Les Merveilles
___
En Bref
A travers le regard de Gelsomina, le film suit les aventures d’une petite communauté marginale composée de cinq femmes (la mère – Alba Rohrwacher – l’aînée – Maria Alexandra Lungu – et ses deux soeurs plus Coco qui travaille avec elles) et d’un homme (le père, Wolfgang, à la fois tendre et autoritaire). Le petit groupe vit en autarcie, produisant miel, confitures, sauce tomate, le pater familias ayant décidé de couper les ponts avec une société urbaine qui selon lui touche à sa fin.
Trois événements vont bouleverser cet équilibre précaire : les nouvelles normes européennes qui réglementent de façon stricte les productions alimentaires, l’arrivée d’un jeune délinquant en stage de réinsertion et le passage dans les environs d’une émission de télé-réalité, « Le pays des merveilles » animée par une reine de pacotille qui récupère la civilisation étrusque et les traditions locales à des fins commerciales (Monica Bellucci). Gelsomina, sur les épaules de qui repose le plus lourd du travail de la ferme, privée des plaisirs des jeunes filles de son âge intrigue pour que son père participe au concours organisé pour désigner le meilleur artisan local.
Alice Rohrwacher, née en 1981 à Fiesole, fait partie d’un groupe de nouveaux réalisateurs – Michelangelo Frammartino, Davide Ferrario, les frères De Serio, Andrea Segre, Vicenzo Marra - qui, depuis quelques années, renouvellent de l’intérieur le cinéma italien. Ils sont tous issus de l’école du documentaire et entretiennent une relation forte avec la réalité, tout en recourant dans leurs œuvres au ton de la fiction et de la fable. Après son premier long métrage, Corpo celeste, chronique de la vie d’une adolescente en quête de spiritualité dans une capitale de la Calabre rongée par le matérialisme, elle brosse, avec délicatesse et sensibilité, le portrait d’une autre adolescente mais cette fois dans un paysage rural et obtient le Grand Prix du jury à Cannes.
La mise en scène, simple et elliptique, participe du sujet traité : on songe parfois à une sorte de film familial avec ses plans-séquences, ses couleurs et son grain particulier. L’emploi du super 16 apporte une qualité sensuelle tant au paysage qu’aux personnages filmés avec lesquels la cinéaste entre en empathie dans une sorte de corps à corps qu’elle effectue avec eux, sa caméra perchée sur l’épaule. Grâce à un cinéma hybride dans lequel la frontière entre documentaire et fiction s’amenuise, la réalisatrice parvient à communiquer de l’intérieur, avec tendresse et poésie, l’existence de cette communauté insolite. Un cinéma différent, éloigné des codes télévisuels et qui porte sur la réalité un regard féminin et dissident, à la fois esthétique et éthique. Au final, les vraies merveilles ne sont pas celles promises par le petit écran mais bien les abeilles qui sortent de la bouche entr’ouverte d’une jeune fille au nom de fleur ou une nuit d’été étoilée avec un père enfin apprivoisé et sa famille, dans un pays où tout n’est pas à vendre.
Alain Claudot, Reims-Florence
• Titre original : Le meraviglie
• Réalisation : Alice Rohrwacher
• Scénario : Alice Rohrwacher
• Photographie : Hélène Louvart
• Pays d'origine : Italie
• Genre : Film dramatique
• Durée : 110 minutes
•
• Distribution
• Monica Bellucci
• Alba Rohrwacher
• Margarete Tiesel
• André Hennicke
• Sabine Timoteo
• Sam Louwyck
