Mark est un jeune homme mystérieux et solitaire, obsédé par l’image, de la photographie au cinématographe. Il occupe deux boulots, opérateur mise au point dans un studio de cinéma et photographe pour images coquines. Le reste du temps, il traine, caméra à la main, pour voler des instants précis dans l’intention d’un documentaire. Il saisit l’image d’une prostituée morte que la police enlève et bien d’autres qui révèleront leur vraie nature plus tard. Pour l’instant, nous pénétrons au cœur de son existence, la nuit, dans le studio où il tourne avec la doublure de la star. Nous découvrons ses premiers pas avec la jeune fille du rez-de-chaussée de son immeuble. Peu à peu, la face angélique montre sa vraie nature pendant que la police mène l’enquête sur le tueur récidiviste. Il dévoile sa quête, immortaliser la peur sur le visage des jeunes filles, poursuivant les travaux de son père. De quelle façon Mark est-il lié au tueur de la nuit ? C’est ici que se niche la vérité.
« Bonne nuit papa, tiens-moi la main. » Dernière phrase du film.
Le Voyeur est sans doute l’un des premiers films de Michael Powell sans son complice des grands succès, Emeric Pressburger. Il sort la même année que Psychose d’Alfred Hitchcock, mais rencontre moins de succès car jugé scandaleux et malsain. Les deux films sont considérés comme les précurseurs des slashers, et du snuff movies pour Le voyeur. Il marque le déclin de ce réalisateur reconnu comme l’une des grandes figures du cinéma britannique. Redécouvert plus tard, il devient vite pour les spectateurs et des réalisateurs de renom comme Brian De Palma et Martin Scorsese, un film culte. Pourtant, son œuvre verra fleurir de nombreux remakes comme celui de Le narcisse noir qui donne Le lys des champs, Oscar du meilleur acteur pour Sidney Poitier. Le Voyeur aborde la notion du regard et du cinéma avec cet œil du début, celui dans le viseur de la caméra. Mark est un cyclope qui saisit, comme son père, une unique émotion, la peur. Plus tard il se confronte à un autre sentiment avec Helen, la voisine du rez-de-chaussée.
L’amour, il brise sa solitude et ouvre les portes d’un chemin inconnu. Helen écrit des livres pour enfants dont le dernier parle d’une caméra magique. Elle s’oppose à la caméra morbide, instrument de la quête de Mark. Nous comprendrons plus tard que son obsession lui vient de son enfance et de ses relations avec son père. C’est d’ailleurs Michael Powell qui a interprété le rôle et son fils, celui de Mark plus jeune. Il joue sur ce que nous voyons, ou pas et sur les sens, comme la mère d’Helen, aveugle. Elle nous livre une très belle scène sur la fin, avec un dialogue sur les différentes façons de voir et percevoir les choses. Elle est peut-être inspirée par l’aveugle qui connaît la vérité dans M le Maudit. Il n’est pas étonnant que son métier consiste à faire la mise au point, la netteté.
Cela nous emmène dans une seconde thématique, la folie. Mark a conscience qu’il est fou. Plusieurs fois, on le lui fait remarquer et il confirme que la folie a bâti son antre dans son esprit. Le voyeur emprunte un peu au mythe de Barbe-Bleue avec ces images qu’il ne faut pas voir. Helen ouvre la porte, découvre le film maudit, comme la pièce interdite dans le conte. La mise en scène fait preuve de beaucoup d’innovation, jouant avec le cadre, l’angle. Elle nous propose de nombreux plans surprenants. Il s’amuse du jeu du chat et de la souris entre le tueur et la police, et de l’aspect documentaire du film dans le film. Il construit son œuvre comme une symphonie allant crescendo. Bien entendu, il renvoie au cinéma et à la façon de filmer, d’utiliser le son et l’image. Nous terminerons par les dialogues subtils démontrant que, malgré le temps, Le voyeur reste encore très moderne. Pour moi, il appartient à la catégorie des films essentiels de l’histoire du cinéma à redécouvrir.
Patrick Van Langhenhoven
Titre original : Peeping Tom
Titre français : Le Voyeur
Réalisation : Michael Powell
Scénario : Leo Marks
Direction artistique : Arthur Lawson
Décors : Don Picton
Costumes : Dickie Richardson
robes d'Anna Massey : Polly Peck
robes de Moira Shearer : John Tullis
Photographie : Otto Heller, assisté de Gerry Turpin (cadreur)
Son : C.C. Stevens, Gordon K. McCallum
Montage : Noreen Ackland
Musique : Brian Easdale
Chorégraphie de Moira Shearer : Tommy Linden
Production : Michael Powell
Production associée : Albert Fennell
Société de production : Michael Powell (Theatre) Ltd
Société de distribution : Anglo-Amalgamated Film Distributors
Pays d'origine : Royaume-Uni
Langue originale : anglais
Format : couleur (Eastmancolor) — 35 mm — 1,66:1 — son Mono (Westrex Recording System)
Genre : Thriller
Durée : 101 minutes (86 minutes dans la version américaine)
Film interdit aux moins de 16 ans lors de sa sortie en salle.
Dates de sortie : 21 septembre 1960 – Version restaurée 4K 23 mai 2018
Distribution
Karlheinz Böhm : Mark Lewis
Anna Massey : Helen Stephens
Maxine Audley : Mrs. Stephens
Moira Shearer : Vivian
Esmond Knight : Arthur Baden
Michael Goodliffe : Don Jarvis
Jack Watson : Inspecteur en chef Gregg
Brenda Bruce : Dora
Miles Malleson : le client âgé
Martin Miller : Dr Rosan
Shirley Anne Field : Diane Ashley
Pamela Green : Milly
Bartlett Mullins : M. Peters
Nigel Davenport : Sergent Miller
Brian Wallace : Tony
Susan Travers : Lorraine
Maurice Durant : chef de la publicité
Brian Worth : directeur adjoint
Veronica Hurst : Miss Simpson
Alan Rolfe : détective du magasin
John Dunbar : docteur de la police
Guy Kingsley-Poynter : Tate, un cameraman
Keith Baxter : Baxter, un policier
Peggy Thorpe-Bates : Mme Partridge
John Barrard : le petit homme
Roland Curram : le jeune homme qui fait des extras
Robert Crewdson : le grand vendeur
Paddy Edwardes : la jeune femme qui fait des extras
Frank Singuineau : le premier électricien
Margaret Neal : la belle-mère
Michael Powell : le père de Mark
Columba Powell : Mark, enfant