénéficie non seulement d’une pléiade d’acteurs au sommet de leur succès mais aussi d’une petite jeune prometteuse. Pour l’adaptation, ce n’est autre que Jean-Paul Sartre.
Simone Signoret et Yves Montand avaient déjà joué la pièce sur scène, retrouvant facilement leurs marques pour le film. Le réalisateur crée avec Jean-Louis Barrault et Julien Bertheau, l’École du Comédien [1942-1944]. Peut-être sous le poids des acteurs et du scénariste, la mise en scène est sage et classique, ce qui ne dessert pas le sujet rigoureux. C’est un cinéma d’après-guerres, classique, d’autres versions bien plus tard s’empareront du sujet avec beaucoup plus de lyrisme et de sens incontournable de notre histoire du cinéma. La restauration des trois nouveaux classiques de chez Pathé est impeccable comme d’habitude un travail précis et soigné à l’extrême.
Patrick Van Langhenhoven
Bonus :
"Une petite sorcière malheureuse" : Entretien avec Mylène Demongeot (20')
Titre original : Les Sorcières de Salem
Titre allemand : Die Hexen von Salem
Réalisation : Raymond Rouleau
Assistants à la réalisation : Gérard Renateau, Paul Nuyttens, Ruth Fischer
Scénario : Jean-Paul Sartre, adapté de la pièce d'Arthur Miller, Les Sorcières de Salem (The Crucible, 1952)
Dialogues : Jean-Paul Sartre
Décors : René Moulaert
Costumes : Lila De Nobili, Lydia Fiege
Coiffures : Alex Archambault, Bernhard Katisch
Photographie : Claude Renoir, Louis Stein
Son : Antoine Petitjean
Montage : Marguerite Renoir
Musique : Georges Auric1,2, Hanns Eisler (non crédité3)
Photographe de plateau : Roger Corbeau
Producteur : Raymond Borderie
Directeurs de production : Charles Borderie, Robert Bossis, Richard Brandt
Sociétés de production : Films Borderie (France), CICC (Compagnie Industrielle et Commerciale Cinématographique, France), Pathé Cinéma (France), DEFA (Deutsche Film AG, Allemagne)
Sociétés de distribution : Pathé (France), Les Acacias (France)
Pays d'origine : France, RDA
Langue originale : français
Format : 35 mm — noir et blanc — 1,37:1 — son monophonique
Genre : drame historique
Durée : 157 minutes
Date de sortie : France 26 avril 1957
Distribution
Simone Signoret : Elisabeth Proctor
Yves Montand : John Proctor
Mylène Demongeot : Abigail Williams
Alfred Adam : Thomas Putnam
Raymond Rouleau : Danforth
Pierre Larquey : Francis Nurse
Jean Debucourt : le révérend Paris
Jean Gaven : Peter Corey
Jeanne Fusier-Gir : Martha Corey
Françoise Lugagne : Jane Putnam
Marguerite Coutan-Lambert : Rebecca Nurse
Aribert Grimmer (VF : Georges Aminel) : Gilles Corey
Pascale Petit : Mary Warren
Yves Brainville : Hale
Michel Piccoli : James Putnam
Alexandre Rignault : Willard
Darling Legitimus : Tituba
Gérard Darrieu : Ezchiel Cheever
François Joux : un juge
Chantal Gozzi : Fancy
Véronique Nordey : Mercy Lewis
Christian Férez
Jean Amadou
Jean Riveyre
François Darbon
Christian Lude
Lucien Guervil
Ursula Korbs