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affiche Les rois du monde

Les rois du monde

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Un film de Laurent Laffargue ,
Avec Sergi López, , Céline Sallette, , Eric Cantona,

Genre : Comédie dramatique
Durée : 1h40
France

En Bref

Les hommes ressemblent à des mastodontes antédiluviens s’affrontant du regard et du grognement pour les beaux yeux d’une femme. Elle désire  autre chose que de se transformer en bouchère derrière son comptoir. Elle rêve d'une autre vie, peut-être sous les sunlights, avec la voix épousant le public pour un soir, pour une vie. Elle donne des cours de théâtre à des étudiants le soir après le boulot à la caisse de la supérette. Il y a Jeannot, l'ancien amoureux, tout juste sorti de taule, prêt à reprendre sa place. Mais comme lui dit un de ses potes : « tu sais qu’elle appartient à Chichinet maintenant ? »

Chantal, pour lui, c'est l'amour cosmique pour l'éternité et toutes les roues du karma. Il y a trois ans, un malotru lui manque de respect, le sang s’échauffe, les poings parlent plus vite que l’esprit. Chantal ne l’a pas attendu, c’est de l’histoire ancienne où Jeannot n’est plus qu’une épave à laquelle plus rien ne peut s’accrocher. Elle souhaite du solide, comme Jacky, une vie toute tracée à la caisse de la boucherie père et fils. Cette vie tranquille à Casteljaloux prend du plomb dans l’aile avec l’obsession de Jeannot soutenue par l’alcool, le sang bouillonne et vire à la tragédie.

Dans ces conditions, l’affrontement devient inévitable, le choc de deux montagnes, forcément, ça laisse des traces. Chantal, au milieu, ne sait plus où est sa place, comme le dit la comptine, entre les deux, mon cœur balance ! Dans les coulisses du village, une autre histoire se joue, celle de  Romain et Pascaline, comme un écho à celle des adultes. Romain finit par partir pour Bordeaux où, sous la poussée de sa professeure de théâtre, il passe le concours du conservatoire. Si le passé est mort et archaïque, le futur est désormais dans les mains des jeunes gens. Sauront-ils en faire bon usage ?


Ce qui ressemble à une tragédie antique, un amour impossible, prend l'eau comme un navire mal calfeutré. On ne croit à aucun moment à la force des sentiments qui se perdent dans l'infinie étoile. Ils devraient nous saisir au plus profond. Nous emporter dans l'âme de cet amour perdu. Le réalisateur se concentre sur la lutte entre deux Neandertal avec des idées bien arrêtées sur les femmes. Il oublie de donner à son héroïne le premier rôle et de la prendre pour pivot de l’histoire. Il revient à la lutte primaire pour la femelle quand le singe descendait tout juste de son arbre. Tout le monde éructe, hurle son mal-être, les sentiers de la perdition balisent le terrain où l’amour devrait triompher. C’est bien dommage, l’élément principal de cette histoire est légèrement absent.

On la retrouve en écho avec Romain et Pascaline, elle finit par se retrouver sous l’effet de l’alcool et de pilules euphorisantes entre deux corps d’homme. Nous comprenons bien la métaphore. Le même enjeu se joue pour les jeunes adultes. Le même traitement condamne toute illusion que le film prenne des airs d’opéra tragique ou de tragédie grecque. C’est du monolithe qui trempe ses mots dans la pierre de la Gascogne, brut sans fioriture. Il manque du sentiment, de l’embrasement des sens, des mots doux que la violence des hommes défoncerait comme deux cerfs luttant pour la biche. Les femmes s’empareraient de ces forces vives, reprendraient les paroles pour les enrober de lys et de désir des corps. C’est l’histoire du monde, quand la force du chasseur laisse la place au feu du soir, et que les corps se cherchent et inventent, le temps des caresses, havre de paix pour le guerrier. C’est une corrida où le taureau finit mort dans l’arène, où les banderilles meurtrissent son dos et la dernière épée achève de mettre à terre la montagne de nuit.

Cantona campe un personnage de boucher, massif comme les carcasses qu’il accroche au crochet de métal. Peu loquace, Chantal est sa chose, son objet, elle lui appartient, l’amour là-dedans on verra plus tard. Jeannot est peut-être le seul que ce sentiment habite, mais trop de 51 trouble son esprit. Sergi Lopez, une fois de plus, montre l’étendue de sa panoplie d’acteur, inquiétant, trouble, entre deux vins ! Céline Sallette  tente de sauver son personnage, peine perdue. Elle nous surprend avec une séquence où elle mime deux personnages dans son cours de théâtre. C’est d’ailleurs les rares moments où le film nous accroche. Nous sentons bien que Laurent Laffargue connaît son sujet. Metteur en scène de théâtre, il adapte pour ce premier long métrage, sa propre pièce.

Il en parle bien et cite même Louis Jouvet avec une belle tirade sur les acteurs. Nous comprenons aussi que l’amour avec un grand A est entre les mains de l’avenir. Ce sont les deux jeunes adultes qui marquent la fin des derniers Cro-Magnon pour les nouveaux Roméo et Juliette. Il manquait juste un peu de douceur dans ce monde de brutes pour que le film prenne un autre sens, plus proche de la tragédie antique ou des grandes histoires d’amour.

 Patrick Van Langhenhoven

Note du support : n/a
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