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affiche Les Deux amis

Les Deux amis

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Un film de Louis Garrel,
Avec Golshifteh Farahani, Louis Garrel, Vincent Macaigne,

Genre : Comédie dramatique
Durée : 1h42
France

En Bref

Réussir à faire émerger de l’évidence, des surprises émanent du talent d’un réalisateur. Le « ménage à trois », puits sans fond au cinéma, trouve dans la volatilité de Louis Garrel une palette de tons singulière. Libre et prometteur, Les Deux amis attire dans ce traitement particulier du trio ou plus véritablement de l’importance et du fonctionnement de l’amitié, avec ce dénouement possible mais tabou qu’est… sa fin.

Le cinéma français peine parfois à ne pas creuser le fossé entre ses comédies souvent décriées et ses mélodrames plutôt classiques. Louis Garrel, acteur expérimenté - chez Honoré ou Philippe Garrel, son père, notamment - bien qu’il réalise ici son premier long-métrage, réfute les genres et a le mérite d’au moins s’essayer à plusieurs expérimentations. Son adaptation des Caprices de Marianne de Musset possédait toutes les caractéristiques du film auteuriste, plutôt dramatique. Le film au contraire brouille constamment les pistes, donne des airs de faux-semblants, de trompe-l’œil - jusqu'à en explorer très succinctement certaines - et associe judicieusement légèreté et humour avec profondeur et réflexion.


 Le film s’ouvre sur un endroit fermé, clos, tout en affichant un esthétisme allié à un certain voyeurisme. Cela présuppose les codes du film social : un corps féminin nu rayonne sous la fraîcheur de la prison et sa douche. Puis le train permet à cette jolie femme - Golshifteh Farahani (Mona) - au regard triste de s’en échapper. Le film s’amuse avec cela, se plaît à tromper, à étonner. Les deux amis, Louis Garrel (Abel) et Vincent Macaigne (Clément) - l’acteur incarnant en ce moment à merveille le jeune cinéma français - vont tomber dans le piège de la beauté mystérieuse de cette Mona, « petit diamant bleu » tel l’oiseau. Clément, amoureux d’elle, en souffre et va, sans le vouloir véritablement, laisser son ami s’immiscer dans cette relation. Là, l’illusion sera de rester fixée sur les deux jeunes hommes.

Les Deux amis, avec le complément scénaristique de Christophe Honoré, développe une écriture léchée et véritablement drôle - l’alarme de la voiture, la sortie du train etc. Chaque scène possède une indépendance et une force, car le retournement se produit également dans le ton. L’humour permet au drame de mieux s’infiltrer dans les failles et l’hybridation est quasiment omniprésente. Les scènes débutent par un ton, procédant à un revirement à l’intérieur même de cette dernière, leur offrant alors presque une vie solitaire. Ainsi celle de l’église, et son humour sexuellement décalé, se termine en un instant de cinéma où les ombres s’entremêlent de façon évocatrice. Cela grandit le film, qui ne doit pas nécessairement sa splendeur à son enchainement, lui, plutôt prévisible.

L’un brille par la beauté, l’autre par sa gentillesse ; l’un agit excessivement, l’autre est calculateur… Peu de films, avec cette problématique, ont la force de ne pas tomber dans la concentration amoureuse pure, où l’amitié devient uniquement concurrence et railleries. Ici, l’amitié interroge sur son essence, et le réalisateur poursuit son travail, entamé avec les mêmes acteurs dans La Règle de Trois. Le duo est le cœur du film. Garrel réussit à l’évidence à mettre en avant cet attachement entre deux personnes, liées par un passé fort, à l’admiration plus ou moins réciproque. Qu’est-ce qui fait que l’on s’attache à une personne sans la désirer ? Et comme tout duo réussi, la force des acteurs, leur complémentarité semble réelle, nous avons le plaisir d’être embarqué avec eux, dans leurs conneries, leurs blagues…

Ces trois personnages paraissent tous emprisonnés dans un mal être les amenant à ne plus être eux-mêmes, à se forcer de ne pas faire ce qu’ils ont envie. L’un par sa faiblesse, l’autre sa beauté et la jeune femme par son secret. La mainmise d’Abel sur Clément, plus faible, saute aux yeux, et le mensonge devient protection. La rébellion de ce dernier va offrir une fin sombre, n’oubliant à nouveau pas l’humour. Le réalisateur a l’intelligence de se donner le mauvais rôle, avec ses airs de dandy. Golshifteh Faharani, éblouissante avec ce personnage difficilement cernable, donne une énergie superbe. Une énergie dont dispose Macaigne par touches de maladresse, avec un côté attachant incroyable, enfantin et fou.

Le réalisateur citait Sautet comme influence, il pourrait aussi lorgner du côté des comédies italiennes des années 60-70. Ce ton libre frôlant certains déjà-vu de la comédie - la scène de l’hôpital et la fuite ou encore la boîte de nuit… - ne manque pas d’imperfections mais est un réel projet cinématographique. Ce mélange néanmoins, permettant volontairement à chacun de s’identifier aux personnages et aux situations, finit par tomber dans le général, par moments.

Garrel orchestre quand même le tout avec des nuances, dans l’esthétisme, où les détails ont un sens. C’est ce jeu de lumières, ce montage, et surtout ces mouvements des acteurs. Souvent en contradiction, ceux de Mona et des garçons ont des significations différentes, bien marquées : la première recherche la stabilité après la transgression quand les deux amis sont en mouvement constant, dans une course à la transgression qui pourrait changer leur vie. La course de ces deux êtres est stoppée, le temps d’un instant, par cette présence féminine forte. Mais ils la reprendront, espérons-le, à notre plus grande joie et surement cette fois à trois.

Clément SIMON

Note du support : n/a
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Titre français : Les Deux Amis

Titre anglais : Two Friends

Réalisation : Louis Garrel

Scénario : Louis Garrel et Christophe Honoré d'après Les Caprices de Marianne d'Alfred de Musset.

Décors : Jean Rabasse

Costumes : Justine Pearce

Photographie : Claire Mathon

Montage : Joëlle Hache

Musique : Philippe Sarde

Production : Anne-Dominique Toussaint